Pour identifier une personne décédée, les dents sont le moyen le plus rapide et le moins coûteux. Les odontologistes - chirurgiens-dentistes experts dans la reconnaissance de victimes - tiennent actuellement leur 26ème congrès à Strasbourg. Pour l'occasion, gros plan sur ces missions méconnues.
Il existe quatre spécialistes en Alsace, une cinquantaine dans toute la France : ces chirurgiens-dentistes secondent la police ou la justice, et interviennent aussi sur des événements de grande ampleur - catastrophes naturelles, accidents ou attentats.
Le Strasbourgeois Jean-Marc Hutt est par exemple intervenu en 1992 sur le crash du Mont Saint-Odile, sur celui de la German Wings ou plus récemment sur les attentats de Nice.
La reconnaissance des victimes par leur implantation dentaire représente 80% des identifications difficiles lors de grandes catastrophes. Il y a en effet très peu de chances que deux personnes aient la même denture, le même nombre de dents, le type, la position, leur présence ou absence et le type d'obturations. Pour procéder à la reconnaissance du défunt, les odontologues se reposent notamment sur les informations fournies par le dentiste qui soignait la personne de son vivant.
Que fait un expert odontologiste ?
L'expert odontologiste est un auxiliaire de justice. Il participe à l'identification des sujets découverts morts et dont l'identité est inconnue ou de ceux pour lesquels une identification par les proches ou par les empreintes digitales est impossible en raison de l'état de dégradation du cadavre. Elle fait partie des trois identifiants primaires avec les empreintes digitales et l'ADN.
L'expert en odontologie médico-légale intervient indifféremment que la cause de la mort soit naturelle ou suspecte, que le sujet ait été découvert individuellement ou lors d'une catastrophe de masse. Il peut également étudier des traces de morsures portées par une victime, vivante ou décédée, en cas d'agressions ou de maltraitance
La structure et les caractéristiques des dents et des mâchoires humaines sont uniques. Par conséquent, chaque individu possède une véritable carte d'identité en bouche, c'est pour cela qu'on parle d'unicité de la denture. Ces critères dentaires sont ainsi utilisés pour une identification formelle.
Les dents sont très résistantes car elles sont protégées, l'émail dentaire notamment est la partie la plus dure du corps humain. Les dents résistent à plusieurs facteurs de destruction tels que l'enfouissement, la crémation, l'immersion en eau douce ou en eau salée, la putréfaction ainsi qu'aux atteintes physico-chimiques. C’est pourquoi elles se révèlent être un bon élément d’identification de l’identité d’une personne.
Aggripine, 1ère odontologue de l'Histoire
Selon l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, les origines de l'identification odontologique remontent à l'empire romain lorsqu’Agrippine, mère du jeune Néron, voulut s'assurer que ce dernier succéderait à son époux, l'empereur Claude. Elle ordonna à ses gardes d'exécuter la maîtresse de l'empereur et de lui ramener sa tête. Agrippine écarta alors les lèvres de la tête tranchée afin d'identifier la victime par certaines de ses particularités dentaires. Plus tard dans l'Histoire, Charles le Téméraire fut également identifié grâce à sa dentition (ses incisives manquantes) lors de la bataille de Nancy en 1477 au cours de laquelle il perdit la vie. De même, en 1945, le corps carbonisé d'Adolf Hitler fut identifié par son dentiste qui reconnut les prothèses qui lui avaient été posées. Enfin, plusieurs incendies ayant eu lieu entre 1878 et 1897 vont être à l'origine des techniques d'identification. L'exemple le plus marquant est celui de l'incendie du Bazar de la Charité en 1897 entraînant la mort de plusieurs personnes réputées. La duchesse d'Alençon, victime de cet incident, a notamment pu être identifiée [1-2].
Le fondateur de l’odontologie médico-légale reste le chirurgien dentiste Oscar Amoëdo qui, par son ouvrage « Art Dentaire en Médecine légale » en 1898, pose les bases de cette discipline. L'étude des traces de morsures intervient, quant à elle, dans le contexte du procès des sorcières de Salem où un révérend est condamné à mort pour avoir mordu des jeunes filles, les incitant ainsi à la sorcellerie.
Auparavant, l'identification n'était réalisée que visuellement par les proches de la victime pouvant induire des risques d’erreurs liés à l'émotion du contexte. Aujourd'hui, les caractéristiques bucco-dentaires constituent un élément d'identification à part entière.