Après le coq Maurice sur l’Ile d’Oléron, les cigales dans le Var, le cheval Sésame est à son tour dans le collimateur de voisins importunés par l'odeur de crottin à Orschwihr dans le Haut-Rhin. Une pétition a été lancée pour laisser Sésame poursuivre ses travaux dans les vignes.
C'est un Comtois de 13 ans, robuste, travailleur et consciencieux. Un cheval dénommé Sésame qui fait couler beaucoup d'encre malgré lui. Il est arrivé en 2012 au domaine Valentin-Zusslin à Orschwihr (Haut-Rhin). Sa mission ? Effectuer les travaux saisonniers dans les vignes du domaine en viticulture bio et biodynamie. Un véritable outil de travail pour Marie et Jean-Paul Zusslin.
Les avantages de la traction animale dans les vignes ? Des sols aérés et vivants, un apport de matière organique, une pollution nulle, etc. Les éloges sont sans fin. "Utiliser un cheval dans les vignes était une évidence pour nous quand on est passé en biodynamie. L'animal joue un rôle indispensable. C'est une démarche écologique en cohérence avec la nature" explique Marie Zusslin. Sésame est adopté et se voit offrir un petit coin de pâture dans le verger attenant au domaine.
Procédure judiciaire de 5 ans
Une pâture située à proximité d'une maison d'habitation. Quelques mois après l'arrivée de Sésame dans le village, des voisins se plaignent des odeurs de crottin, d'urine, de la présence massive de mouches. Ils se disent lésés. Leur maison transformée en gîte de France, serait délaissée par les clients. Ils ont déposé plainte en 2014. Et l'affaire est finalement jugée par le tribunal d'instance de Guebwiller en juillet 2018. Les voisins sont déboutés. Le tribunal estimant que "la présence de chevaux en nombre très limité […] dans un environnement semi-rural et semi-urbain ne saurait être considérée comme anormale […]. Les désagréments occasionnés par cette présence n’excèdent pas les inconvénients habituels du voisinage."
Plus de 7.000 signatures pour laisser Sésame dans les vignes
Pour autant, les voisins n'abandonnent pas et font appel de la décision avec ces arguments "toutes les parcelles sont aujourd'hui mécanisables, l'emploi d'un cheval n'est donc pas justifié" ou "il y a des viticulteurs bios qui ne possèdent pas de cheval". Pour Marie s'en est trop ! "Le danger pour tous les vignerons adeptes d’une viticulture douce serait que ce cas, qui est loin d'être isolé en France, fasse jurisprudence ! On se bat tous les jours pour faire correctement notre travail en accord avec nos principes et nos valeurs. C'est délirant." Une affaire qui suscite aussi l'émoi dans la profession. Marie et Jean-Paul ont reçu de nombreux soutiens de vignerons adeptes du bio ou non et de l'interprofession. Le Civa, le Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace " ne peut qu'encourager les vignerons qui travaillent en respectant l'environnement. Et on souhaite au niveau de l'interprofession qu'Orschwihr retrouve sa sérénité" explique Philippe Bouvet, directeur marketing au Civa.
L'affaire sera rejugée cet automne à Colmar. Depuis le 16 septembre, une pétition a été lancée sur internet "Bientôt plus de chevaux dans nos vignes" qui a déja recueilli près de 7.000 signatures.