Strasbourg : passionné de vinyles, il réalise son rêve et leur offre une seconde vie

Depuis le 1er septembre, un nouveau magasin de disques vinyles d'occasion, "Music non stop", a ouvert à Strasbourg. Son propriétaire, un ancien cadre commercial, réalise un rêve vieux de vingt ans.

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Au milieu de sa boutique de 25 mètres carrés, "Music non stop", ouverte depuis une dizaine de jours, François Follénius est un homme heureux. Après presque 40 ans de carrière comme directeur commercial, il s'octroie le plaisir de faire de sa passion son nouveau métier. Et puis, "entre la pression subie" dans son ancien job "et le bonheur d'être mon propre patron, ça n'a rien à voir" sourit-il.

Mais surtout, il découvre le bonheur de vrais échanges avec ses clients. "Quand on pousse la porte d'un disquaire, on le fait uniquement par plaisir. Ce n'est pas une obligation", rappelle-t-il. "Donc, on passe de très bons moments. J'apprends des choses d'eux, et eux apprennent des choses de moi." Durant ces quelques jours, il a déjà acquis la certitude que "les gens aiment retrouver cet échange" sans rapport de force entre vendeur et acheteur.

Treize mille vinyles dans 25 mètres carrés

Dans son magasin, des étagères, des boîtes, des bacs bien garnis. Chaque centimètre carré est exploité. Partout, partout, des disques. Quelques CD, mais surtout des vinyles. 4.000 33 tours, et près de 9.000 45 tours. Une mine d'or, une caverne d'Ali Baba, pour des clients de tous les âges.

"98% sont d'occasion, et donc souvent des originaux" précise le disquaire. Car même si, actuellement, le marché du vinyle fait son grand retour (+ 10% en 2020), et des usines de pressage ré-ouvrent, lui-même refuse tout net d'acheter ses produits sur des catalogues de fournisseurs. Question d'éthique. Car il veut "lutter contre les grandes enseignes", et s'insurge de voir les principales firmes du disque "faire exploser les prix du vinyle neuf", qui devrait passer à plus de 50 euros pour des rééditions de titres amortis depuis belle lurette.

Chez "Music non stop", les disques de bonne qualité sont à moins de 20 euros, "de 10 à 12 euros en moyenne." Et les bonnes affaires, "avec une pochette un peu abîmée" ou un peu de grésillement à l'écoute, sont à moitié prix. Mais toujours parfaitement audibles et sans rayures. Car avant de le proposer à la vente, François Follénius nettoie chaque disque, et l'écoute. Peu importe le temps qu'il y passe. "On ne peut pas faire ce métier si on n'est pas un peu passionné" explique-t-il, malicieux.       

Une passion qui a émergé à l'adolescence

Ce projet, il l'avait "en tête depuis vingt ans." Mais il a hésité très longtemps, n'étant "pas sûr qu'il lui permettrait de gagner sa vie", d'autant plus qu'il a trois enfants étudiants. Avec le regain du vinyle, il a senti que le moment était venu de se lancer.

Son amour inconditionnel pour la musique est né à l'adolesence. Quoique… "Il est difficile de dire avec exactitude d'où ça vient." Mais une chose est sûre, à 14 ans, François Follénius s'achète son premier disque, "Radioactivity" du groupe allemand Kraftwerk. "De la musique électronique, sans guitare. Ça m'a remué, ça a éveillé quelque chose en moi."

De la musique électronique, sans guitare, ça m'a remué, ça a éveillé quelque chose en moi.

François Follénius, disquaire

A 16 ans, il s'offre la double compil bleue et rouge (les "Red and blue albums")  des Beatles. Ensuite, dès les années 1980, il "plonge dans la musique électronique", tout en s'intéressant à tout le reste. Il lit les revues musicales qui lui tombent sous la main, se documente sans cesse. Et c'est "l'effet de la boule de neige qui grossit beaucoup : plus vous découvrez, et plus vous avez envie de découvrir. La curiosité s'entretient."

