Le dernier numéro de l'hebdomadaire d'actualité destiné aux 8-14 ans a été publié jeudi 29 mars, conséquence de recettes trop faibles. Fondé en Alsace en 1984, le "JDE" faisait partie du patrimoine pour toute une génération.
"Toute l'équipe du journal des enfants vous dit au revoir - Continuez d'être curieux". C'est ainsi que se termine l'aventure du Journal des Enfants, par un tweet d'adieu et un ultime numéro après 40 années d'existence. Les dernières années ont été particulièrement difficiles pour cet hebdomadaire fondé en Alsace en 1984 : les abonnements étaient tombés à 7 000, alors qu'ils avaient atteint 150 000 en 1990.
Nous avons joint une fidèle lectrice, aujourd'hui maman, qui avait abonné son fils en 2023 alors qu'il était en CM2. "J'avais choisi le JDE parce que je me suis souvenue que je le lisais avec plaisir toutes les semaines, explique Mona. Je ne l'avais pas chez moi, mais j'allais tout le temps au CDI pour le lire."
Tom, 11 ans, n'y était plus abonné, mais il avait souhaité conserver certains numéros. "Il y a des numéros qui l'ont marqué, par exemple un dossier sur Thomas Pesquet ou un autre sur la mort de la reine d'Angleterre, se souvient la maman de Tom. Le JDE était vraiment à portée d'enfant, avec beaucoup d'iconographie, de schémas explicatifs, des BD, des jeux..."
Distribué aux familles et dans les écoles
La baisse significative du nombre de lecteurs a amené le Crédit Mutuel, propriétaire du groupe Ebra dont fait partie le JDE, à mettre fin à la parution du journal. Celui-ci avait pourtant adapté sa stratégie ces dernières années, en développant des formats plus adaptés aux réseaux sociaux. L'une des dernières publications du compte Twitter du JDE le montre bien : il s'agissait d'une vidéo résumant les "trois actus immanquables de la semaine".
Que s’est-il passé cette semaine dans l’actualité ? 🧐#Pirates en #Somalie 🏴☠️, #pollution à #Bali 🇮🇩 et exploit glacé 🥶, le #JDE vous raconte tout 👉 https://t.co/sOgHRjOLk0 pic.twitter.com/pgdKD1bxky
— Le Journal des Enfants (@JournalJDE) March 22, 2024
Le groupe Ebra a cependant décidé de mettre fin à l'ensemble supports du média, puisque contrairement à d'autres titres papier qui continuent à vivre sur le web, le site Internet du JDE ne sera plus accessible non plus. "Ils ont tout effacé, même le site internet. Ça, c'est le plus difficile, être rayé. C'est notre principal regret" explique Caroline Gaertner, responsable éditoriale du JDE.
Caroline, comme toute l'équipe, huit personnes dont trois journalistes, a reçu énormément de soutiens depuis l'annonce de la fin du JDE. "Près de 200 réactions : mails, courriers… C’est très touchant. Certains enfants nous ont raconté qu'ils avaient pleuré en apprenant la nouvelle. On n'avait finalement pas trop conscience du rôle de ce journal dans la famille qui servait de lien entre les enfants et les parents. Par ces témoignages, nous avons vu que le JDE créait du dialogue et du débat dans la famille là où avant, il n'y en avait pas."
Éducation aux médias
Cette disparition intervient pourtant dans un contexte où l'accessibilité de l'information vérifiée pour les plus jeunes constitue un véritable enjeu. Caroline Gaertner le sait bien. "On est tristes, déçus et en colère pour la simple et bonne raison que c'est une mauvaise idée de fermer ce journal. Je pense qu'Ebra le regrettera assez vite. Nous étions le seul journal jeunesse imprimé sur rotative en France, un vrai tabloïd de seize pages traitant de l'actualité quotidienne."
Pour preuve, le JDE a créé des vocations." Oui, nous avons eu plein de retours en ce sens : d'anciens lecteurs devenus journalistes. Il faut dire qu'on a fait un énorme travail d'éducation à la presse. En 40 ans, le JDE a permis d'expliquer le monde à deux générations de lecteurs, de les initier à la citoyenneté et à la lecture de la presse."
Caroline ne blâme personne. Les problèmes du JDE étaient connus depuis longtemps. "Le JDE souffrait d'un réel problème de commercialisation depuis des années. On était lié au journal l'Alsace alors que le JDE aurait mérité d'avoir une équipe commerciale dédiée et non pas en PQR (presse quotidienne régionale). Ce défi n'a pas été relevé, c'est le résultat de mauvaises stratégies… C’est très dommage. On se sent coupables d'abandonner nos lecteurs, mais c'est comme ça, pas le choix." Le groupe Ebra s'est engagé à trouver un poste à tous les salariés du JDE, au sein de ses nombreuses filiales.