Le monde de la nuit traverse une crise sans précédent. Contraints de rester fermés à cause de la situation sanitaire, les gérants de discothèques n'ont plus aucune perspective, ne sachant pas quand ils pourront rouvrir, et se battent pour sauver leurs établissements coûte que coûte.
Fini, les centaines de personnes se déhanchant sur les derniers titres en vogue. Plus de musique, plus de lumières et surtout, plus de clients. Depuis mi-mars, toutes les discothèques sont fermées et n'ont jamais eu l'autorisation de rouvrir. A Haguenau, les gérants du Manhattan sont amers. "C'est d'une tristesse de voir ce local aussi vide...", soupire Sandra Stoffel. Et pour cause : d'ordinaire, le Manhattan affiche complet chaque week-end. "L'ambiance est toujours top ! On a beaucoup de clients réguliers qui nous saluent en arrivant et en partant. A partir de minuit et demi, la fête bat son plein", raconte avec nostalgie Jonathan Dolt, light-jockey.
Le Manhattan a été créé en 1982 par les parents des actuels gérants. Sandra Stoffel éprouve "beaucoup de peine dans cette situation. Cela nous fait aussi mal au coeur pour nos parents. Ils ont beau ne pas le montrer, nous savons que cette fermeture les atteint". La situation est également dramatique pour les onze employés, embauchés en CDI à temps partiel. Si la plupart touchent le chômage partiel, James Scott, DJ, est à son compte depuis un an. "Comme je ne peux pas justifier d'une perte de chiffre d'affaires de plus de 50%, je ne reçois pas d'aide. Niveau financier, ça devient vraiment compliqué...", explique-t-il.
L'établissement, quant à lui, reçoit une aide de 1.500€ par mois. L'Etat a également payé l'équivalent de trois mois de charges. Une aide bienvenue mais la situation reste critique. "On n'a aucun chiffre d'affaires depuis le mois de mars. Pire, on ne sait pas quand on pourra rouvrir nos portes ! Ce que je crains le plus, c'est qu'on ferme définitivement... après presque 40 ans de travail, ce serait dommage. C'est vraiment ma hantise", confie Hervé Stoffel, gérant du Manhattan.
Même son de cloche à Surbourg. Christophe Schaendel y dirige l'Acropole depuis cinq ans. Actuellement, il ne sait plus comment gérer la situation. "Je suis à bout ! J'ai une femme, un enfant, je dois acheter de quoi manger, payer les factures...". Les problèmes financiers s'accumulent et le moral en prend un coup. "Ma vie s'est arrêtée il y a huit mois. Je dors sur le canapé tellement je suis nerveux, j'enchaîne les cauchemars... tout cela doit s'arrêter."
L'Acropole se compose de deux salles. Elles peuvent être louées, mais Christophe Schaendel y organise aussi une vingtaine d'événements chaque année : des soirées type discothèque. Car la musique, la fête, le clubbing ont toujours été sa passion. Gérant de l'Acropole mais également DJ, producteur et compositeur, il a décidé de lancer un cri de désespoir à travers ce qu'il connaît et affectionne le plus : la musique. Son titre "Sans discothèque, pas de fête" s'adresse au grand public, pour sensibiliser aux difficultés que rencontrent les discothèques en ces temps de fermeture.
Pour occuper de longues journées anxiogènes, Christophe Schaendel a décidé d'équiper l'Acropole. A l'entrée, du gel hydroalcoolique. Il a même entièrement fait désinfecter le local. "Je ne veux pas perdre un jour de plus. Si demain on me dit que je peux rouvrir, tout sera prêt. Je n'attends que la réouverture !". En attendant, le gérant tente de prendre son mal en patience, en espérant pouvoir sauver son établissement. Pour le moment, aucune date de réouverture n'a été annoncée. En France, sur les 1.600 discothèques, 300 discothèques risquent de mettre la clé sous la porte d'ici fin décembre.