À l'initiative de Pôle Emploi et de la Mission Locale de Chaumont, une vingtaine de demandeurs d'emploi a visité le chantier des Forges Lisi qui déménageront de Bologne à Chaumont à partir de la fin de l'été. Un moyen de leur ouvrir de nouvelles perspectives dans le secteur du bâtiment.
Le chantier est exceptionnel. Un terrain de dix hectares et une usine de 24 000 m² à bâtir. 42 ponts et systèmes modulaires de transferts de charges ou encore dix fosses destinées à recevoir des presses de forge. Le résultat de 150.000 heures de travail effectuées par une centaine d'entreprises au total depuis un an.
Des chiffres vertigineux censés inspirés une vingtaine de demandeurs d'emplois plus ou moins attirés par les métiers du bâtiment. Parmi eux, Wilfrid Parigot est venu par curiosité. "J'ai connu les Forges à Bologne et je voulais voir comment ça allait se passer ici à Chaumont. Et là, on voit qu'il y a une évolution énorme, ça n'a plus rien à voir."
"Il faut redonner un peu de passion à ces métiers"
La visite est menée par Dominique Linard. Le directeur d'opération travaille pour l'entreprise GSE, en charge de la construction de la nouvelle usine Lisi à Chaumont qui remplacera l'été prochain le site des Forges de Bologne. Très heureux de faire connaître les métiers du bâtiment, ce genre de visite pourrait selon lui contribuer à susciter des vocations et surtout rassurer les candidats sur les conditions de travail. "Il y a beaucoup de problème de recrutement dans les entreprises qui travaillent pour nous sur le chantier et pourtant, l'activité est pleine, explique Dominique Linard. Il faut clairement redonner un peu de passion à ces métiers. Ce sont des métiers qui ont été dénigrés, il faut leur donner une nouvelle image, car on est très loin de ce qu'on a pu connaître avant, les façons de faire sur les chantiers ont changé totalement."
Une image de pénibilité dont les métiers du bâtiment comme ceux de la forge ont du mal à se défaire. Yoann Chané fait partie de l'équipe qui suit la progression du chantier pour l'entreprise Lisi. Le chef de projet confirme pourtant que cette future usine respectera les plus hauts standards des sites de production actuels. "On travaille pour le secteur aérospatial et la direction du groupe a clairement annoncé son ambition d'avoir la forge la plus moderne d'Europe et peut-être même au niveau mondial. Donc tout ce qui est fait en matière d'impact sur l'environnement, des vibrations, des systèmes de production, on veut vraiment être à la pointe, être leader sur la modernisation des forges aérospatiales."
Alors que la visite progresse, Wilfrid Parigot ne peut que constater ces efforts de modernisation consentis sur le site. "Là, on est vraiment dans le confort de travail, le souci des matériaux, des économies d'énergie ce qui n'était pas forcément le cas avant. Là, on est vraiment en 2022. Il y a même un effort qui est fait sur les couleurs qu'on va utiliser sur les murs et qui vont permettre aux gens de bien travailler. C'est enrichissant de voir ça."
Le demandeur d'emploi de bientôt 50 ans débutera le mois prochain une formation pour devenir couvreur. Ce genre d'ambiance de travail le rassure forcément. "Si on compare à ce qu'ont pu être les Forges, on se dit que de travailler ici sera bien différent. Au niveau du bruit, déjà, il y a des isolations phoniques qui vont beaucoup changer l'ambiance de travail. Ça avant, c'était une vraie contrainte. Maintenant, on se dit qu'il y a beaucoup plus de confort, en tout cas, l'entreprise fait ce qu'il faut pour être aux normes et améliorer le confort des gens."
"Les demandeurs d'emploi sont en position de force"
Pour lutter contre les difficultés de recrutement dans le secteur du bâtiment, Pôle Emploi a mené un plan d'action durant tout le mois de mars afin d'attirer et d'intéresser les gens à ces métiers et surtout qu'ils ne restent pas sur l'image qu'on peut en avoir au premier abord. Les demandeurs d'emploi ont d'abord suivi des tests de positionnement au Centre de Formation des Apprentis de Chaumont. Des rencontres avec des patrons et employeurs du secteur notamment membres de la Fédération du Bâtiment et de la CAPEB ont ensuite été organisés avant de mettre en place cette visite de la future usine Lisi de Chaumont. Autant d'étapes pour dédramatiser la situation des travailleurs du bâtiment.
"Les métiers du bâtiment font encore peur en ce qui concerne la pénibilité du travail, la dimension physique de ces emplois, explique Cécile Fouquet, conseillère Pôle emploi à Chaumont. On s'aperçoit pourtant très vite que l'outillage a changé, que les matériaux et les techniques qu'on applique permettent une sécurisation de la tâche et donc un travail moins pénible. Ce qui est moins connu aussi, c'est qu'il y a des perspectives d'évolution dans ces métiers. On ne restera pas « pousse-brouette » toute sa vie, on a la possibilité effectivement d'aller sur des projets ou des missions plus techniques."
La question de la pénibilité supposée des emplois du bâtiment ou de l'industrie est d'autant plus importante au regard de la situation du marché de l'emploi dans le secteur de Chaumont.
"On est sur un chômage structurel en Haute-Marne de moins de 6 %. La situation de l'emploi est toujours aussi tendue. Les demandeurs d'emploi sont en position de force si j'ose dire pour choisir leur employeur ou négocier les conditions de travail et les conditions salariales. En ce moment, les demandeurs d'emploi ont clairement des possibilités."
Cette situation s'observe dans de nombreux secteurs comme l'hôtellerie-restauration ou le service à la personne et elle ne favorise donc pas forcément le recrutement dans des professions réputées pénibles. On saura dans quelques semaines si ce chantier de Lisi aura convaincu des demandeurs d'emploi de se lancer dans les métiers du bâtiment. En attendant, l'usine continue de grandir et devrait être prête à accueillir ses premières machines de production l'été prochain.