L’extension des terrasses des bars, cafés et restaurants annoncée par la Ville de Strasbourg vendredi 16 avril 2021 inquiète la fédération des aveugles d’Alsace Lorraine Grand Est. Ses membres craignent des difficultés de circulation supplémentaires sur l’espace public.
Elles vont rouvrir et tout le monde s’en réjouit. Même lui. Depuis qu’il a appris le 16 avril dernier que les terrasses de Strasbourg seront autorisées à s’élargir, Gabriel Reeb, malvoyant, se voit bien y siroter un cocktail. Oui mais, il milite aussi pour que leur aménagement ne se fasse pas au détriment des personnes déficientes visuelles.
"Le doublement des terrasses, c’est parfait. Mais nous, on demande un aménagement de l’espace public pour qu’on puisse circuler plus facilement", s’exclame-t-il. En vue du déconfinement et de la réouverture prochaine des bars et restaurants, la municipalité a mis en place une commission spéciale, inédite, chargée d’étudier les demandes d’agrandissement provisoire. Composée d’élus, de riverains, mais aussi de représentants de personnes en situation de handicap, elle pourra attribuer jusqu’au double de la surface habituelle.
"Contourner une terrasse de 10 mètres de long, c’est pas possible pour nous. Ce qu’on craint c’est d’être encore plus dépendants du bon vouloir des passants dans la rue, qui heureusement nous aident souvent", avance encore Gabriel Reeb. "Déjà en temps normal, si on est obligés de descendre sur la chaussée, on se retrouve au milieu de la rue et on a plus de repères pour circuler. A ce moment-là, on va s’encastrer dans les arceaux à vélo, se prendre une autre terrasse qui déborde. C’est galère".
? Terrasses élargies à #Strasbourg : oui, mais pas au détriment des piétons #aveugles et #malvoyants !
— Fédération des Aveugles Alsace Lorraine Grand Est (@aveuglesGE) April 23, 2021
? @aveuglesGE diffuse aujourd’hui un communiqué afin d’alerter sur le problème et ouvrir le dialogue pour une ville plus inclusive : https://t.co/lkR1bWmEtz pic.twitter.com/NoNCniOo2g
La loi est effectivement claire sur le sujet : la largeur minimale du cheminement piéton est de 1,40 mètre libre de mobilier ou de tout autre obstacle éventuel le long du bâti. Pourtant, parcourir la ville, ses petites rues par endroit étroites, resterait un parcours du combattant quotidien.
"Généralement les terrasses sont adossées aux murs des bars-restaurants. Au lieu qu’elles soient collées aux façades, on demande à ce qu’elles soient déplacées au bord des trottoirs et qu’il y ait un cheminement de libre d’un mètre quarante, au moins, pour que les gens puissent circuler. C’est inscrit dans l’arrêté de voierie de 2007. Mais ce n’est jamais appliqué. Ni à Strasbourg, ni ailleurs".
Le malvoyant en veut pour exemple, la rue du Jeu des enfants, en plein cœur de l’hypercentre. "On y a implanté des terrasses en bois sur les trottoirs. On n’a pourtant pas le droit de les obstruer".
Un arrêté pour chaque terrasse
A Strasbourg, l’agrandissement des espaces extérieurs ne concernera que 40% des bars-restaurant, situés dans l’hypercentre ou sur de larges trottoirs. La Ville souhaite aussi tester la piétonisation de certaines zones en soirée ou le week-end. Pour espérer mettre tout le monde d’accord, la municipalité plaide la concertation.
"Les inquiétudes de ces personnes, nous les comprenons et nous les partageons car nous souhaitons que la ville soit inclusive. L’ensemble des handicaps seront pris en compte à travers les autorisations qui seront données", assure Pierre Ozenne, adjoint à la maire de Strasbourg. Un arrêté sera pris pour chacunes des terrasses ce qui permettra "d’assurer un contrôle", avance-t-il encore.
De quoi, peut-être, rassurer les quelques 250 membres bas-rhinois de la fédération des aveugles d’Alsace Lorraine Grand Est, présidée par Gabriel Reeb. Cette dernière a obtenu d’être, à minima, associée aux réflexions de la "commission terrasse".