Un campement s'est installé place de l'Etoile à Strasbourg en avril 2022. Alertés, la mairie et la préfecture ne sont d'abord pas intervenus pour reloger les sans-abris ni pour améliorer leurs conditions de vie sur place. Mais désormais tout le monde s'active avant le 14 juillet.
Sous les fenêtres de la maire, 70 tentes se sont progressivement installées depuis le mois d'avril 2022. Un peu en retrait de la route, sous la maigre ombre dispensée par les jeunes arbres. 70 tentes bien visibles donc.
Passants ou associations, des Strasbourgeois se sont émus du sort de ces sans-abris, et ont commencé à apporter une tente, à manger, une aide pour remplir des papiers. Petit à petit, et loin des circuits officiels, la solidarité s'est organisée.
La préfecture et la mairie ont été sollicitées, en vain. Pourtant, les conditions de vie sur ce campement ne sont pas satisfaisantes et empirent au fur-et-à-mesure de l'installation des tentes. Et aucun hébergement n'est proposé aux sans abris.
Vendredi 8 juillet, les 16 associations impliquées et présentes sur le terrain ont écrit une lettre ouverte aux pouvoirs publics demandant d'autres points d'eau (un seul pour une centaine de personnes, c'est insuffisant), un accès à des toilettes sûres et proches du campement 24h/24 (la nuit, les toilettes de la gare routière sont un endroit dangereux pour des adolescents ou de jeunes enfants) et surtout un abri d'urgence pour tous au plus vite, et la prise en compte médico-sociale adaptée à chacun, pour envisager la suite.
Finalement, c'est l'approche du 14 juillet qui a commencé à faire avancer les choses : des policiers sont alors venus dire aux habitants des tentes qu'il fallait partir avant. "Le feu d'artifices va être tiré à proximité, donc il y a des risques de dégâts et de danger, ça nous donne une raison de plus pour trouver une solution. Et nous trouverons une solution, avec ou sans l'Etat, c'est certain !", a déclaré Marie-Dominique Dreyssé, vice-présidente de l'Eurométropole devant les sans-abris, les responsables d'associations et les journalistes présents le 11 juillet devant le centre administratif.
Les habitants des tentes ont tous une histoire différentes. Ils sont Syriens, Afghans, Macédoniens, Tchétchènes ou Géorgiens. Certains sont seuls, d'autres en famille avec de jeunes enfants. Un jeune afghan a obtenu récemment le statut de réfugié avec son frère.
Certains ont fait une demande d'asile et attendent la fin de cette procédure pour savoir s'ils pourront rester sur le sol français. Tous appellent régulièrement le 115 pour trouver une place d'hébergement d'urgence, sans succès.
Nous n'avons pas vraiment de droits. C'est dur quand il fait chaud et que nous n'arrivons pas à dormir dans les tentes. Nous n'avons pas assez d'eau, nous ne pouvons pas prendre de douche.
Seda Jasharova, Macédonienne de 14 ans
Une délégation de sans-abris et de militants a ensuite pu être reçue en mairie.
Nicolas Fuchs est le coordinateur de Médecins du monde Alsace, et il connait bien la situation des sans-abris à Strasbourg et au-delà. "Il y a des centaines de personnes qui vivent sans toit, ce campement est très visible donc il y a une fixation dessus, et particulièrement avec le 14 juillet et les risques pour les résidents. C'est indigne, inacceptable et insécure de laisser ces personnes vivre dans l'espace public dans ces conditions, ça ne peut pas durer."
Il explique que les habitants des tentes n'ont pas accès à des douches, que le ramassage des déchets n'a pas été envisagé et que pour tout le reste, ce sont les associations qui pallie les manques, avec de l'aide alimentaire, des maraudes et un accompagnement social pour les démarches administratives ou médicales dont certains ont besoin. "Nous avons demandé une garantie à la ville pour trouver une solution pérenne pour tous ces gens", explique Nicolas Fuchs.
Mais le temps presse. "Le démantèlement du camp aura sans doute lieu mardi ou mercredi, puisque la place doit être vide pour accueillir les feux d'artifice du jeudi 14 juillet. Moi je suis vraiment en colère que la ville ne saisisse de l'affaire qu'à l'approche du 14 juillet et pas avant!"
La mise à l'abri doit être faite par l'Etat, mais l'accès à des sanitaires, à un point d'eau est à la charge de la mairie. "La ville peut faire beaucoup pour la dignité et les conditions de vie, c'est pour ça que nous sommes allés la voir".
Il craint aussi le recours à la force pendant le démantèlement. "Cet hiver, un gymnase a été évacué, les gens n'ont eu que peu d'informations sur leurs droits, et les prises en charge n'étaient pas adaptées. Et souvent l'usage de la force est excessif, ça met les gens en panique et ils ne comprennent plus ce qu'ils doivent faire", s'inquiète le responsable de Médecins du monde.
Une situation qui se dégrade sur Strasbourg
La situation sur Strasbourg est en train d'exploser, selon Médecins du monde : les militants qui font des maraudes rencontrent toujours plus de personnes, le nombre de squats se multiplie, il y a plusieurs centaines de tentes dans l'Eurométropole.
Dans le même temps, 700 à 1.000 places hôtelières (hébergement d'urgence en hôtel) vont disparaitre d'ici la fin de l'année, 10.000 dans toute la France. "Ce processus commence chez nous, on est particulièrement inquiets", dit Nicolas Fuchs. "Est-ce qu'on veut augmenter encore les squats ? Je pense que la stratégie c'est de miser sur le fait qu'ils vont partir dans un autre département, ou dans leur pays. Dans tous les cas, on crée de l'errance."
Ce qui reviendrait à déplacer les problèmes, sans les résoudre.
Lundi 11 juillet, les huissiers sont venus sur le campement place de l'Etoile. Le démantèlement est imminent.