Actuellement, il se sent davantage attiré par la soul et le jazz mais n'hésite pas à continuer à acheter pour lui-même "toutes les nouveautés" qu'il apprécie. Principalement des disques vinyles, "mais des CD aussi." Sa collection personnelle est aujourd'hui constituée d'une quinzaine de milliers de disques.

Tous les goûts musicaux peuvent s'exprimer

Et pas question de se restreindre à une seule chapelle. "Je n'ai pas d'étiquette, je suis généraliste" assure-t-il. Cet éclectisme, bien entendu, se retrouve dans les rayons de "Music non stop". D'autant plus que "Strasbourg est une ville trop petite pour un magasin trop spécialisé dans ce domaine."

Et puis, il constate avec un plaisir non dissimulé que sa clientèle, "de tous les âges et tous les styles" est à l'image de son magasin. Avec des goûts extrêmement variés, et souvent une grande culture. "L'autre jour, sont arrivées deux jeunes filles de 22 ans. J'étais vraiment étonné par leur connaissance musicale" se réjouit-il.

Je n'ai pas d'étiquette, je suis généraliste

François Follenius, disquaire

Parmi les plus jeunes, "beaucoup cherchent en priorité du hip hop. C'est leur rock, leur musique subversive." Qui ne les empêche pas d'avoir envie d'écouter également Pink Floyd, Led Zeppelin, Queen ou Elton John, car "probablement ils en ont été bercés par leurs parents." Et l'autre soir, "une jeune femme est venue chercher un 45 tours de Brel, et voulait un 33 tour de Barbara."   

Comme, de son côté, François Follenius a en lui "45 années de références musicales" et continue d'écouter les musiques d'aujourd'hui, un jeune qui entre dans sa boutique n'a pas l'impression "d'être dans un mausolée" : "Je n'ai pas forcément la musique précise qu'il recherche, mais je la connais, et peux donc le conseiller sur un groupe approchant" assure le nouveau disquaire.  

Pourquoi ce retour du vinyle ?

Mais dans le fond, pourquoi le vinyle attire-t-il autant la jeune génération ? Engouement pour le vintage, certes, mais ça n'explique pas tout. Pour creuser la question, François Follénius n'hésite pas à la poser aux jeunes "entre 20 et 25 ans". Et les premières réponses qu'il a glanées le font réfléchir.

Ils lui racontent que le matin, sur leur trajet, ils écoutent leur playlist de musique dématérialisée, mais souvent "sans vraiment l'entendre." Puis, le soir, de retour chez eux, "ils se posent", mettent un vinyle sur la platine, et le dégustent "avec un verre de vin tout en admirant sa pochette."

Le soir, ils se posent et mettent un vinyle sur la platine tout en admirant sa pochette.

François Follenius, disquaire

Le disquaire observe aussi que la pochette du vinyle, rivalisant d'originalité, et parfois décorée par de grands artistes, fascine ses jeunes clients. "L'avoir en main leur plaît." Devant l'une d'elles, une étudiante en arts graphiques s'est exclamée : "C'est une pochette de toute beauté."

Sans rejeter, bien entendu, l'océan musical dématérialisé, qui leur offre une infinie liberté, "les jeunes manifestent un besoin de posséder à nouveau la musique physiquement, et de s'émouvoir devant une pochette" constate François Follénius. Qui ose avancer une première hypothèse : "Je me demande s'il n'y a pas un début de prise de conscience que la vraie vie, c'est chouette.".

Quelques informations pratiques

"Music non stop" se situe au 19 quai Saint-Nicolas à Strasbourg, à côté du musée alsacien. Dans l'immédiat, le magasin n'a pas encore de site internet, et ses horaires ne sont pas encore relayés sur les réseaux sociaux, "faute de temps" avoue le nouveau disquaire. Mais il promet de s'y mettre rapidement.

Jusqu'à la fin de l'année, le magasin sera ouvert de 9h à 19h du lundi au samedi "pour tester", et sept jours sur sept en décembre. Mais en 2022, les horaires risquent d'évoluer.  

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