En Alsace, des drones pourraient aider à protéger les faons pendant les moissons

En cette fin du mois de juillet, les moissons battent leur plein. Une période dangereuse pour les faons, cachés dans les hautes herbes. En Alsace, les chasseurs proposent d’aider les agriculteurs à l’aide de drones.

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Quand ils viennent au monde, les faons se posent au sol et ne bougent plus. C’est leur façon d’échapper aux prédateurs. Mais en se cachant ainsi dans les champs d’herbes hautes, ils s’exposent à un autre danger : les lames des faucheuses. Car ils n’ont pas le réflexe de fuir à l’approche des machines. Or la période où ils sont encore petits et vulnérables coïncide avec la période des moissons. "Quand on fauche une centaine d’hectares, on risque en moyenne de faire une dizaine de victimes", estime Alexandra Dick, de la fédération des chasseurs du Bas-Rhin.

Un phénomène qui s’amplifierait depuis quelques années, en raison de l’accroissement observé des populations de biches et de chevreuils, mais aussi de l’évolution des techniques agricoles. "Les machines sont de plus en plus rapides et massives, les animaux n’ont plus le temps de fuir, explique Alexandra Dick. Certains agriculteurs font aussi des fauches plus régulières de leurs champs, plus souvent, ce qui augmente le risque pour la faune sauvage. "

Le salut de la faune sauvage pourrait-il venir des nouvelles technologies ? Il y a trois ans, Jean-Brice de Turkheim, chasseur et président du groupement cynégétique du grand Ried de Beaumont, dans le secteur de Sélestat (Bas-Rhin), a fait l’acquisition d’un drone, équipé d’une caméra thermique.

Chaque année depuis, il se met au service des agriculteurs de son secteur pour venir scanner les parcelles qui doivent être fauchées. "Il faut le faire le matin très tôt, explique-t-il. Le sol est encore froid, ce qui permet de mieux faire apparaître les sources de chaleur et donc les animaux tapis dans les herbes. Ils vont être représentés sous forme de tâche rouge sur mon écran". Une fois l’animal repéré, il doit être écarté du champ, avec moultes précautions. "S’il prend l’odeur des humains, il peut être repoussé par sa mère, précise le chasseur. On doit donc le manipuler avec des gants et dans un cocon de touffes d’herbe pour le déposer en lisière de la parcelle où sa mère le retrouvera".

Pour attester de l’efficacité de la méthode, Jean-Brice de Turkheim s’appuie sur les observations qu’il a pu faire ces dernières années : "avant on perdait jusqu’à 250 faons sur 10.000 hectares chaque année. Cette année, sur 4000 hectares, je ne déplore la perte que d’un seul animal".

Une obligation en Allemagne

Outre-Rhin, ce recours au drone avant labour est déjà largement développé, voire obligatoire. En Suisse, les premiers survols de champs ont été réalisés avec le concours d’associations regroupant chasseurs, agriculteurs et pilotes de drones. 
 

En Allemagne, on estime à plus de 100.000 le nombre de faons tués chaque année au moment des moissons. Pour enrayer le phénomène, les agriculteurs allemands ont l’obligation de s’assurer de l’absence de tout animal dans les prés avant de faire passer la faucheuse. Au risque de s’exposer à une amende de 3.000 euros s’ils ne le font pas. Ils s’appuient pour cela sur des chasseurs bénévoles équipés de drones. Le ministère allemand de l’agriculture a déployé 3 millions d’euros pour qu’ils puissent faire l’acquisition des machines.

Les agriculteurs alsaciens circonspects

Une telle mesure pourrait-elle être appliquée en France ? Vu d’Alsace, ni les chasseurs ni les agriculteurs ne souhaitent en arriver à cette obligation. D’autant que certains exploitants - pourtant désireux de protéger la faune - émettent des réserves sur le recours aux drones. "Ce n’est pas une technique efficace à 100%, estime Franck Sander, le président de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles) du Bas-Rhin. Il faut être très réactif pendant la période des moissons, notamment à cause des caprices de la pluie. Quand on décide de faucher, on ne peut pas attendre qu’un chasseur ait le temps de venir survoler le champ avec un drone. Et s’il passe plusieurs heures avant la fauche, cela peut être inutile car entre-temps, un autre animal peut venir se cacher. Pour bien faire, il faudrait autant de drones que d’agriculteurs, or ce n’est pas possible".

D’autres méthodes sont déjà utilisées par les agriculteurs, comme l’installation de barres effaroucheuses sur les machines ou des caméras thermiques en cours de développement pour équiper les tracteurs. "Il y a aussi des techniques de fauche qui limitent les risques, ajoute Franck Sander. Moissonner son champ à partir de l’intérieur, depuis le milieu et on élargit le cercle au fur et à mesure. Comme ça les animaux ne sont pas pris au piège, on peut les repérer et arrêter la machine à temps."

L’exemple franc-comtois

Pour avancer dans leurs réflexions, chasseurs et agriculteurs pourront s’inspirer de la Franche-Comté. Dans le Doubs, la Haute-Saône, le Territoire de Belfort et le Jura, les fédérations départementales de chasseurs ont toutes investi en début d'année dans des drones, financés en grande partie grâce à une subvention de l’Office français de la biodiversité.

 

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