Ils étaient une vingtaine, ce jeudi 24 juin en début d'après-midi, devant les grilles du collège de Bourtzwiller. Enseignants et parents d'élèves, réunis pour dénoncer une "situation de souffrance" due à une "façon de manager très tyrannique" de l'équipe de direction du collège.
Quand on demande aux enseignants participants la raison d'être de ce rassemblement, les témoignages se bousculent. Ils racontent, tous en même temps, se coupent presque la parole. Tentent d'exprimer, chacun avec ses propres mots, ce qu'ils vivent et ressentent depuis deux années scolaires.
Peu de faits précis, circonstanciés, car il y aurait "des dizaines, des centaines d'histoires qui s'entremêlent." Mais la description d'un "climat de mépris, d'injustice, de peur et de mensonge" depuis, selon eux, l'arrivée de la nouvelle équipe de direction.
Cette situation, selon les participants, aurait entraîné "des risques psycho-sociaux inquiétants". Ils évoquent "une bonne demi-douzaine de collègues en arrêt maladie" et d'autres "en demande de mutation."
Des témoins anonymes "par peur des conséquences"
Pourtant, d'un commun accord, les enseignants interrogés par France 3 Alsace ont décidé de ne pas donner leur nom, "à cause du climat de terreur" qu'ils perçoivent sur leur lieu de travail, et "par peur des conséquences". Sans même parler des remplaçants et des contractuels, qui craignent d'être "punis" et ne pas voir leur poste renouvelé à la rentrée prochaine.
De la même manière, le communiqué qu'ils ont rédigé à l'intention de la presse, et dans lequel ils dénoncent "une situation de souffrance et d'épuisement professionnel" n'est pas signé nommément. Simplement par un sobre "collectif de professeurs du collège de Bourtzwiller".
Mais les personnes que nous avons questionnées parlent d'un profond "manque d'écoute". Racontent "une mise en demeure pour faute" à l'encontre d'un collègue qui aurait osé demander la parole lors d'une réunion.
Elles évoquent "des tentatives d'intimidation" et une "attitude perverse" de la part de l'équipe de direction, qui ferait, selon elles, circuler des rumeurs quant à "des sanctions plus graves encore" visant un enseignant jamais nommé. Une équipe qui tenterait de "monter les collègues les uns contre les autres", à l'aide de "fausses rumeurs".
Le communiqué, lui, va jusqu'à parler d'un "déni de démocratie" et de "valeurs de la République" qui seraient "bafouées". Exemple donné, "le refus de notre équipe de direction de soumettre au vote du conseil d'administration un vœu réclamant de meilleures conditions de travail et des moyens supplémentaires pour la réussite de nos élèves."
Pourquoi ce rassemblement maintenant ?
"Les problèmes ne datent pas d'aujourd'hui" explique une enseignante. "On a utilisé tous les moyens possibles pour dénoncer ce qui se passait au collège : psychologue du travail, inspecteurs, rectorat, médecine du travail, ressources humaines…" – "On a tenté de travailler en collaboration avec tout le monde" ajoute l'une de ses collègues.
"Nous avons été accompagnés et écoutés par le psychologue, la médecine préventive et les ressources humaines du rectorat" précise le communiqué. "Des délégations ont été reçues à la Direction des services départementaux de l'Education nationale (DSDEN). Plusieurs réunions ont été organisées par ces instances pour tenter de ramener un climat apaisé au collège de Bourtzwiller."
En vain, apparemment. "Force est de constater que la situation ne s'améliore pas, mais qu'elle ne fait que s'aggraver" poursuit le communiqué. "Le mépris perdure."
Des parents d'élèves conscients de la "souffrance" des enseignants
"On sent qu'il y a des problèmes plus profonds que ce que l'on voit en surface" estime de son côté Aicha Maamri, une représentante des parents d'élèves, présente lors du rassemblement du 24 juin. Elle pense "ne pas avoir tous les tenants et les aboutissants" pour saisir la pleine mesure de la situation au collège. Mais elle perçoit "la souffrance et la peur" des enseignants.
Durant les conseils d'administration, "il y a toujours des tensions" précise-t-elle. D'avance, elle sait "qu'il y aura toujours des désaccords et des débats houleux." Et selon elle, le dernier conseil d'administration, particulièrement mouvementé, "a probablement été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase."
"A court d'idées et de ressources pour sortir de cette situation", tout en estimant "avoir utilisé toutes les manettes", le collectif d'enseignants a donc décidé d'alerter la presse. Dans son communiqué, il se dit "très inquiet pour la rentrée prochaine", ne sachant plus comment "garantir une qualité d'enseignement optimal pour nos élèves dans ce contexte."
Intégré à la ville de Mulhouse, le collège de Bourtzwiller compte 681 élèves et une soixantaine d'enseignants. Un petit tiers de ces derniers était représenté au rassemblement. "Une quinzaine de profs n'a pas pu venir, car il y a des arrêts maladies et des sorties scolaires" précise l'un des participant.
Contactée, la direction du collège nous a renvoyés vers le rectorat qui nous a fait parvenir ce communiqué ce matin :
"L'académie de Strasbourg a connaissance de cette situation qui est déjà prise en compte.
Des modalités d'accompagnement ont été mises en place qui doivent permettre de réunir les équipes autour de valeurs communes et de poser collectivement des objectifs pédagogiques et éducatifs,au bénéfice des élèves. L'inspectrice pédagogique régionale, référente de l'établissement, en lien avec la direction académique des services de l’Éducation nationale du Haut-Rhin, poursuit son travail de médiation au sein de la communauté éducative.
Elisabeth Laporte, rectrice de l'académie de Strasbourg, apporte tout son soutien au chef d'établissement et lui renouvelle sa confiance."