Près de Langres en Haute-Marne, des quantités inquiétantes de substances cancérigènes ont été détectées dans le ruisseau Le Julien. Un maraîcher a été contraint d'arrêter son activité. L'association qui a demandé ces mesures craint également pour la qualité de l'air et la santé des habitants.
C'était un petit coin de verdure, a priori idéal pour cultiver fruits et légumes. Le genre de campagne dont la Haute-Marne a le secret. Daniel Thévenard a vu dans cet espace près de Langres un petit paradis pour planter son activité de maraîchage. Il a acheté le terrain en 2010, mais très vite, il s'est rendu compte que quelque chose clochait : "On s'est installé avec ma femme et on s'est vite aperçu que le terrain était pollué, se souvient-il. Les pompiers ont essayé de contenir cette pollution, mais sans résultat."
La Safer, organisme permettant à tout porteur de projet de s'installer en milieu rural, a écrit à Daniel Thévenard dans la foulée. Depuis, il ne peut plus produire et surtout vendre ses fruits et légumes. "On pourrait empoisonner la population, et c'est quand même embêtant", regrette-t-il.
Le couple est dans l'impasse depuis plus de dix ans. Mais qui est donc responsable de cette pollution ? Daniel Thévenard montre de la main les usines à l'arrière de son terrain, qui pourraient contaminer le ruisseau Le Julien, affluent de la Marne.
300 ans pour se dégrader
L'association "SOS Pays de Langres" a alerté sur cette pollution et demandé que des mesures soient faites. Les résultats montrent une situation préoccupante, avec un haut niveau de pollution aux hydrocarbures mais surtout à certains polluants éternels, notamment les PFAS, utilisés dans divers domaines industriels comme dans les textiles, les emballages alimentaires ou encore les revêtements antiadhésifs et produits phytosanitaires.
Dans cette famille des PFAS, le PFOA inquiète particulièrement. L'Union Européenne parle d'une "substance extrêmement préoccupante". Or, des traces significatives de PFOA ont été détectées dans le ruisseau Le Julien. Elles dépassent même largement le seuil d'alerte des scientifiques. Une situation qui risque de perdurer.
On les appelle "polluants éternels" car ils vont mettre des centaines d’années à se désagréger : ces molécules ont été conçues par l’Homme, elles sont pas naturelles. Elles se dégradent difficilement. Ça va mettre 200 à 300 ans.
Régis Rouillon, association SOS Pays de Langres
Ces substances sont persistantes et potentiellement dangereuses pour l'Homme. Fin 2023, le Centre international de recherche sur le cancer a placé le PFOA sur la liste des substances cancérogènes.
Une pollution de l'air ?
Selon l'association SOS Pays de Langres, le ruisseau Le Julien n'est que la partie immergée de l'iceberg. L'air pourrait-il être contaminé lui aussi ? C'est la crainte de son président.
"Nous avons analysé des œufs, issus de l'élevage d'un particulier à 800 mètres d'ici, détaille Régis Rouillon. Les poules ne boivent pas l'eau du ruisseau, mais elles sont à l'air libre et elles picorent le sol. Or, les œufs étaient contaminés."
Cet air est aussi celui que respirent les riverains des usines alentour. L'association a donc lancé une étude se basant sur cinquante volontaires, issus des zones industrielles et résidentielles, pour évaluer l'impact de cette pollution sur les habitants.
Parallèlement, deux arrêtés préfectoraux invitent depuis la semaine dernière les usines incriminées à limiter leur rejet de substances toxiques. Aucune des entreprises concernées n'a pour le moment donné suite aux demandes d'interview de nos équipes.