En 2022, les anomalies climatiques ont été légion sur le plateau de Langres réputé pour sa rudesse. Entre des températures maximales qui ont augmenté de 3 degrés en moyenne et le nombre de jours de gel qui a chuté de près d'un quart, "la ville la plus froide de France" pourrait bien remettre en jeu son titre honorifique.
En 2022, la commune de Langres a connu davantage d'heures d'ensoleillement que Bordeaux. La différence est minime, certes, mais la commune haut-marnaise, en bénéficiant de 30% de soleil de plus par rapport à la normale, a dépassé la cité girondine avec 2221 heures d'insolation contre 2218. C'est ce qui ressort du bilan climatologique annuel publié par le site Assoclimat52 et basé sur les relevés de Météo France. Dorénavant, Langres talonne des villes comme Paris ou Nantes et dépasse allègrement Biarritz.
La présence accrue du soleil dans le ciel du plateau de Langres a forcément une incidence sur les températures relevées en 2022. Et le constat majeur que l'on fait réside dans un petit chiffre : +3 degrés. Il s'agit de l'écart par rapport à la température maximale moyenne qui fait référence, celle de la période 1981-2010. "L'objectif des 2 degrés est déjà atteint en Haute-Marne", ironise Alexandre Berger, physicien de l'atmosphère, à l'origine de ce bilan climatologique. Pour rappel, l'Accord de Paris (COP21) adopté en 2015 par 174 pays et l'Union Européenne avait pour ambition de contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.
L'objectif des 2 degrés est déjà atteint en Haute-Marne.
Alexandre Berger, physicien de l'atmosphère
Avec un thermomètre qui a affiché 37,9 degrés le 19 juillet 2022, Langres a enregistré ce jour-là un nouveau record de température maximale. Une exception qui pourrait bien devenir la règle… En s'attardant sur les relevés quotidiens, il ressort que la commune a connu 76 jours à plus de 25 degrés l'an passé, soit 42 jours de plus que la moyenne ! Le climat change, la chaleur s'installe et les professionnels s'adaptent. "Quand on a vu les chaleurs estivales, on a modifié le bâtiment il y a deux ans, explique Edouard Remillet, producteur de fromage de Langres, on a ouvert, on a mis des filets pour que ça ventile. En été, quand il fait chaud, les vaches sont à l'ombre sous un bâtiment qui a un courant d'air. Elles souffrent moins que si elles étaient dehors entassées sous un arbre." L'été dernier, ses 380 bêtes ont ainsi trouvé un abri ventilé, "elles n'ont pas souffert de la chaleur, c'était même surprenant", poursuit l'éleveur.
La pluie et le gel moins fréquents
Avec cet évolution climatique, Edouard Remillet a dû faire face à un autre problème : celui de l'herbe. La chaleur estivale combinée avec une sécheresse tenace ont considérablement réduit la quantité d'herbe à disposition des ruminants dans leur milieu naturel. Là encore, l'anticipation a permis de passer l'été sans trop d'encombres, puis un cadeau du ciel est arrivé fin août quand les orages ont arrosé un sol chaud, favorisant ainsi une repousse de l'herbe suffisante pour stocker jusqu'à l'été prochain. Mais à Langres, les précipitations se font rares : -21% en 2022 et même -96% en juillet qui a vu tout juste 3,2 mm de pluie.
"Les changements prévus ont lieu et ça ne va pas aller en s'améliorant", constate Alexandre Berger qui travaille pour le Centre de recherche climatologique de l'Université de Bourgogne à Dijon. En Haute-Marne, où il réside, il observe "une évolution climatique plus prononcée à Langres qu'à Saint-Dizier, en termes d'ensoleillement et de températures." On a coutume de dire que la température moyenne fait de Langres la ville la plus froide de France, mais cela pourrait peut-être changer. Les gelées fortes se font rares. En 2022, Langres a connu 53 jours avec un mercure en-dessous de 0, c'est 20 de moins qu'à l'ordinaire. L'année 2023 ne devrait pas améliorer les statistiques. Le scientifique note qu'à la date du 9 janvier, nous en sommes à 22 jours consécutifs sans gel en Haute-Marne, "on se trouve à 7 ou 8 degrés au-dessus des normales de saison."