Le Premier ministre Jean Castex et son ministre de la Justice sont attendus mardi 20 avril en fin de matinée sur le chantier de la prison de Lutterbach. Un établissement pénitentiaire unique en France qui accueillera ses premiers détenus à l'automne 2021.
Le Premier ministre Jean Castex et son garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti sont attendus ce mardi 20 avril en fin de matinée sur le chantier du centre pénitentiaire de Lutterbach, un établissement qui sera unique en France. Un projet vieux de dix ans, décrié, désiré, polémique, et qui accueillera ses premiers détenus à l'automne 2021.
Maison d'arrêt et centre de détention
Le projet d'un centre pénitentiaire au sud de l'Alsace date de 2009. A l'époque, déjà, le constat est sans appel : les maisons d'arrêt de Colmar et Mulhouse sont saturées. Saturées et vétustes. L'idée est alors de créer un nouvel établissement pour accueillir les détenus, hors la ville, dans des conditions plus adaptées et confortables.
Les noms de Meyenheim, Issenheim sont évoqués. Ce sera finalement Lutterbach. Malgré l'opposition de certains élus dont le maire actuel de Lutterbach, Rémy Neumann, et une pétition fracassante, les marchés publics sont passés en 2017 et les travaux débutent l'année suivante.
Depuis, la situation des maisons d'arrêt de Colmar et Mulhouse n'a pas vraiment évolué. Dans les deux, la surpopulation carcérale y est systémique. Le taux d'occupation de la première frisant les 180%. Le nouveau centre pénitentiaire "remplacera" les deux maisons d'arrêt qui seront fermées dans la foulée.
D'une surface de 55.000 m², composé de 17 bâtiments dont un quartier mineur, un quartier femmes, deux maisons d'arrêt et d'un centre de détention (peines de moyenne durée comprise entre deux et huit ans), le centre pourra accueillir 520 détenus.
Future #prison de Lutterbach, son entrée "symbolique et humaine", son "organisation villageoise"... je ne me lasse pas des brochures APIJ ? pic.twitter.com/I8jBvZSzOE
— Francois Bes (@Francsbes) August 14, 2017
Si les arbirtrages ne sont, pour l'heure, pas encore rendus, les personnels pénitentiaires devraient tourner autour des 200/240, toutes professions confondues. "Plus on ira vers les 240, mieux ce sera ... 240 c'est correct pour faire tourner un établissement de ce type" explique Christophe Schmitt, secrétaire interrégional FO pénitentiaire.
Prison modèle ?
Ce centre pénitentiaire fait figure de projet modèle. Par certains égards. A commencer par son élaboration. C'est ainsi la première fois que l'avis des personnels a été entendu et pris en compte : "Nous avions demandé au ministère à être associé à la réflexion et je l'ai effectivement été, j'ai pu faire quelques remarques, formuler des demandes qui ont été comprises. Cet esprit de co-construction est inédit en France" raconte Christophe Schmitt. Syndicats mais aussi service de probation et d'insertion, aumôniers, personnel médical, enseignants ont également été consultés.
Cet esprit de co-construction est inédit en France
La prison abritera en son sein des locaux socio-éducatifs, un pôle insertion, un pôle prévention de la récidive, une salle sportive, une salle de spectacle, un pôle santé ... Et ce n'est pas tout.
"Il y a des choses qu'on ne voit nulle par ailleurs, je ne peux pas vous détailler vraiment la conception de cet établissement à cause des risques sécuritaires mais Lutterbach cassera la sensation d'isolement grâce à une nouvelle conception des cellules, permettra davantage de contacts entre les surveillants sur une coursive, et facilitera la gestion du flux des détenus. Par exemple, Lutterbach sera la première prison française à avoir deux entrées distinctes : une pour les visiteurs, une pour le personnel pénitentiaire."
Ce n'est donc pas un hasard si le premier ministre et son garde des sceaux font le déplacement à Lutterbach pour y annoncer les sites retenus pour la seconde phase du plan "15 000 places de prison" dont 8 000 nouvelles places.
Carte 15000 Places Penitentiaire by France3Alsace on Scribd
La France souffre de ses prisons. Condamnée l'année dernière par la cour européenne pour des "conditions de détention inhumaines et dégradantes", il lui faut maintenant agir, montrer l'exemple ou du moins montrer des exemples.
Lutterbach en serait-un. Vraiment ?
#Prison Selon les chiffres de @justice_gouv, l'impact de la suppression des #CRP pourrait être considérable : le nombre de détenus pourrait augmenter de 10 000 ?
— OIP (@OIP_sectionfr) April 19, 2021
Heureusement que la France n'a pas de problème de #surpopulationcarcérale ?https://t.co/n014PPgcgt
Le compte n'y est pas
Car, malgré toutes ces belles avancées, le centre pénitentiaire de Lutterbach sera oui un modèle... du genre. Un archétype de la surpopulation carcérale française. Sur le papier. Déjà.
- 200 écrous en moyenne à la maison d'arrêt de Colmar
- 300 à 400 à la maison d'arrêt de Mulhouse
- 120 places dédiées au centre de détention, bâtiment à part, où le régime pénitentiaire n'obéit pas aux mêmes règles.
L'addition est vite faite et le compte n'y est pas. Les 520 places annoncées n'existent pas encore qu'elles sont déjà dépassées. "Nous, on a demandé dès le départ que le centre pénitentiaire bénéficie des 520 places entièrement consacrées aux courtes peines. L'idée étant de désengorger les maisons d'arrêt. Là, avec 400 places en maison d'arrêt, nous avons peur, dans six mois, de nous retrouver exactement dans la même situation. Celle d'une surpopulation carcérale. Et la surpopulation carcérale n'est satisfaisante pour personne."
On a demandé dès le départ que le centre pénitentiaire bénéficie des 520 places entièrement consacrées aux courtes peines.
D'autant que dans le Grand-Est, les maisons d'arrêt (petites peines et prévenus en attente de jugement) affichent un taux d'occupation plus élevé que les centres de détention (peines moyennes). 120,150, 200% pour les premières. 90, 95% pour les secondes. "On verra à l'usage comment ça se passe, au niveau gestion des flux. Mais nous risquons d'avoir une partie pleine à craquer et l'autre pas entièrement remplie. Il est ensuite difficile de transférer les détenus d'un établissement à l'autre sachant que les droits de détention y sont différents. On va voir ..."
Demain ? Christophe Schmitt a demandé officiellement à pouvoir participer à la visite ministérielle ce mardi 20 avril histoire "d'échanger à ce sujet et faire part de ses craintes." Il attend une réponse.