Témoignage. "Elle n’a pas décidé de se tuer mais d’arrêter de souffrir", le récit émouvant de la veuve d’une personne ayant eu recours à l'euthanasie en Belgique

Publié le Écrit par Céline Lang

Le projet de loi sur la fin de vie arrive au conseil d’état pour examen, le débat sur l’euthanasie se poursuit en France, alors qu’elle est dépénalisée en Belgique depuis 2002. Annie Menonville était atteinte d’un cancer du poumon stade 4. Après quatre ans de combat, elle a eu recours à l’euthanasie le 17 août dernier, en Belgique. Sylvine Menonville nous raconte le parcours de son épouse.

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Le récit de Sylvine Menonville est posé, presque serein, même si l’émotion pointe au coin de ses phrases et des quelques sourires qui affleurent parfois sur ses lèvres. Dans ses mains, un livre à la couverture blanche, sur lequel est écrit : « J’ai décidé de mourir ». Sur la tranche, le prénom et le nom qu’elle partage avec sa femme, Annie Menonville, aujourd'hui décédée. Une épouse, qu'elle a accompagnée jusqu’à la mort, le 17 août dernier, dans une maison qu'elles connaissaient bien, en Belgique. "Elle n’avait plus envie de continuer au stade 4 de la maladie, se souvient l'Ardennaise. Son état général s’était fortement dégradé. Et elle sentait à l’intérieur qu’elle n’y arriverait pas. Elle était au bout du bout".

Le couple, qui habite Charleville-Mézières, "a alors eu la chance" de rencontrer de l’autre côté de la frontière ardennaise si proche, un médecin traitant, qui, au terme de plusieurs rendez-vous et d’une étude scrupuleuse du dossier d’Annie, a accepté de pratiquer l’euthanasie. "On ne fait pas ça n’importe comment, souligne Sylvine Menonville. On a plusieurs rendez-vous, on a le droit de changer d’avis. Ils veulent voir quel est notre cheminement, savoir si on est prêtes, toutes les deux".

Une demande "volontaire" et "réfléchie"

En Belgique, depuis 2002, la pratique de l’euthanasie est dépénalisée pour les médecins. La loi fixe les conditions de cette fin de vie choisie : le patient doit être capable d’exprimer sa volonté et doit être conscient. Il doit se trouver dans une situation médicale sans issue, "faire état de souffrance physique et / ou psychique constante, insupportable et inapaisable". La loi précise aussi que cette demande d’euthanasie doit être "volontaire, réfléchie, répétée et sans pression extérieure". 

Alors les deux femmes ont pris le temps de faire ce chemin, de décider du contexte, de ce qui allait se passer et comment. "Elle ne voulait pas mourir à l’hôpital, reprend Sylvine Menonville. Elle ne voulait pas mourir à domicile. C’était une maison secondaire, elle s’y sentait bien, elle a choisi sa pièce". 

Elle a accueilli ses médecins, elle était contente de les voir. Elle a dit : « Je suis contente, on y va maintenant. Je suis prête ». 

Annie Menonville, souffrant d’un cancer du poumon stade 4, le jour de sa mort.


La mort d’Annie Menonville a été rapide, quelques secondes à peine. "C’est elle qui a enclenché, poursuit Sylvaine Menonville. Elle m’a juste regardé en me disant : « J’y vais doucement ou franchement ?»  J’ai dit : « Vas-y franchement » et elle a dit : « Je pars. Je re-rentre à la maison», pour reprendre ses mots". 

"Les Français sont prêts"

Annie Menonville s’est donc éteinte le 17 août dernier, à l'âge de 56 ans. Si sa femme témoigne aujourd’hui, c’est parce qu’à un moment de leur parcours, face à cette maladie, elles se sont senties "abandonnées" par la France. "Elle n’était pas assez mal pour pouvoir obtenir une sédation profonde, [prévue pour la fin de vie dans le cadre de la loi française Claeys Leonetti, ndlr], explique Sylvine Menonville. Elle donnait trop le change. Donc en fait, il faut peser 30 kg, ne plus manger, ne plus bouger de son lit. Voilà, sans respecter le fait qu’elle était au bout du bout".  Elle reprend : "Je pense qu’il faut écouter la voix du patient avant tout, le mettre vraiment au cœur des soins. Lui seul décide, en fait".

Pour la Carolomacérienne, les Français sont prêts à aller plus loin que la loi Claeys-Leonetti : "Il n’est pas question de religion, ni de politique mais de pouvoir choisir. On n’a pas décidé de se tuer mais d’arrêter de souffrir".

Le projet de loi sur la fin de vie, qui pourrait créer une "aide à mourir" sous "conditions strictes", selon les mots d’Emmanuel Macron, devrait être présenté à l’Assemblée nationale en mai prochain. 

Propos recueillis par Maude Petit-Jové et Astrid Farbos.

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