Le docteur Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, s'est rendu au centre de réadaptation de Mulhouse mardi 11 juin. "L'homme qui répare les femmes" a été accueilli par une haie d'honneur. Cette visite a permis de sceller les liens entre l'établissement haut-rhinois et l'hôpital de Panzi au Congo.
Sur plusieurs dizaines de mètres, une haie d'honneur. Ils sont une centaine, personnels du centre de réadaptation de Mulhouse, visiblement émus, à littéralement acclamer le docteur Mukwege. Le prix Nobel de la Paix 2018.
"C'était très émouvant, ça m'arrache le cœur de recevoir une personne de cette importance. C'est un grand personnage qui fait beaucoup de choses pour les femmes" glisse la larme à l'œil une soignante.
Prise en charge globale
Le docteur Denis Mukwege, également surnommé "L’homme qui répare les femmes", est mondialement connu et reconnu comme un homme de valeurs et de convictions. Il soigne, répare et suit les nombreuses femmes victimes de violences sexuelles liées aux conflits en République démocratique du Congo (RDC) ainsi que les graves traumatismes gynécologiques qui en découlent.
Depuis plus de 20 ans, l’hôpital Panzi, qu'il a créé, répare les corps et accouche les femmes. Il participe aussi ensuite à leur survie sociale et psychique. Une prise en charge globale qui a sauvé des centaines de vies. À ce jour, le Dr Mukwege et son équipe ont aidé à soigner plus de 85 000 survivants de violences sexuelles depuis la création de l’hôpital.
Se réadapter après un traumatisme ou un handicap, c’est justement l’une des missions de l’établissement haut-rhinois. "Lorsqu'on a été traumatisé souvent, tout perd son sens, on est exclu de la communauté, on perd son travail, on est rejeté par son mari. On ne peut abandonner ces femmes sans pouvoir leur redonner une nouvelle orientation professionnelle, c'est comme si on les abandonnait à elles-mêmes. Quand j'ai appris ce que réalise le centre de réadaptation de Mulhouse (CRM), j'ai été très impressionné ", explique le docteur Mukwege.
Une amitié durable
En 2021, Tom Cardoso, directeur général du CRM, sensible à ces questions, entre en contact avec Grâce Dakpogan, juriste et artiste engagée dans le soutien des survivantes des crimes de guerre en RDC. Cette dernière le met ensuite en relation avec le Dr Mukwege. Une amitié et un partenariat étaient nés.
En mars 2023, une mission exploratoire est ainsi organisée par le CRM à Bukavu ( République démocratique du Congo) puis, rapidement, du matériel informatique et médical envoyé à l'hôpital Panzi.
"J'ai vu de quelle manière il travaillait là-bas, c'est une manière intelligente, pragmatique et efficace, c'est une prise en charge globale, on a beaucoup à apprendre d'eux" confie Tom Cardoso. Les deux directeurs d’établissement viennent de signer, logiquement, une convention qui liera désormais les deux hôpitaux dans leur accompagnement des victimes.
Ici, on ne réadapte pas seulement, ici, il y a un esprit. L'esprit de se dire que l'on voit l'autre comme soi-même
Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018
"Nous avons signé un accord avec le CRM et Panzi. Un échange de bonnes pratiques. La réadaptation, c'est fondamental pour les victimes que vous traitez. Lorsque quelqu'un est traumatisé et que vous soignez cette personne sans pouvoir donner à cette personne la possibilité de reprendre une vie normale, de reprendre une vie qui lui permette de trouver sa place dans la société, c'est comme si vous l'exposiez à un nouveau traumatisme. Retrouver sa place dans la société, ça donne l'estime de soi.
Ici, on ne réadapte pas seulement, ici, il y a un esprit. L'esprit de se dire que l'on voit l'autre comme soi-même. On travaille avec amour. On le soutient et moi, je le sens dans l'ambiance. J'ai senti cette interaction avec le personnel formidable, l'accueil chaleureux", complète Denis Mukwege.