La communauté de communes Ardennes Rives de Meuse a voté hier soir contre le projet d’incinérateur de déchets dangereux et non-dangereux de Givet. C’est la dernière collectivité consultée à s’opposer au projet, alors que tous les conseils municipaux des communes concernées s’étaient déjà positionnés contre. Un soulagement pour l’association Vigilance Givet et les habitants, qui attendent néanmoins la décision finale de la préfecture.
Givet, c’est une petite ville ardennaise située tout au nord du département, dans "la pointe", comme on dit, entourée de terres belges, traversée par la Meuse. Une ville où l’on vit paisiblement habituellement, mais où, depuis quelques mois, grandit une agitation animée par l'inquiétude des habitants : un incinérateur de déchets dangereux et non-dangereux pourrait être construit sur un terrain de onze hectares pour traiter 950 000 tonnes de déchets par an.
Mais cette inquiétude s'apaise peu à peu dans les rues de la ville en ce mercredi 6 mars, puisque la veille au soir la communauté de communes Ardennes Rives de Meuse a voté à l’unanimité contre le projet. Les élus communautaires suivent ainsi les cinq conseils municipaux des communes concernées, qui avaient tous exprimé leur opposition à l’incinérateur : Fromelennes, Rancennes, Foisches, Chooz et Givet.
Eric, un Givetois qui a signé l’une des quatre pétitions contre l’installation de l’incinérateur exprime son soulagement : "Maintenant, on peut au moins avoir l’espoir d’avoir une ville propre. Et ne pas avoir tous ces camions qui seraient venus nous polluer en plus de l’incinérateur". Jusqu’à 200 camions transportant des déchets, pour les estimations les plus alarmantes, auraient en effet pu traverser la ville.
En tout, plus de 6 200 personnes ont signé les pétitions. Une belle adhésion pour Joël Dujeux, le président de Vigilance Givet, une association qui s’est reformée en décembre dernier à la suite de l’annonce de l’enquête publique sur le sujet : "Depuis le départ, nous sommes conscients et confiants dans l’action que nous conduisons et les populations nous le rendent bien : elles participent aux réunions, nous avons eu de nombreuses adhésions, elles affichent leurs couleurs et disent « non » à l’incinérateur, que ce soit en France ou en Belgique".
Franchement, c’est une belle aventure, malgré le risque et les dangers que l’incinérateur représente.
Joël Dujeux, président de l’association Vigilance Givet
Pour Béatrice, venue de Belgique, l’incinérateur, c'est "une horreur pour n’importe quel pays ou n’importe quel environnement, une horreur parce que des arbres auraient été abattus". Elle aussi se dit donc soulagée "pour la région, parce qu’elle est belle, pour les Ardennes françaises et les Ardennes belges".
Une pollution qui pourrait traverser les frontières
Parce que l’appréhension et le rejet du projet ne se sont pas limités à la frontière française. Les communes belges avoisinantes et leurs habitants ont aussi pris le dossier à bras-le-corps, analysant les études de pollution notamment. Simon Bultot est le bourgmestre de Hastière, commune belge située à 10 km de Givet. Il est satisfait de la tournure des événements : "C’est un projet plus que nauséabond pour nous, c’est vraiment à la frontière belge, et donc, vis-à-vis de nos concitoyens, on ne pouvait pas laisser passer un tel projet". Et d’expliquer : "Quand on analyse la réelle rose des vents, on voit qu’elle pointe vers notre territoire, donc elle passe la frontière". Des vents dominants, qui auraient pu véhiculer des polluants, ont donc inquiété les citoyens belges, tout comme l’impact que l’incinérateur aurait pu avoir sur les prix de l’immobilier ou encore le tourisme.
Une inquiétude partagée par le maire DVD de Givet, Robert Itucci : "Givet est quand même une attraction touristique pour tous nos amis belges hollandais, allemands… Donc il fallait qu’on continue à garder notre attrait touristique, et c’est vrai qu’avoir une grande cheminée là-bas qui recrache on-ne-sait-quoi dans l’atmosphère, c’était un problème".
Là, vraiment, on respire, on respire mieux. Et c’est le cas de le dire : on n’aura pas de fumées toxiques ! Maintenant, j’en appelle à Monsieur le préfet pour qu’il prenne la bonne décision.
Robert Itucci, maire DVD de Givet
La décision finale revient au préfet des Ardennes
Parce que le projet d’incinérateur n’est pas complètement enterré pour le moment malgré le vote des communes et l’hostilité de la population qui s’est exprimée lors de l’enquête publique. La commissaire enquêtrice, qui a reçu plus de 4000 avis, doit maintenant rendre son rapport au préfet des Ardennes, qui consultera ensuite le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderest) avant de prendre sa décision finale.
"Si on est toujours en démocratie, espère Joël Dujeux, président de l’association Vigilance Givet, le préfet doit tenir compte de l’avis de la population et de ses fortes mobilisations. Comment pourrait-on imaginer que le préfet donne le feu vert à un projet qui est rejeté par l’unanimité française et belge, et par l’ensemble de nos élus ?", se questionne-t-il.
La préfecture des Ardennes pourrait prendre une décision définitive dans ce dossier avant la fin de l’année 2024.