Il faut sauver le château Burrus. A Sainte-Croix-aux-Mines dans le Haut-Rhin, ce mot d'ordre prend de l'ampleur. Le vieux manoir construit en 1900, et laissé à l'abandon depuis une trentaine d'années, va retrouver son faste d'antan. Ses nouveaux propriétaires ont la ferme intention de le réveiller.
Myriam Bassa n'aurait jamais envisagé de mener la vie de château. Pourtant, avec son compagnon Franck Ansel, ils sont désormais les heureux propriétaires du château Burrus, une bâtisse de style néo-baroque qu'ils ont acquise pour la somme de 400.000 euros. Investissement minime, au vu de tout ce qu'il faudra encore débourser : au bas mot, un million d'euros de travaux.
On ne devient pas châtelain sur un simple claquement de doigts. Un château, cela s'approprie en toute humilité. C'est en tout cas ce que pense Myriam Bassa, et l'histoire du château lui donne raison. Il a été construit en 1900 par un riche industriel du tabac, Pierre Jules Burrus. Puis, pendant la seconde guerre mondiale, il a été réquisitionné par les nazis qui en ont fait un centre de formation pour soldats SS. Ensuite, il a été vendu à une congrégation religieuse, et enfin, à des particuliers. Mais tous ont fini par jeter l'éponge : les coûts d'entretien n'étaient pas soutenables.
Le château Burrus, abandonné depuis 30 ans, allait mourir de sa belle mort. C'était sans compter sur un ultime rebondissement. Une petite annonce, que Myriam Bassa a découverte presque par hasard. Elle a aussitôt reconnu l'édifice qui la fascinait lorsqu'elle passait devant, étant petite. "Je n'étais jamais rentrée dedans. Je le respectais trop pour cela. Mais je lui avais dit que si j'avais une baguette magique, le le sauverais, j'ouvrirais toutes ses fenêtres" se remémore-t-elle.
En découvrant qu'il était à vendre, elle et son compagnon montent une SCI afin de l'acquérir. Pas pour y vivre, forcément, mais pour le partager. Au rez-de-chaussée une salle de réception, pour des cérémonies de mariage, des expos, des concerts. A l'étage, des hébergements de luxe. Mais avant, il faut restaurer cet écrin et lui rendre toute sa majesté.
Des chantiers participatifs
Tout refaire, du sol au plafond. Un travail de titan, pour lequel le couple a trouvé des soutiens spontanés. Les habitants alentours connaissent cette demeure qu'ils ont baptisée "le manoir à la verrière". C'est un bout de leur histoire. Chacun se souvient d'un parent ou d'un ami qui y a travaillé. Alors, ils viennent encourager et prêter main forte. Les artisans révisent leurs devis à la baisse, des bénévoles se bousculent pour participer à des chantiers participatifs. "Au début j'achetais 10 merguez à griller pour nourrir les participants. Puis ce fut 150 merguez. Et la dernière fois, c'est un traiteur de la commune qui s'est finalement proposé pour prendre en charge les repas."
Le château est connu au-delà de la région " Il a été le 3eme spot urbex d'Europe, et en devenant propriétaire des lieux, j'ai hérité de cette situation aussi" raconte Myriam Bassa. Plutôt que d'interdire purement et simplement l'accès aux visiteurs, elle leur a remis des outils entre les mains. "Si vous aimez le château, faites une bonne action", leur a-t-elle dit. Vous pouvez débarrasser les gravats, balayer les déchets, vous pouvez surtout communiquer sur les réseaux sociaux pour dire qu'il faut sauver ce château." Et c'est ainsi que le projet s'est trouvé de nombreux alliés. "C'est une aventure humaine extraordinaire, une énergie incroyable et qui nous porte" résume Myriam Bassa.
Il était une fois...
L'histoire de Myriam Bassa avec le château Burrus semble écrite d'avance, tant elle paraît évidente. Son coup de foudre lorsqu'elle était enfant, la facilité pour obtenir le soutien de la banque, la mobilisation pour les travaux, le timing: elle, qui travaillait dans le secteur du tourisme, venait juste d'être licenciée suite aux difficultés post-covid du secteur. Et c'est alors que le château est entré dans sa vie.
Depuis, "tout me paraît simple, observe-t-elle. C'est comme si le château répondait à toutes mes questions. Il y a vraiment quelque chose qui se passe." Même le chantier gigantesque ne lui fait pas peur "car on dirait que le château fait sauter tous les verrous. Alors qu'on parle de la rareté de la main d'œuvre, ici, les gens viennent à nous. Alors qu'on parle du prix du carburant qui s'envole, ici, certains font quatre heures de route pour nous prêter main forte. Les artisans se débrouillent pour trouver des matériaux qu'on annonce pourtant en pénurie, et en plus ils nous font des prix d'amis."
Il n'empêche, il faudra sans doute patienter jusqu'au printemps 2024 pour organiser le premier évènement dans les salles du rez-de-chaussée, et plus encore pour l'ouverture des chambres d'hôtes. Myriam Bassa veut prendre son temps pour ne pas décevoir. Et surtout, pour que ce château ait l'allure qu'il mérite. "Pour l'instant, il est mochement beau" rigole-t-elle. Mais elle lui a promis qu'un jour, il serait le plus beau. Baigné de musique, de rires et de chants. Quant à savoir si elle y vivrait un jour ? Pas sûr. "On verra s'il reste de la place pour nous" évacue-t-elle. Une pièce parmi les 34 que compte l'édifice, ça devrait être jouable.