Un "requin" pédophile dans le box des accusés : premier jour d'audience aux assises du Bas-Rhin

Premier jour du procès de Jean-Christophe Karcher ce lundi 3 octobre devant les assises du Bas-Rhin à Strasbourg. Dans le box, ce père de famille de 50 ans, accusé d'agressions sexuelles sur 34 fillettes et de viols sur trois d'entre elles. Une première audience dont les journalistes ont été, sauf un, arbitrairement écartés.

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Ce matin du 3 octobre devant les assises du Bas-Rhin à Strasbourg, les bancs sont quasiment tous occupés. Tout au fond, de nombreuses jeunes filles se serrent et lorsqu'entre Jean-Christophe Karcher, accusé d'agressions sexuelles et de viols sur 34 fillettes, quelques unes ne peuvent retenir leurs larmes.

Constituées parties civiles avec leurs familles, une soixantaine en tout représentées par une quinzaine d'avocats, elles vont assister au procès de ce père de famille de 50 ans, maire-adjoint de Niederroedern (d'où la plupart des victimes sont originaires), enseignant respecté au collège de Seltz et chef scout.

Cette première matinée de procès a été consacrée à la personnalité de l'accusé, son enfance, lui qui a reconnu devant l'expert psychiatre être "attiré par la pré-adolescence, le moment où le corps d'enfant devient un corps d'adulte".

"Les victimes n'attendent pas grand chose de Jean-Christophe Karcher, explique maître Michaël Plançon, avocat de six des petites victimes. Elles avaient confiance en lui, c'était une autorité légitime et elles se sont faites flouer par lui, il a commis des gestes abominables sur elles. Elles n'attendent même pas forcément de pardon, à la rigueur des explications mais surtout que la justice fasse son œuvre."

"J'attends qu'il soit jugé correctement, les enfants que nous étions n'avions pas forcément conscience de ce qu'il faisait."

A.

Victime de Jean-Claude Karcher

A. fait partie des premières victimes connues. La jeune femme a aujourd'hui 18 ans mais avait 8 ans au moment des faits. "Je le vis très mal, raconte-t-elle d'une voix basse mais ferme. Je dors mal, j'y repense souvent, c'est un peu compliqué pour moi d'être présente à ce procès. Ce qu'il a fait c'est grave, alors c'est difficile à entendre, à vivre, à revivre, pas que pour moi mais aussi pour les autres filles et les parents. Ca a été compliqué de le revoir en face de nous, ça a fait remonter beaucoup d'émotion. J'attends qu'il soit jugé correctement, les enfants que nous étions n'avions pas forcément conscience de ce qu'il faisait. j'attends des explications sur le pourquoi de ces actes, d'autant que j'avais confiance en lui". 

"Le jeu du requin"

Les faits qui sont reprochés à Jean-Christophe Karcher se sont déroulés entre 2007 et 2018 et concernent pour beaucoup des amies des propres filles de l'accusé, invitées dans la piscine familiale. Le père de famille imposait "le jeu du requin" au cours duquel il attirait les petites filles au fond de l'eau pour pouvoir toucher leurs parties intimes. 

Il proposait également des douches et des massages, se servant chaque fois de ses filles comme appât. Chef scout, il entrait la nuit dans les tentes de fillettes et proposait là encore des massages. 

"C'est compliqué de faire face à son agresseur, ça vous fait vous remémorer des choses douloureuses qui sont encore difficiles à gérer pour la plupart de ces jeunes femmes."

Emmanuel Spano

Avocat des parties civiles

"Les victimes voient ce procès comme un aboutissement, cette phase de jugement, c'est un terme que l'on attend avec impatience. Je représente deux jeunes filles qui souhaitent obtenir justice et que l'on reconnaisse leur statut de victime parce que c'est difficile, la procédure a été longue. Et puis, il y a beaucoup de monde à ce procès, une forte pression médiatique aussi. C'est compliqué de faire face à son agresseur, ça vous fait vous remémorer des choses douloureuses qui sont encore difficiles à gérer pour la plupart de ces jeunes femmes", explique avec douceur Emmanuel Spano, avocat de deux familles.

En 2018, une de ses victimes ose se confier à l'assistante sociale de son lycée, une enquête est alors ouverte qui conduit à l'arrestation de Jean-Christophe Karcher. "Elle est très courageuse", confie Michaël Plançon, qui la représente.

Il aura donc fallu quatre ans de procédure pour que le procès ait lieu. Mais si l'accusé reconnaît les attouchements, il nie les viols. "Je l'ai trouvé très manipulateur, raconte encore Michaël Plançon, parce qu'il a l'art et la manière de répondre de manière très fleuve aux questions qu'on lui pose en essayant de noyer la question dans un flot de réponses. Il ne reconnait que ce qu'il a besoin de reconnaitre pour que la sanction soit allégée, il ne reconnait notamment pas les viols", regrette-t-il.

Anxieux à l'idée d'affronter le regard des victimes

Quatre années de procédure, que l'accusé a passé en détention. "Il est très anxieux à l'idée de comparaître devant la justice, explique son avocate maître Gaëlle Mootoosamy, et d'affronter le regard de toutes ses victimes, de toute sa famille, du public, il a cœur de s'expliquer, de se livrer aussi pour permettre, en petite partie du moins, la reconstruction des victimes. Il s'investit dans la détention, il sait que c'est la place qu'il doit occuper aujourd'hui."

Le père du quinquagénaire est également dans le box des accusés. Il comparaît libre mais encourt trois ans d'emprisonnement pour destruction de preuves : il a brûlé des clés USB contenant probablement des vidéos appartenant à son fils.

"Une violation du droit d'informer"

Le procès se tient à  huis clos partiel. Elément pour le moins étonnant : seul un journaliste de presse écrite a été autorisé à assister à l'audience, ses confrères - dont les journalistes de France 3 Alsace - ont été priés de quitter la salle. Une décision inédite, selon Jean Philippe Deniau, président de l'association de la presse judiciaire (APJ). "Il existe effectivement des huis clos partiels, avec la présence de la presse, mais pas en choisissant un journaliste. Il s'agit d'une violation du droit d'informer qui est flagrante" a-t-il déclaré à nos confrères de France bleu Alsace

Dans un communiqué publié ce lundi soir, l'APJ exprime sa "stupéfaction" face à la décision du président de la Cour d'assises, qui  "a accédé à la demande des avocats des parties civiles qui réclamaient la présence d’un seul journaliste, qu’ils avaient eux-mêmes choisi" et "souligne la totale illégalité d’un tel procédé".

Selon l'APJ, "ce huis clos, s’il veut en être un, doit concerner tous les journalistes présents ou aucun d’entre eux.". Le ministère de la Justice a été saisi.

Le verdict est attendu le 14 octobre prochain. Il sera prononcé en audience publique, conformément à l'article 306 du Code de procédure pénale.

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