Explosion des charges, remboursement des prêts covid, un couple de boulangers pris à la gorge

Dans cette boulangerie artisanale de Pfastatt (Haut-Rhin), tenue par les Burger, les clients affluent mais les dettes s'accumulent. Au point de menacer de liquidation le magasin en septembre. En cause, le surcoût énergétique et le remboursement des prêts covid. Décidés à ne pas lâcher, ils lancent un appel aux dons via une cagnotte.

Stéphanie et Frédéric Burger ne s'attendaient pas à ce lot de difficultés qui s'abat sur eux depuis quelques mois. Cela fait 13 ans qu'ils tiennent la boulangerie Burger au centre de Pfastatt. Une affaire florissante qui a traversé toutes les crises, jusqu'à maintenant. Ce lundi matin, les clients font la queue pour venir chercher leur baguette, tout juste sortie du four. Ils sont d'autant plus nombreux que les concurrents directs des Burger, deux boulangeries voisines, sont fermés pour cause de congés. Oui mais voilà, si l'argent rentre dans les caisses, ce qui maintient le chiffre d'affaires à un bon niveau, les charges, elles, ont explosé. 

À commencer par le coût des matières premières. En juillet 2022, le prix du sucre a été multiplié par deux, celui du beurre a augmenté de 70%, le blé de 60%. Le consommateur a dû mettre la main à la poche en payant plus cher sa baguette ou son croissant. De quoi éponger en partie cette augmentation. Difficile, cependant, de répercuter la hausse des matières premières sur les prix au-delà d'un certain seuil, fait remarquer Stéphanie, "le reste c'est pour nous. Si je mets la baguette à deux euros, il n'y aura plus de clients". 

Trop de factures

Trois mois plus tard, en octobre, le souvenir de la période covid refait surface. L'URSSAF leur rappelle qu'il faut rembourser les prêts contractés pendant la crise sanitaire, les fameux PGE (prêt garanti par l'Etat). "Pendant deux ans, nous n'avions pas à payer les charges. Là, ils nous a été demandé de rembourser 11.000 euros en trois fois". Et comme une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule, la chambre froide tombe en panne, "et bien sûr un 24 décembre. Il a fallu débourser au pied levé plus de 2.000 euros pour la remettre en état".

En janvier 2023, pour enfoncer le clou, le coût de l'énergie est multiplié par deux. La facture pour les Burger devient vite indigeste. Le couple obtient une réduction temporaire de 300 euros par mois sur le gaz et l'électricité. Mais ce n'est que repousser le moment où ils devront payer la note, l'échéance finale étant fixée à septembre. Stéphanie et Frédéric doutent alors de la pérennité de leur petite entreprise. Jusqu'au jour où un huissier de justice passe les voir pour leur réclamer 5.800 euros. "Avec tous ces prélèvements, le loyer n'est pas passé. Le propriétaire nous réclame les impayés en une seule fois". 

Cela aurait pu être le coup de grâce. C'est plutôt la volonté de se battre qui motive aujourd'hui le couple. "La venue de l’huissier a été un déclic. On veut tout faire pour éviter le pire". Le pire c’est-à-dire la liquidation judiciaire qui risque d'être prononcée par le tribunal de commerce le 13 septembre. D'ici là Stéphanie et son mari espèrent assainir les finances. Le couple a lancé un appel aux dons en ouvrant une cagnotte sur la plateforme Leetchi. On peut y lire notamment "Souvent, les boulangers, les commerçants en difficulté se taisent et meurent sans rien dire. Nous n'en avons pas envie. Nous ne voulons plus être seuls".

Le commerçant qui n'augmente pas ses tarifs est condamné.

Alain Rebert, président de la confédération de la boulangerie du Haut-Rhin

Cette expérience malheureuse, de nombreux artisans boulangers la vivent ou l'ont vécue. Les mêmes causes produisant les mêmes effets. Le président de la fédération de la boulangerie du Haut-Rhin, Alain Rebert, émet pourtant quelques réserves. Sur l'augmentation du prix du pain, d'abord : "On n'a pas le choix. Le commerçant qui n'augmente pas ses tarifs est condamné. Le client doit comprendre que c'est le prix à payer". Lui-même boulanger, Alain Rebert confie avoir augmenté deux fois ses prix. "Une fois de 10% en juillet 2022 et une deuxième fois de 5% en octobre".

La deuxième remarque concerne les PGE : "On savait tous qu'il fallait les rembourser, la solution aurait été de les provisionner pour ne pas se retrouver pris à la gorge deux ans plus tard. C'est le rôle du comptable d'alerter là-dessus". Un jugement sévère reconnaît le président départemental mais le plus important selon lui est ailleurs. "Le gros problème, c'est le personnel. Après la crise du covid, dans les boulangeries comme dans les autres secteurs, on a du mal à embaucher, faute de candidats". 

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