Le carillon du dimanche matin de la collégiale Saint-Martin de Colmar qui sonne à 10h30 fait trop de bruit. C'est en tout cas l'avis d'une quinzaine de Colmariens qui demandent son arrêt pour pouvoir dormir. Leur avocat a adressé un courrier de mise en demeure au curé doyen la semaine dernière.
Si les voies du Seigneur sont impénétrables, les voix, elles, par lesquelles il se fait entendre, le sont beaucoup moins. Surtout le dimanche matin. Au centre-ville de Colmar, les cloches de la collégiale Saint-Martin, sonnent à toute volée pour annoncer la grand'messe dominicale de 10h30, pendant un bon quart d'heure, comme tous les dimanches matin depuis six siècles. Mais une quinzaine de riverains ne l'entendent pas de cette oreille et ont décidé de passer à l'offensive pour faire taire le carillon. L'avocat André Kornmann, qui se fait leur porte-voix, a adressé une mise en demeure au curé doyen de la paroisse, pour que cessent les cloches de la discorde. Séance tenante.
"On en a ras le bol, on veut dormir"
André Kornmann résume le propos de ces familles de plaignants qui lui ont confié: "On en a ras le bol. Nous, on travaille cinq jours dans la semaine, le samedi soir, on fait un peu la fête, on a des invités, on va au cinéma, enfin, on ne se couche pas de très bonne heure. Le dimanche matin, on veut dormir. On a des enfants qui font du sport le samedi, ils sont fatigués, donc ils veulent dormir aussi. C’est le seul jour dans la semaine où on peut se payer la grasse matinée et en permanence il y a les cloches de Saint-Martin qui font un boucan terrible."Ils sont commerçants, professions libérales, infirmiers: "J’ ai comme exemple un infirmier qui est en bloc chirurgical et les dimanches, qu’il a de libre, il a envie de dormir parce que le boulot d’infirmier en bloc chirurgical est extrêmement fatigant."
Les sonomètres sont dans le rouge
Des sonomètres ont été placés aux domiciles de deux plaignants, à proximité de la cathédrale, rue des Prêtres et rue Berthe-Molly: "ce dimanche, les cloches ont sonné à toute volée malgré notre demande et on a constaté que les sonomètres étaient en zone rouge. On a prévenu le curé que si ça ne s’arrêtait pas, on ferait faire des mesures par des experts agréés avec du matériel plus haut de gamme [que les sonomètres, ndlr] et qu’on saisira le juge des référés en demandant une astreinte dissuasive. 10.000 euros par infraction constatée, ça le fera réfléchir", dans le courant de la semaine Me André Kornmann fera donc appel à un expert agréé pour mesurer le volume sonore, suite à quoi, il procédera à une assignation devant le juge des référés "à moins qu’entre-temps M. le curé doyen retrouve un peu de tolérance et d’ouverture."L'archevêque ne veut rien entendre
Du côté de l'archevêché, à Strasbourg, on fait la sourde-oreille. Pour le chanoine Bernard Xibaut, "il s'agit d’une sonnerie du dimanche et non d’une sonnerie intempestive, à une heure tout à fait correcte." Dans la mesure où il s'agit d’une activité essentielle, la grand’messe du dimanche, depuis que la collégiale existe "les riverains ne peuvent pas dire qu’il s’agit d’un bruit intempestif qui est arrivé à leur insu sans qu’ils sachent, quand ils se sont installés à côté de la collégiale, qu’il existait." En terre concordataire, il y a une différence entre les sonneries civiles qui relèvent du maire et les sonneries religieuses qui relèvent de l’archevêque et du préfet. "Ici nous avons affaire très clairement à une sonnerie religieuse puisqu’il s’agit de la messe du dimanche, elle relève donc de l’archevêque et du préfet et il n’est certainement pas dans l’intention de l’archevêque de la modifier", conclut Bernard Xibaut.Le carillon, c'est joli
"J’habite au pied de la cathédrale depuis toujours, je n’ai jamais été dérangé par les cloches de la cathédrale. Non, au contraire, c’est au moment de Pâques quand elles ne sonnent pas que ça me dérange parce qu’il manque quelque chose. Les personnes qui rouspètent ont de la chance de pouvoir rester au lit jusqu’à 10h30 du matin, moi ça ne m’est jamais arrivé dans ma vie. Le dimanche matin tout le carillon se met en route : c’est joli, c’est bien, je suis pour, bien je sois croyant mais non pratiquant", explique Jacques Bapst, un Colmarien qui habite au centre-ville."Moi les cloches ne m’ont jamais dérangé, ce qui me dérange c’est les terrasses avec les ivrognes", explique pour sa part Nicole Gimfeld, une Colmarienne convaincue.