Aubure, plus de 800 mètres d’altitude et moins de 400 habitants, est un village heureux. Depuis mardi 8 décembre, il a de nouveau un commerce : une épicerie, encore plus belle que celle d’avant. Histoire d’une renaissance.
Depuis quelques jours, les 370 habitants d’Aubure peuvent à nouveau acheter du pain frais chaque matin. Mais aussi des légumes, des fruits, des laitages… «On trouve du pain, le journal, tout ce qu’il faut. Et ils ont de tout, surtout des produits locaux » se réjouit Nancie Gérard, une Auburienne.
Dès le matin de l’ouverture, il y avait la queue devant la nouvelle épicerie, histoire de respecter la jauge des trois clients autorisés à l’intérieur. Et en entrant dans le magasin, « c’est l’effet whouaouou pour ceux qui connaissaient le local avant » s’exclame Lionel Raffalli, adjoint au maire. « Esthétiquement, il y a un petit côté montagnard qui donne un aspect très sympa » selon Nancie Gérard. Et les gens ressortent avec un grand sourire.
Jusqu’en septembre dernier, ce même local abritait l’épicerie « Au panier d’Aubure », tenue durant six années par une association de bénévoles du village. Une poignée de convaincus, qui avaient mis une belle énergie à offrir à leurs concitoyens un petit commerce de dépannage – deux rayons d’épicerie, des journaux et du pain frais. Ce lieu favorisait aussi la convivialité, dans un village où le restaurant avait fermé voici deux ans, et la boulangerie depuis dix.
Cette épicerie associative a rendu de grands services. «Mais c’était toujours en attendant qu’il y ait un commerce professionnel, précise la maire d’Aubure, Marie-Paule Gay. « Et puis, six ans de bénévolat, ça use. Les plus anciens ont quitté le navire par fatigue » et l’épidémie de covid19 a freiné les bonnes volontés. Lorsque « Au panier d’Aubure » a fermé ses portes il y a trois mois, les Auburiens ont dû se remettre à parcourir une quinzaine de kilomètres (vers Ribeauvillé, Kaysersberg ou Sainte-Marie-aux-Mines) rien que pour trouver une baguette de pain ou un paquet de café.
Heureusement, la fin de cette aventure humaine en a rapidement fait naître une autre. Celle d’une famille de bouchers de Kintzheim, les Adoneth : le père Christophe, la mère Christel, et les enfants Romain, Jeanne et Cécile, qui ont décidé de reprendre l’épicerie.
Les grands esprits se retrouvent. C'est comme une petite flamme au fond de vous. Si on souffle dessus, elle grandit.
Mais quant à savoir d’où vient véritablement cette idée, les avis divergent. « C’est madame le maire qui est venue nous le proposer » affirme Jeanne Adoneth. « Depuis longtemps, tous les mardis soirs, Christophe Adoneth montait à Aubure avec son camion de boucher, raconte Lionel Raffalli. Il l’a toujours garé devant le local d’« Au panier d’Aubure ». Très touché par sa fermeture, il en a parlé à Marie-Paule Gay. » Mais celle-ci a encore une troisième version : « C’est l’invisible… les grands esprits qui se retrouvent. J’ai entendu que ça pourrait intéresser Christophe Adoneth, et suis donc allée le voir. C’est comme une petite flamme au fond de vous. Si on souffle dessus, elle grandit. »
De fait, les liens entre Christophe Adoneth et les Auburiens sont déjà anciens. Au départ du projet d’ « Au panier d’Aubure », le président de l’association, Daniel Helmstetter, voulait y adjoindre un marché hebdomadaire. Dans ce but, il avait contacté des maraîchers ainsi que le boucher Christophe Adoneth, mais au final, seul ce dernier est resté fidèle à Aubure, en montant chaque semaine avec sa camionnette.
Le projet de reprise de l’épicerie a été discuté en famille, car pas question de laisser tomber la boucherie. Mais c’est la mère, Christel, jusqu’à présent assistante maternelle, qui a accepté de gérer la nouvelle boutique. « Un challenge pour moi » avoue-t-elle.
Le local de l’ancienne épicerie associative, mis à disposition par la commune « pour un loyer très modique » assure l'ajoint au maire Lionel Raffalli, « n’était pas dans un état génial pour un vrai commerce. » A la grande admiration des Auburiens, la famille Adoneth est donc venue y travailler d’arrache-pied durant de longs week-ends, pour y refaire la peinture, l’électricité et l’aménagement intérieur. « C’était impressionnant de les voir travailler et transformer ce commerce » reconnaît Maire-Paule Gay.
Ça n'a plus rien à voir, on a tout refait.
« Ça n’a plus rien à voir, on a tout refait » explique fièrement Jeanne Adoneth. Le nouveau magasin : « l’Epicerie, by boucherie Adoneth » a donc ouvert ses portes mardi 8 décembre. Le pain frais provient de la boulangerie de Rodern, les fruits et légumes de Sélestat. « On a aussi une partie d’épicerie générale, des produits d’artisans locaux et un coin charcuterie » précise Jeanne, qui a posté une vidéo de présentation sur les réseaux sociaux. Mais c’est sa sœur Cécile qui secondera leur mère durant le mois de décembre. Après, on verra.
Pour l’instant, comme beaucoup d’Auburiens sont des lève-tôt, l’épicerie est ouverte tous les jours de 7 heures à 12 heures 30 – et le mardi toute la journée, jusqu’à l’arrivée en soirée de la camionnette de Christophe Adoneth, qui continue sa tournée de boucher itinérant.
Lorsqu’après la crise sanitaire, le petit salon de thé déjà aménagé aura le droit d’ouvrir, les horaires pourront évoluer. De même qu’en été, afin de mieux accueillir les nombreux randonneurs qui traversent Aubure. Ces perspectives réjouissent Christelle Adoneth : « On a encore envie de dynamiser tout ça, et d’ajouter plus de convivialité. » Mais elle reconnaît que ces premiers jours se sont déjà très bien passés pour elle, et que « les gens sont très sympas. » Et pour cause : « Pour l’instant, les Auburiens sont émerveillés » résume madame le maire.