Confinement à Schleithal : l’art salutaire du jardinage

En période de confinement, le jardinage est, notamment pour les personnes âgées privées de visites et de courses, la seule échappatoire. Avec ce grand soleil, elles ont ressorti leurs outils.
 

Schleithal, comme je vous l’expliquais dans une précédente chronique villageoise, est un village rue, le plus long d’Alsace, souvent cité dans des manuels scolaires de géographie pour sa physionomie particulière. Une rue principale longue de presque 4 kilomètres, une rangée de maisons de part et d’autre de cette route, et derrière ou à côté de ces maisons, de grands et beaux jardins.
 
A Schleithal, le jardinage est une affaire sérieuse. Les plantations se font suivant des lignes tirées au cordeau, droites, à espacements réguliers presque millimétrés. Le potager a une valeur nourricière importante. Ici, chaque famille a dans sa généalogie récente, des agriculteurs. Le jardinage est fait notamment pour constituer les réserves de pommes de terre, d’oignons, d’ails et d’échalotes, des réserves qui, bien conservées dans les caves des maisons, peuvent durer jusqu’au printemps suivant.

M.R, 78 ans, est confinée avec son mari depuis plus de 5 semaines, donc bien avant la date officielle du début du confinement. Les premiers cas européens ont incité à la prudence cette femme qui souffre d’une bronchite chronique. Mais renoncer au jardin, ça, c’est impossible. Je la retrouve donc en bordure de sa propriété : « Ja , meina Màn sàcht ich brauch niemi so viel Ziewle ze pflànze. Ich hàb ihm gsàcht es sin numme noch drei Stick im Kalla un mer sin mitte April ! Mon mari me disait que ce n’était pas la peine de planter autant d’oignons cette année mais, il ne m’en reste que trois en cave. Bien sûr que je vais en planter autant que d’habitude ! ».
Oignons, ail, échalote, les premiers semis de persil. Il fait encore trop froid pour planter les plants de tomates qui continuent à grandir dans les serres ou derrière les fenêtres des cuisines orientées plein sud. « Fe zwe Dà hàts noch Froscht gawe. Il y a encore eu un coup de gel, la nuit, il y a deux jours. Un meini Tomàtesetzling sin noch ze glan. Les plants de tomate sont encore trop petits ». M.R. ne se fie plus du tout aux saints de glace, saints Mamert, Pancrace et Servais les 11, 12 et 13 mai et encore moins à la saint Urbain (aujourd’hui sainte Sophie), le 25 mai, dates auxquelles des gels tardifs pouvaient encore griller les plants. Le réchauffement climatique a, visiblement, eu raison des anciennes pratiques et croyances, même à la campagne.

Il fait encore trop froid pour planter les premières tomates


Une voisine s’immisce dans la conversation, à bonne distance. C’est décidé, elle plantera ses tomates à la fin du mois. « Wànn im Gàrte bisch, fagasch disch », les deux femmes sont d’accord, quand tu jardines, tu t’oublies, tu ne penses plus à tes soucis, tu oublierais presque la situation actuelle. Cette activité permet aussi d’entretenir sa forme de manière utile.
 

Quelques mètres plus loin, une famille confinée a décidé de retourner un bout de pelouse pour faire un potager. Ça tombe bien, la plus jeune fille, est devenue végétarienne.
Plus loin encore, des voisins ont décidé de se partager une parcelle, ils vont faire un potager ensemble.
Le potager était à Schleithal l’apanage des anciens qui jardinent par réflexe, par atavisme. Les jeunes y reviennent poussés par la crise sanitaire et désormais convaincus de l’importance d’une certaine autonomie alimentaire. Pour tous, consciemment ou pas, le jardinage relève de la résistance, de la liberté.
 
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