A Strasbourg, le directeur de l'ENA défend son école: "les élèves sont au contact des réalités"

Face à l'annonce de la suppression de l'ENA, voulue par Emmanuel Macron, son directeur Patrick Gérard défend le recrutement et formation de ses élèves. Il revient également sur la création d'une prépa "Egalité des chances" à Strasbourg.

La nouvelle avait fuité, elle est devenue officielle le 25 avril 2019: Emmanuel Macron envisage la suppression de l'Ecole nationale d'administration (ENA), implantée à Strasbourg, "pour bâtir quelque chose qui fonctionne mieux". Aucune mesure précise n'a encore été donnée, mais l'énarque Frédéric Thiriez a été chargé d'élaborer "une réforme ambitieuse" de la formation et du recrutement des hauts fonctionnaires. Patrick Gérard, directeur de l'ENA, revient sur les critiques qui ont visé son école.
 
Comment avez-vous vécu, à titre personnel, cette annonce ?

"Je m’y attendais. Simplement, ce qu’a dit le président de la République c’est qu’il faut sans doute changer la formation des hauts fonctionnaires dans ce pays – pas seulement de l’ENA, d’ailleurs – et qu’il a demandé à M. Thiriez de travailler sur ce sujet. Donc on va, à partir de notre expérience montrer, tout ce qu’on a fait, tout ce qu’on a bien fait. On a aussi beaucoup de propositions à faire. Et puis on attend avec confiance le rapport que M. Thiriez remettra au Premier ministre au mois de novembre."


Est-ce que l’ENA incarne, comme beaucoup d’opposants le disent, cette élite déconnectée des Français ?

"Je ne suis pas sûr que l’élite soit déconnectée des Français, en tout cas, pas les élèves quand ils sortent de l’ENA. Ils ont fait des stages dans des préfectures, ils ont été au contact des associations, au contact des forces de sécurité, au contact des élus locaux. Ici, à Strasbourg, ils travaillent bénévolement pour des associations qui oeuvrent en faveur des personnes défavorisées. Donc ils sont au contact des réalités. Vous savez, 26% de nos élèves ont été boursiers dans l’enseignement supérieur. Ils ne viennent pas de familles très aisées, tous. Et donc ils ne sont pas déconnectés des réalités. Mais peut-être que dans leur vie d’après, dans les ministères, on les laisse trop longtemps à certains postes et ils peuvent être quelques fois déconnectés."
 
Vous parlez de boursiers justement. Le vrai problème, c’est celui de la représentation aussi. Pas de place ou peu de places pour les élèves issus de l’immigration, selon les opposants à l’ENA…

"Il y a des élèves issus de l’immigration dans toutes les promotions, d’ailleurs j’invite ceux qui le disent à venir le voir. Simplement, il pourrait y en avoir d’avantage, c’est vrai. Il est vrai aussi que les gouvernements successifs ont réduit le nombre de postes à l’ENA. Il y a 20 ans, 25 ans, il y en avait 160. Aujourd’hui, il y en a 80. Donc l’accès est plus difficile. C’est pourquoi il faut que nous mettions en place des dispositifs qui permettent à des élèves venant de quartiers défavorisés ou de zones rurales défavorisées d’accéder à l’ENA. C’est dans ce cadre que nous allons créer, par exemple, ici, à Strasbourg, au mois de septembre, avec l’Institut d’études politiques de Strasbourg, une préparation spéciale "Egalité des chances" pour de jeunes étudiants brillants qui viennent de familles défavorisées. Ils seront entraînés par nos élèves pour pouvoir passer l’ENA dans de meilleures conditions."
 
Parmi les soutiens de l'ENA, François Hollande soulignait, fin avril, la renommée de l'administration française à l'étranger. Cette administration, elle a formé de hauts fonctionnaires étrangers, des ministres par exemple…

"On a formé, depuis 1945, 3.700 fonctionnaires étrangers. Et on a formé 6.700 fonctionnaires français. Donc deux tiers français, un tiers étranger. C’est une des grandes richesses de l’ENA. L’ENA est considérée dans le monde comme une des meilleures écoles d’administrations existantes. Si je prends l’exemple de l’année 2019, nous avons plus de 1.400 candidats étrangers qui veulent faire l’ENA, pour 30 places. Et ils viennent de tous les continents. C’est une école qui est extrêmement critiquée en France, ça je le sais, mais c’est une école qui est extrêmement admirée à l’étranger."

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