L'Observatoire des villes vertes a publié cette semaine son palmarès 2023, et Strasbourg y fait une "entrée remarquée" à la 3e place. Pourtant, Strasbourg apparaissait cet été à la 10e place (sur 11) des villes les plus vertes de France dans un autre palmarès. Décryptage d'une apparente contradiction.
Strasbourg, 3e ville la plus verte de France. "Entrée remarquée dans le Top 10 France" selon le palmarès publié par l'Observatoire des villes vertes cette semaine du 15 novembre, qui classe par ailleurs Angers à la première place et Rennes à la deuxième. Strasbourg se retrouve devant des villes comme Lyon (4e), Nantes (6e) ou Paris (10e). Voilà de quoi ravir la majorité écologiste, qui voit son "plan Canopée 2020-2026" et son objectif des 10 000 arbres plantés à horizon 2030 mis en valeur par un classement partagé dans la France entière.
Pourtant, la capitale alsacienne était bien plus mal classée dans un palmarès publié pas plus tard que cet été. Réalisé par le spécialiste du traitement de l'image satellite Kermap, il classait non pas Angers à la première position mais Nice (qui n'est même pas dans le Top 10 de l'Observatoire), tandis que Strasbourg n'y figurait qu'à la 10e position (sur 11).
Dans la même veine, le moteur de recherches de locations de vacances Holidu plaçait en 2020 Strasbourg à la 6e place et Dijon à la première. Le comparateur d'énergie le Lynx estimait lui en 2022 que Nice était la ville la plus verte de France et que Strasbourg n'était même pas dans les dix premières. Alors, qui croire ? Strasbourg est-elle une bonne élève ou un cancre de la végétalisation urbaine ?
Des méthodologies différentes pour des palmarès parfois opposés
On peut trouver un début d'explication dans la manière dont l'enquête de l'Observatoire des villes vertes, celle qui place Strasbourg à la 3e place, a été réalisée. Il s'agit d'un questionnaire autoadministré envoyé aux 50 plus grandes villes de France, entre juin et septembre 2023. La classification se fait donc à partir de données fournies par les mairies elles-mêmes, et non à partir d'enquête de terrain. "La Ville est effectivement responsable des informations qu'elle donne, précise Ariane Selinger, secrétaire générale de l'Observatoire des villes vertes. Mais quand il y a des indicateurs qui nous semblent déroutants par rapport à la norme, nous les contactons. Il y a bien un travail de vérification."
Ce choix méthodologique débouche cependant sur des incohérences globales : si Strasbourg fait une "entrée remarquée" à la 3e place du classement en 2023, c'est que la ville n'y figurait pas en 2020...alors qu'elle était déjà 3e dans le palmarès de 2017. Comment une ville peut-elle passer de l'une des plus vertes de France à un statut de mauvais élève trois ans plus tard, avant de retrouver le podium au final ? Selon Ariane Selinger, quand les villes sortent et entrent du classement, c'est qu'elles ne "répondent pas au questionnaire autoadministré" ou ne "fournissent pas les éléments nécessaires".
Les autres méthodologies ne sont pas non plus exemptes de zones d'ombre. Celle de Kermaps, par exemple, repose sur des données cartographiques. Le site calcule la surface de zone végétalisée de chaque ville à partir des images satellites. Problème : toutes les portions de verdure apparente n'appartiennent pas systématiquement à l'espace public. Une ville est-elle vraiment plus "verte" si elle présente plus de jardins privés, donc d'habitants ayant la volonté - et les moyens - d'en aménager un ?
Le classement du moteur de recheches de location de vacances Holidu (qui classe Strasbourg à la 6e place) repose lui sur la surface de parcs rapportée au nombre d'habitants de chaque ville. Mais qu'en est-il de tous les arbres plantés en bordure de routes par exemple, des toits végétalisés ou des zones piétonnes arborées ?
Une dynamique globale indéniable
À défaut de pouvoir offrir une hiérarchie claire et nette entre les villes vertes de France, ces classements offrent néanmoins une vue globale sur l'état de la végétalisation urbaine. Celui de l'Observatoire des villes vertes, par exemple, montre à quel point les villes sont de plus en plus volontaristes en la matière. "Par rapport aux premières éditions du palmarès, il y a une évolution indéniable, une vraie prise de conscience, estime Ariane Selinger. Les villes ont aujourd'hui une approche globale de la végétatalisation, alors qu'en 2014 on était plus des projets ponctuels. Et il y a aujourd'hui une réelle volonté d'intégrer le citoyen, que celui ci s'approprie les politiques de végétalisation."
La multiplication des classements et palmarès montre d'ailleurs, en elle-même, l'intérêt croissant des acteurs économiques : est-ce un hasard si Le Lynx, comparateur d'assurances, investit dans une étude sur les villes vertes ? Ou si Forbes, le magazine économique spécialisé, se fait le relais de l'enquête d'Holidu, lui-même acteur majeur des locations de vacances en ligne ? "Il n'y a pas de concurrence entre ces classements, on est plutôt contents de voir qu'on n'est plus les seuls, tant que ça permet de favoriser la dynamique de la végétalisation urbaine", avance Ariane Selinger.
L'association des toitures et façades végétales (Adivet) estimait dans une étude publiée en avril 2023 que le marché de la végétalisation urbaine avait cru de 16% entre 2016 et 2021 et prévoyait 5% de croissance annuelle dans les prochaines années. Le gouvernement avait annoncé en juin 2022 un programme national de "renaturation des villes" doté d'un fonds de 500 millions d'euros.