Strasbourg : une minute de silence pour "la mort annoncée de l'hôpital public"

Avant la visite de Jean Castex le 10 décembre aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), plus de 300 personnels de l'hôpital ont voulu dénoncer le manque de moyens du secteur. Ils s'inquiètent de la perte d'activité de leur profession.

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Ils étaient plus de 300, à 14h, ce vendredi 10 décembre, à se rassembler devant le Nouvel hôpital civil de Strasbourg. Tous services confondus, ils ont voulu manifester leur désarroi face à la situation de l'hôpital public.

"L'hôpital public se meurt. L'implication physique et morale des hommes et des femmes qui nous constituent ne suffisent plus. L'hôpital ne tient plus debout. Il va tout simplement disparaître. L'accès au soin à l'hôpital pour tous n'existera plus, en l'absence de changement radical". C'est par ces mots que Sébastien Harscoat, médecin urgentiste, a demandé aux personnels d'observer une minute de silence.

Dans la bouche des personnes rencontrées aux abords de l'hôpital civil, le même message : "Nos métiers ne sont plus attractifs. Il faut à tout prix éviter que les gens ne fuient l'hôpital public."

Un mal présent bien avant le Covid

Antoine Pons travaille aux HUS depuis 2016. Aujourd'hui, cet anesthésiste-réanimateur tire la sonnette d'alarme : "On est moribond, à plus grand-chose de mettre la clef sous la porte. Mais ça fait des décennies que ça va de moins en moins bien, et le Covid n'a fait qu'accélérer les choses. Le problème ne peut pas être résumé en quelques minutes, mais le nerf de la guerre, c'est l'argent. On manque de moyens financiers, humains et matériels".

Tous services confondus, 300 personnes ont répondu à l'appel. ©Flavien Gagnepain / France Télévisions

Pour Anne-Justine, infirmière en réanimation, la pandémie a mis en lumière les difficultés de son métier : "Notre travail n'est pas reconnu, alors que c'est un métier qui demande une véritable formation. On l'a vu avec le Covid, des collègues venaient nous épauler mais ils n'étaient pas formés pour intuber des patients par exemple. Résultat, les gens étaient mal pris en charge."

Sincèrement, qui veut travailler ici pour 1.800 balles ?

Anne-Justine

Infirmière en réanimation

"Le travail n'est plus du tout attractif ! On travaille de nuit, on enchaîne les week-ends, et ensuite, on n'est pas assez valorisé. Sincèrement, qui veut travailler ici pour 1.800 balles ?", lâche l'infirmière. Elle demande une revalorisation des salaires d'au moins 10%, plus que ce que le Ségur de la santé lui a versé : "Ce qu'a fait le Ségur, ce n'est pas suffisant, surtout que le coût de la vie augmente partout."

"On nous revalorise de moins d'un euro brut par heure de nuit et nous sommes payés que dalle les week-ends et les jours fériés. En plus l'ARS demande un soignant pour 14 patients, c'est inconcevable!", ajoute Paula Da Silva, secrétaire générale adjointe de la CFDT Santé Sociaux du Bas-Rhin.

Il y a un désamour complet des métiers de soin. Et on le sent au niveau des écoles d'infirmier, il y a de moins en moins de candidats à l'entrée.

Florent Cretin

Responsable syndical CFDT aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg

La profession craint que les jeunes générations ne viennent plus travailler pour l'hôpital public, et que les élèves qui sortent de leurs études ne s'installent directement en libéral : "C'est quelque chose qu'on constate déjà. On aimerait que ceux qui rejoignent l'hôpital restent plus longtemps avant de partir ailleurs", espère Antoine Pons.

Pour Florent Cretin, responsable syndical CFDT aux HUS, "il y a un désamour complet des métiers de soin. Et on le sent au niveau des écoles d'infirmier, il y a de moins en moins de candidats à l'entrée. Pour l'instant, les écoles sont encore remplies, mais on craint le jour où ils ne seront plus assez. Les élèves sont formés pendant trois ans, mais ils arrêtent de bosser au bout de trois ans."

Le Ségur de la santé débloque 368 millions d'euros d'investissement en Alsace 

Toutes ces revendications seront inscrites dans une lettre que les responsables syndicaux ont remis à Jean Castex lors de sa visite aux HUS. La minute de silence, elle, sera renouvelée tous les vendredis à 14h.

Cette mobilisation intervient alors que le ministère de la Santé et l'Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est ont présenté un plan d'investissement massif pour trente projets à travers l'Alsace, pour un montant total de 368 millions d'euros. À titre d'exemple, le pôle psychiatrie des HUS de Strasbourg sera réorganisé, et les capacités financières des Hôpitaux seront restaurées, pour une enveloppe de 209 millions d'euros. Un hôpital de jour sera également construit à l'hôpital du Neuenberg, parmi les 21 projets du Bas-Rhin.

Dans le Haut-Rhin, 56 millions d'euros seront alloués d'ici 2025 à la restructuration du service des urgences du Groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace. Les capacités financières des hôpitaux civils de Colmar et de l'hôpital Albert Schweitzer verront leurs capacités financières restaurées. Neuf projets ont été retenus dans le département. 

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