Lisette Kempf vit sa passion de la montagne depuis plus de neuf décennies. À presque 96 ans, la Thannoise partage avec son mari Gérard, nonagénaire lui aussi, des sorties de ski de fond, alpin, et l'été des randonnées.
Lorsque nous la joignons par téléphone, elle ne voit vraiment pas pourquoi il faudrait s'intéresser à elle, et ne veut surtout pas qu'on fasse "de la pub autour d'elle". Non, pour Lisette Kempf, 96 ans cette année, continuer le ski à cet âge n'a rien d'exceptionnel. "Je fais tout pour me maintenir en forme, et puis c'est tout !", s'amuse la nonagénaire lorsqu'on souligne son âge et sa grande forme, qui justifient évidemment à nos yeux cet article, porteur d'espoir pour tous ceux qui se sentent un peu fatigués au cœur de l'hiver.
S'ensuit une longue et charmante conversation, au cours de laquelle cette infatigable amoureuse de la montagne se plonge volontiers dans ses souvenirs. La tête marche au moins aussi bien que les jambes et ce n'est pas pour rien que Lisette Kempf fait l'admiration de tous ceux qui la connaissent. Et ils sont nombreux, aussi bien dans la vallée de Thann (Haut-Rhin) dont elle est originaire, que dans le massif vosgien et ailleurs, tant elle a œuvré, tout au long de sa vie, pour partager sa passion.
Lisette Kempf est née en 1927, à Thann, dans le Haut-Rhin, au pied du Thannerhubel, l'un des sommets du massif qu'elle classe parmi ses préférés "pour la vue, exceptionnelle, sur la vallée, et sur les Alpes, quand la météo est favorable. C'est un endroit sauvage, superbe." Et parce qu'elle y a effectué ses premières expériences de glisse. C'était... en 1939 !
Du Thannerhubel jusqu'à son jardin à ski
"L'un de mes cousins m'a emmenée. Nous avions des skis immenses, de deux mètres, en bois bien sûr, sans carres (cette arête métallique posée le long des skis et qui permet un meilleur accrochage, NDLR). Nous montions à pied, et je pouvais descendre jusque dans mon jardin !"
Lors de ma première descente, en 1939, j'ai pris au moins 70 gamelles, je les ai comptées!"
Lisette Kempf, skieuse de bientôt 96 ans
Survient ensuite la guerre, et le ski, bien sûr, est mis sur pause. Mais dès 1945, Lisette replonge avec bonheur dans la poudreuse pour ne jamais la quitter : ski alpin, alpinisme, randonnée, ski de fond, cette infirmière de métier, qui a passé toute sa carrière en milieu hospitalier, aime tout ce qui touche à la montagne et pratique assidûment.
En duo avec son mari Gérard depuis 60 ans
"J'ai eu de la chance aussi que mon mari Gérard, qui est un peu plus jeune que moi, il a 91 ans, partage tout avec moi."
Des décennies de montagne, le Mont-Blanc plusieurs fois, en été comme en hiver - "je l'ai descendu en chasse-neige, je n'étais pas une si bonne skieuse !", des souvenirs particulièrement marquants dans les Alpes, la barre des écrins et le sommet de la Meije parmi les meilleurs. Une chute aussi, à 3.000 mètres d'altitude, qui lui a valu une fracture du tibia et une descente en hélicoptère, la seule blessure dont elle se souvienne, en huit décennies de glisse.
Aujourd'hui encore, les sorties sont quotidiennes, à pied quand la météo est mauvaise - "je suis prudente, je ne skie plus quand on ne voit rien", à ski dès que possible : Lisette et Gérard ont, la veille de notre coup de fil, fait une sortie de ski de fond sur les crêtes, entre le Markstein et le Haag - "c'est dommage, le soleil s'est caché dès qu'on a chaussé les skis, il ne faisait pas beau, je n'aime plus ça !".
Fidèles bénévoles au club alpin
Ils reviennent aussi de quinze jours dans les Hautes-Alpes, du côté de Briançon où leur fils est guide de haute-montagne. "On a eu une neige exceptionnelle et du beau temps tous les jours!" s'enthousiasme celle qui a transmis à ses trois enfants et petits-enfants l'amour de la montagne.
Ses enfants, et volontiers ceux des autres. Car le couple est très engagé dans le milieu associatif, au club alpin notamment. Il encadre chaque lundi soir des séances d'escalade en salle dans le quartier de Bourtzwiller, à Mulhouse. Organise l'été des stages d'alpinisme dans les Alpes. Avec l'envie de transmettre, toujours.
La montagne, l'alpinisme, c'est la transmission d'un autre monde, loin de la finance, l'argent ou la politique. C'est la nature, le sens de l'effort et l'amitié.
Lisette Kempf, 95 ans, bénévole au club alpin depuis 60 ans
Et quand on évoque l'idée d'arrêter, on devine un sourire, espiègle. "Nous, les clubs seniors, ce n'est pas notre truc... on préfère le club alpin !" Alors il y a fort à parier, et c'est tout ce qu'on leur souhaite, que Lisette et Gérard passent en cette année 2023 le cap des 60 ans de mariage, skis ou chaussures de randonnée aux pieds, sur les hauteurs qu'ils aiment tant.