C’est l’automne, la pleine période des vendanges. Mais fin septembre 1917, il n'y a pas de quoi se réjouir. Pour la 4ème année consécutive, depuis le début de la guerre, la récolte dans l'Alsace allemande est mauvaise et même archi-mauvaise. Plusieurs raisons à cela. Production très faible, manque de main d’œuvre, absence de sulfate de cuivre pour traiter les vignes. Des parcelles, comme ici à Riquewhir, sont envahies par la cochylis, une chenille appelée aussi « ver de la grappe ».
La mobilisation générale à l’été 1914 a privé la viticulture de sa main d’œuvre traditionnelle. Ce sont donc souvent les anciens et surtout les femmes qui se retrouvent à travailler dans les vignes. Mais certains viticulteurs sont contraints à l’arrachage de parcelles pour les transformer en champs de pommes de terre. En 4 années de guerre on assiste à une chute de 1200 hectares de la superficie du vignoble alsacien.
Les rendements sont très mauvais et pourtant la période va se révéler extrêmement faste pour la viticulture alsacienne : la guerre stimule en effet les ventes. L’Etat est le principal acheteur pour approvisionner les soldats au front et le reste alimente le marché noir. Conséquence : tous les stocks de vin en Allemagne ont été épuisés et le blocus allié empêche l’entrée de vins étrangers. Le vin alsacien devient donc très intéressant et les prix, surtout du rouge, s’envolent !
Un vin de 1911 qui valait 70 Mark au début de la guerre, passe à 260 Mark en 1917. Certaines bouteilles atteignent 600 Mark à la fin de la guerre. Car étrangement l’année 1918 sera une bonne année, au rendement beaucoup plus important que les précédentes. Objectivement ce vin n’a rien d’exceptionnel, la qualité n’est pas au rendez-vous, mais la part affective est immense dans le jugement porté. Ainsi 1918 et 1945 seront donc qualifiées de bonnes années, car ce vin aura le mérite inestimable d’être celui de la Libération.