Depuis la réouverture des établissements de nuit fin février, plusieurs personnes affirment avoir été victimes de piqûres. Nausées, perte de connaissance : les conséquences peuvent être lourdes. Aucune violence physique ou sexuelle n'a été confirmée par les autorités. Une douzaine d'enquêtes ont été ouvertes dans la Marne.
" Notre corps est là, mais on ne se sent plus à l'intérieur. Je ne pouvais plus me contrôler." C'est une soirée que Zoé, 19 ans, n'est pas prête d'oublier. En février dernier, avec plusieurs amies, elle décide de se rendre dans une discothèque de Tinqueux (Marne) pour fêter la réouverture des établissements de nuit.
La jeune femme n'a bu qu'une coupe de champagne lorsqu'elle arrive devant la boîte de nuit vers 23h. " Arrivée sur la piste de danse, je reprends un verre, se rappelle-t-elle. Une demi-heure plus tard, je me sens un peu bizarre. Je commence à faire une crise d'angoisse, mes jambes vacillent et j'ai l'impression que je peux tomber à tout moment. C'était vraiment une sensation horrible." Voir sa vidéo ici.
"Je remarque un petit trou dans ma robe"
Elle se rend ensuite avec ses amies au coin fumeur pour prendre l'air, puis s'effondre. "Blackout total". Elle estime avoir oublié "une heure et demie de sa soirée". Le lendemain, les nausées continuent. "Au moment d'aller me coucher le soir, je vois que j'ai comme une trace de piqûre sur la hanche. Je me dis "non ce n'est pas possible, ça ne peut pas être ça". Je regarde alors ma robe et là sur le tissu je remarque un petit trou, pile au même endroit où j'ai ma piqûre sur la hanche."
L'angoisse commence alors pour la jeune femme. Elle se rend donc à l'hôpital pour réaliser un test sérologique. Bonne nouvelle, il est négatif au VIH et à tout autre infection. Mais cet événement n'a pas été sans conséquence pour Zoé. Elle décide de partager son expérience sur le réseau social Tik Tok. " J'avais besoin de raconter ce qui m'est arrivé, de me libérer. Au fil du temps, j'ai vu que je n'étais pas la seule concernée et que beaucoup de gens ont été victimes de piqûres."
@zoe.rge Heureusement que j’ai des amis en or qui se sont bien occupés de moi ❤️?
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Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient ces dernières semaines. Des jeunes hommes et jeunes femmes expliquent, comme Zoé, avoir été piqués en soirée. Les effets secondaires sont lourds : nausées, comportements agressifs, perte de mémoire. Pour l'instant, aucune plainte pour violence physique ou sexuelle n'a été enregistré par les autorités.
Les boîtes de nuit renforcent leur vigilance
Plusieurs boîtes de nuit marnaises sont concernées par ce phénomène mystérieux. A l'Atrium de Reims, une enquête de police est en cours après qu'une personne ait affirmée avoir été piquée. Le gérant Olivier Stroh ne nie pas le phénomène, mais il s'inquiète de sa "viralité" . " Pour l'instant on ne sait toujours pas contre quoi on se bat, on sait toujours pas ce que l'on recherche. Et j'ai peur que la médiatisation autour de ce sujet amène les vrais témoignages à se retrouver noyés au milieu de témoignages inventés."
Pour faire face à ces actes, il a décidé de renforcer la vigilance et les contrôles des clients : "Nous avons mis en place des fouilles beaucoup plus poussées et renforcer notre système de vidéo-surveillance. L'entrée se fait également par une pré-vente en ligne, ce qui permet de connaître l'identité de chaque personne qui entre dans notre établissement."
12 enquêtes ouvertes en Champagne-Ardenne
Vérifier la véracité des témoignages reçus, c'est justement le travail du parquet de Reims. A ce jour, 12 enquêtes sont menées pour des faits supposés de piqûres en soirée. Mais les analyses toxicologiques n'ont pas permis de prouver l'administration de substances comme le GHB, car elles disparaissent de l'organisme en seulement quelques heures. Et à Reims comme ailleurs, on ne sait pas ce que contiennent ces seringues.
"Le plus important c'est d'abord de savoir si la personne a fait l'objet d'une piqûre et si elle a reçue des substances nuisibles ou dangereuses, estime le procureur de Reims Matthieu Bourrette. "Ces éléments là nous les recherchons par le biais des analyses sanguines et médicales. Jusqu'à ce jour, nous n'avons strictement rien trouvé."
Faits isolés ? Piqueurs en série ? Le procureur de Reims appelle à ne pas céder à la "psychose". "Dans les dossiers que nous avons eu à gérer pour l'instant, il n'y a pas eu de lien entre ce type de dénonciation et des faits établis d'agressions physiques ou sexuelles."
Aucun suspect interpellé à ce jour
Le phénomène s'étend au niveau national. Après des premiers cas recensés à Nantes puis Rennes, les témoignages affluent désormais des quatre coins de la France. Mais les enquêteurs patinent : les analyses toxicologiques sont réalisées trop tard et l'interpellation d'éventuels suspects s'avère difficile. La police de Lyon pensait avoir interpeller un premier suspect dimanche 15 mai dans une boîte de nuit de la ville. En possession d'une seringue sans aiguille et de LSD, l'enquête a finalement révélé qu'il était "toxicomane et consommateur ponctuel de ces produits."
Pour prouver l'administration de substances dangereuses, le CHRU de Nancy propose de mettre en place des prélèvements préventifs de sang et d'urine pour les victimes présumées. Au lieu de porter plainte avant de réaliser des tests, ce serait le contraire : les potentielles victimes pourraient se rendre directement aux urgences ou composer le 15 pour obtenir cette prise en charge avant de déposer plainte.