Les parents d'une élève ont porté plainte pour négligence contre l'école Steiner de Wintzenheim (Haut-Rhin) en août 2023. Leur fille de quatre ans aurait été victime de viols par plusieurs enfants au sein de l'établissement. Une nouvelle alerte après deux autres plaintes déposées contre l'établissement en juin 2023.
L'information a été révélée par BFM Alsace, qui a pu consulter plusieurs auditions d'enquête. Une plainte pour négligence a été déposée en août 2023 contre l'école Steiner de Wintzenheim (établissement privé hors contrat). Une maman rapporte des faits de viols sur sa fille de quatre ans par plusieurs enfants et met en cause la surveillance de l'établissement, faute d'encadrants en nombre suffisant.
Les faits se seraient produits deux fois, en octobre 2022 et en juin 2023, au sein de l'établissement. Deux scènes au cours desquelles la petite fille aurait été victime de l'introduction d'un bâton dans le vagin et dans l'anus. Des faits signalés à l'équipe pédagogique mais pour lesquels la directrice n'aurait pris contact avec les parents qu'une douzaine de jours après le deuxième incident.
La famille accuse l’école de ne pas avoir assuré la surveillance des enfants dans de bonnes conditions. Lors de l'agression de sa fille, la maman, qui ne souhaite pas témoigner, estime que le nombre réglementaire d’encadrants n'a pas été respecté.
De son côté, la direction de l'établissement, par la voix de Manon Eberhardt, la responsable administrative du jardin d'enfants Rudolf Steiner et également parent d'élève, "réfute totalement" les accusations de négligence. "Il faut savoir que le jardin d'enfants est sous tutelle de la Protection maternelle et infantile (PMI) donc qu'il est surveillé aussi au niveau du taux d'encadrement. Nos salariés sont diplômés et en nombre largement suffisant pour encadrer un groupe d'enfants." Elle affirme également que l'établissement a réagi très rapidement en prévenant le médecin scolaire et la PMI. Tout en précisant, "de notre point de vue il n'y avait pas de cas avéré, l'équipe n'a constaté à aucun moment les faits qui ont été reprochés à l'établissement."
La famille de la petite fille a également déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse, après avoir été visée par un signalement anonyme de situation préoccupante, transmis à la PMI de Colmar. A ce sujet, la fédération française de la pédagogie Steiner-Waldorf précise que lorsqu'un établissement porte plainte, cette plainte ne peut pas être anonyme.
Une autre affaire en mai 2023
Une affaire qui fait suite à deux autres plaintes déposées pour mise en danger de la vie d'autrui, également par des parents d'élèves, après un incident survenu en mai 2023. Ce jour-là, en cours de chimie, la professeure décide d'allumer un feu.
"L'objectif était de dégager un maximum de fumée. Elle a fermé les portes et les fenêtres, les enfants ont dû se mettre debout sur les tables le plus longtemps possible afin de vivre l'expérience de la fumée, raconte à France 3 Alsace Sophie (le prénom a été modifié), la maman d'un enfant présent ce jour-là. Ce qui m'a fait comprendre que c'était inacceptable, c'est quand mon fils m'a dit qu'ils avaient prévenu la professeure qu'il y avait des enfants asthmatiques présents. Et elle leur aurait répondu : "s'il y en a qui font une crise d'asthme, ils peuvent sortir".
Une plainte a été déposée par des parents d'élèves et les gendarmes sont venus constater l'odeur de fumée qui était encore très forte dans la classe même 48 heures après. L'école savait que l'on avait fait un dépôt de plainte, j'ai craint des représailles sur mon enfant donc je lui ai dit que je ne voulais pas qu'il y retourne. Ce à quoi il m'a répondu que si ce n'était que des violences morales, si ce n'était pas physique, ce n'était pas grave, qu'il avait l'habitude à l'école. Là, je me suis dit qu'il avait conscientisé pas mal de violences.
J'espère que les pouvoirs publics vont se pencher sur cette question, que l'on va pouvoir en parler pour alerter des parents qui voudraient mettre leurs enfants dans cette école. J'espère aussi pour les enfants que sera reconnu le fait qu'ils ont vécu des choses inacceptables."
Sur cet incident, la direction précise qu'une "enquête interne" a été diligentée. "Nous avons aussi pris contact avec les familles et les autres enfants pour avérer le fait qu'il n'y avait pas eu d'intention de mise en danger ou d'inhalation de la fumée volontaire de la part de la professeure", expose la responsable administrative du jardin d'enfants Rudolf Steiner.
"C'était une expérience de combustion en classe, à aucun moment, comme ça a pu être relayé, il n'était question d'enfumer les élèves ou de leur faire respirer de la fumée", complète Antoine Defèche, président de l'association Ecole Mathias Grünewald et parent d'élève. Un épisode pas si banal puisqu'il y a tout de même eu des conséquences pour la professeure. "Il y a eu un avertissement professionnel pour négligence juste du fait de la combustion dans une classe. Pas pour la mise en danger de la vie d'autrui", ajoute Antoine Deflèche.
Des inspections surprises dans trois écoles
Les deux parents plaignants ont retiré leurs enfants de l'école. Sur le fonctionnement et la vie quotidienne au sein de l'établissement, Sophie pointe également un grand flou dans le fonctionnement. "En tant que parents, à partir du moment où on vient pour poser une question, émettre une critique ou avoir besoin d'être rassuré sur un point, on ne nous répond pas ou que par le silence. Ou par du flou avec des phrases qui ne veulent trop rien dire, ou on nous culpabilise et on en ressort avec l'idée que c'est nous les coupables et nos enfants."
Elle précise encore que, comme les parents de la petite fille potentiellement agressée, elle a, elle aussi, fait l'objet d'un signalement auprès de la PMI. Un signalement effectué par l'école en janvier 2023 (donc avant son dépôt de plainte contre l'établissement) pour "mal-être d'un de mes enfants. Deux assistantes sociales sont venues nous rencontrer, tout un protocole a été suivi, cela a duré plusieurs semaines pour se solder par un classement sans suite et un rapport très favorable à notre famille". Elle évoque une possible "tentative de déstabilisation".
Dans cet établissement de 400 élèves, le plus grand de France à dispenser la pédagogie de l'anthroposophe Rudolf Steiner, trois plaintes la même année, c'est du jamais vu qui fait désordre. C'est dans ce climat de tension qu'à la mi-octobre, le Rectorat a réalisé des inspections surprises dans les trois écoles Steiner alsaciennes. Car si ces établissements (19 en France sont affiliés à la fédération française de la pédagogie Steiner-Waldorf) sont hors contrat, cela ne les dispense pas de devoir rendre des comptes aux services de l'Education nationale, qui vérifient que l'apprentissage des savoirs fondamentaux y est bien assuré.
De son côté, la fédération française de la pédagogie Steiner-Waldorf dénonce "l'attitude inappropriée de certains inspecteurs scolaires, lors des dernières inspections dans les écoles d'Alsace, attitude à charge avant même la vérification des établissements au point d'inquiéter les élèves". Et de conclure, "concernant les allégations, sous-entendus et autres accusations fumeuses, nous n’avons reçu à ce jour aucune preuve, aucun témoignage, aucune assignation en justice."
L'enquête menée par la gendarmerie de Colmar devrait donner de nouveaux éclairages sur le fonctionnement interne de l'école d'ici la fin de l'année.