Strasbourg : une tablette tactile pour en finir avec les tags sur les pierres de la cathédrale Notre-Dame

De plus en plus de tags sont observés sur la cathédrale de Strasbourg. Pour éviter ces inscriptions inesthétiques et néfastes pour la pierre, la fondation de l’œuvre Notre-Dame met en place une tablette virtuelle pour les visiteurs souhaitant laisser une trace de leur passage.

Brosse à dents et seau d'eau chaude en main, Mathieu Baud frotte la pierre de grès rose dans l’escalier en colimaçon qui mène à la plateforme de la cathédrale. Le responsable de l’atelier de conservation de la fondation de l’œuvre Notre-Dame, en charge de la préservation de l’édifice, tente d’effacer les tags, ces inscriptions faites au feutre indélébile, à la peinture ou au stylo par des visiteurs souhaitant laisser une trace de leur passage.

Et la tâche est ardue : chaque jour apparaissent de nouvelles inscriptions nichées dans tous les recoins, sur les piliers, les parements et les contremarches. "Ce sont en général des signatures, ou bien un nom, une date, des cœurs, M+J=love et parfois des messages franchement indésirables". Mathieu Baud constate qu’il y en a de plus en plus. "Le tag appelle le tag. Si on ne les enlève pas régulièrement, les gens pensent que c’est un tableau d’affichage sur lequel on peut se laisser aller. Et dans cet escalier de 300 marches, ce ne sont pas les supports ne manquent."

 Au-delà de l’aspect esthétique, ces inscriptions peuvent altérer la pierre, et donc le patrimoine strasbourgeois. "Avec une encre, on modifie le matériau, explique-t-il. Le grès rose est une vraie éponge avec une forte porosité donc les encres ont tendance à migrer à l’intérieur de la pierre. En général on arrive à les effacer avec des traitements chimiques comme des solvants, mais parfois il reste des traces « fantômes » impossibles à faire disparaître."

 Les nettoyer est une opération particulièrement délicate. Il s’agit d’effacer sans trop gratter pour ne pas altérer la pierre ni la trace des bâtisseurs de Notre-Dame. "On y va très doucement avec des brosses à poils de cuivre pour ne surtout pas griffer l’effet taille qui montre la marque des outils des tailleurs de pierre de l’époque".

Voltaire et Goethe, tagueurs avant l’heure

Le phénomène est loin d’être nouveau. Notre-Dame était déjà taguée au XVe siècle. On peut encore en voir les inscriptions aujourd’hui sur la façade. " sauf que les visiteurs d’autrefois faisaient appel aux tailleurs de pierre officiels pour laisser une trace de leur passage", décrypte Mathieu Baud. Au milieu de ces nombreux graffitis en relief, on trouve d'illustres noms comme ceux de Voltaire ou de Goethe. "On conserve ces inscriptions car c’est un témoignage des modes sociales de l’époque. Elles nous renseignent sur les personnes qui venaient voir la cathédrale, leur statut, leur époque, leur origine."

 Mathieu Baud soulève le paradoxe dans cette sélection des bons ou mauvais tags : "la portée des messages des graffitis d’aujourd’hui n’est pas vraiment la même, sourit-il. Il y a aujourd’hui des graffitis indésirables qu’on ne peut pas tolérer. Mais il est légitime de se poser la question d’en conserver certains, pour laisser une trace de notre monde contemporain aux générations futures."

Pour permettre à ceux qui le souhaitent d'immortaliser leur passage à la cathédrale, l’œuvre Notre-Dame a trouvé l’alternative : une tablette tactile que l’on peut taguer à loisir. Elle a repris l'idée des conservateurs de la cathédrale de Florence, en Italie, lassés de voir des tags dénaturer la montée dans le campanile de Giotto.

La tablette tactile de Notre-Dame est installée dans l'ancienne maison des gardiens, sur la plateforme de la cathédrale. En fond d’écran, un parement de la cathédrale. On y inscrit avec son doigt le nom ou le message que l’on veut. L’inscription apparaît comme si elle était gravée dans la pierre et on peut même se l’envoyer par mail. "Il y a un disque dur qui conserve ces messages pour notre livre d’or. Ils sont aussi automatiquement conservés pour l'éternité dans nos archives. Le visiteur peut donc quand même laisser une trace de son passage, et en plus il garde un souvenir" , ajoute le gardien de Notre-Dame.

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