Haute-Marne : le centre hospitalier déclassé par la Haute Autorité de Santé, son directeur dénonce des pratiques d'un autre temps

Le centre hospitalier de Haute-Marne, structure qui englobe plusieurs établissements de santé psychiatrique sous l'égide du conseil départemental de la Haute-Marne, vient d'être déclassé par la Haute Autorité de Santé. Pour la direction, la fusion avec le centre hospitalier de Saint-Dizier pourrait permettre de mettre fin à des dysfonctionnements récurrents.

"Quand on met un kit anti-suicide sur le lit de chaque nouvel chaque entrant, quelle que soit sa pathologie, c'est illégal. Ce n'est pas réglementaire. C'est non-éthique. Pour le commun des mortels, c'est presque une incitation à commettre une tentative de suicide. Ce que dit le rapport, c'est que c'est une conception de la santé mentale asilaire et carcérale. C'est d'un autre siècle, et pas le 20e siècle. C'est scandaleux." Quand il commence à détailler les reproches adressés au centre hospitalier de la Haute-Marne, Jérôme Goéminne, directeur du groupe hospitalier de territoire Coeur Grand Est depuis 3 ans et qui est donc en charge du CHHM, crée la sidération dans les rangs des élus du conseil départemental de Haute-Marne réunis en assemblée. Et ce n'est qu'un début.


"A Chaumont, on enferme les patients dans leurs chambre, dans leur étage, dans le bâtiment. Dans un autre bâtiment, il y a la sieste systématique pour tous les patients l'après-midi. Comme ça, le patient est dans sa chambre, il est enfermé, dans un service fermé, comme ça, on est tranquille... Ce n'est pas normal. Il y a un problème culturel, et il faut le changer."

Ces dysfonctionnements ont été détaillés par le directeur du GHT dans cette vidéo, à visionner à partir de 1:41:15 :

Ces manquements auraient été observés d'après le directeur dans différents établissements du CCHM qui englobe plusieurs structures de soin psychiatrique dans tout le département de Langres à Saint-Dizier. Pour Jérôme Goéminne, ces situations sont récurrentes et ont poussé la Haute Autorité de Santé à sévir en donnant à l'établissement une certification E en ce qui concerne le respect des droits des patients.

"Le CHHM est classé E, c'est -à-dire qu'il n'est pas certifié. Cela représente 0 % des établissements en France. Normalement, quand on est certifié E, on perd ses autorisations et on ferme. Il faut être conscient qu'on n'est pas au niveau d'une organisation médico-soignante de ce qui est attendu actuellement." 

On est arrivé à une situation qui est dangereuse pour le patient.

Jérôme Goéminne

Directeur du GHT Coeur Grand Est

Ce constat est largement contesté par les personnels de l'établissement. Leur représentante syndicale, Sandrine Roussel-Druart, demande même le départ de Jérôme Goéminne. "Le directeur a raconté tout et n'importe quoi, et surtout des mensonges."

"Raconter qu'à chaque admission, on donne un kit anti-suicide, c'est aberrant. Déjà, ce kit n'existe pas. Il s'agit d'une tenue d'isolement quand le patient, sur prescription médicale, a besoin de s'isoler, car il est dangereux pour lui-même ou pour autrui. C'est une tenue normée, au niveau national, on ne la voit pas qu'au CHHM."

La syndicaliste de Force ouvrière ne nie pas des difficultés dans la gestion des malades, mais elle pointe la configuration des installations du CHHM. "En raison de l'architecture des bâtiments, les patients en consultation libre se retrouvent dans les mêmes espaces que les patients hospitalisés en unité fermée. Ils doivent donc demander au personnel pour sortir de l'unité de soin, et ça va à l'encontre de leur liberté d'aller et venir. Le point central, c'est ça."

La fusion comme solution ?

Si Jérôme Goéminne a délibérément forcé le trait d'après la syndicaliste, c'est pour justifier la nécessité d'un projet que le directeur du GHT porte depuis plusieurs mois : la fusion du CHHM avec le centre hospitalier de Saint-Dizier.

En juin dernier, le projet de fusion avait été soumis au conseil de surveillance du CHHM. Les représentants du personnel et les équipes soignantes avaient rejeté cette idée.

"Ce que nous craignons avec cette fusion, c'est que la trésorerie des deux sites devienne commune. Or, le CHHM tient bon an, mal an son équilibre budgétaire et le centre hospitalier de Saint-Dizier s'enfonce dans un déficit. Si on fusionne, notre bonne trésorerie va combler les mauvais chiffres du Centre hospitalier de Saint-Dizier. Par ailleurs, pourquoi fusionner avec Saint-Dizier alors que certains de nos établissements se trouvent à Chaumont et Langres ? En quoi cela va-t-il faciliter la coordination des soins ?"

La déclassification du CHHM avec une note E est effectivement un argument majeur pour Jérôme Goéminne afin de justifier la nécessité de la fusion.

"L'objectif est d'améliorer notre visibilité, notre attractivité et notre poids politique dans la région et au sein du GHT,
explique le directeur du GHT. Ensemble, les deux structures regrouperaient 1600 professionnels, 120 médecins et 130 millions d'euros de budget, de quoi en faire le septième centre hospitalier du Grand Est, hors CHRU. De quoi faciliter aussi le recrutement de nouveaux médecins."

Au niveau de l'offre de soins, l'objectif de la fusion est de permettre une meilleure collaboration de la communauté médicale des différentes structures actuelles.

"Le CHHM souffre d'un problème d'organisation depuis au moins une dizaine d'années. On était déjà certifié D depuis un moment et on n'arrive pas à changer la culture de la structure. D'où l'intérêt de se rapprocher du centre hospitalier de Saint-Dizier qui lui est certifié B."

Le débat s'ouvre à l'assemblée départementale

Voulant jouer l'apaisement "et stopper les polémiques", la direction du GHT et l'Agence régionale de Santé ont publié un communiqué de presse commun pour faire état des premiers aménagements suite à l'annonce du déclassement de l'établissement de santé. Un comité de pilotage s'est déjà tenu pour envisager une nouvelle organisation du travail, un consultant de l'ARS aura pour rôle d'identifier des mesures correctives et un directeur adjoint spécialement chargé de cette réorganisation est attendu le mois prochain.

"On va être accompagné par la Haute Autorité de Santé et l'Agence Régionale de Santé pour changer la situation et être réévalué d'ici à un an. Il va falloir changer les habitudes et clairement le rapprochement avec Saint-Dizier va nous permettre d'y arriver."

En parallèle, la question de la fusion se trouve désormais entre les mains des élus du conseil départemental. Au cours l'assemblée du 19 novembre, certains ont émis des doutes, d'autres de l'espoir quant aux perspectives promises par la fusion.

Le président du Conseil départemental de Haute-Marne Nicolas Lacroix prendra mi-décembre la présidence du Centre Hospitalier de la Haute-Marne. Une réunion avec les représentants du personnel est déjà prévue le 13 décembre.

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