Depuis samedi 24 février, plusieurs dizaines de producteurs et éleveurs de Champagne-Ardenne participent au Salon de l'agriculture à Paris. L'évènement est marqué cette année par la mobilisation des agriculteurs. Après un samedi agité, les exposants ont pu expliquer leur quotidien et leurs difficultés aux visiteurs.
Pour Philippe Barbier, c'est la veille du grand jour. Ce mardi 27 février, vers midi, son fils présentera avec lui leur vache 1943 au concours général de la race Simmental. Pour que tout soit parfait, il faut tout calculer.
"Sa mamelle doit être parfaite demain à midi. Il faut donc qu’on calcule à quelle heure on va la traire pour qu’elle soit bien demain. Je vais sûrement y aller ce soir à 22 h 30 ou 23 h et j’y retournerai pour traire encore un peu vers 1 h du matin. Après, on essaye qu’elle se repose au maximum mais entre le bruit et la lumière, c’est pas idéal, bien sûr. Mais bon, les vaches font comme nous, elles s’adaptent."
Philippe Barbier est arrivé à la Porte de Versailles le vendredi 23 février. L’éleveur a installé sa vache pour qu’elle puisse se reposer au mieux après un long voyage depuis Ravennefontaines, en Haute-Marne. Une nécessité tant l’ouverture du salon s’annonçait agitée : des agriculteurs en colère avaient prévu d’accueillir de façon musclée le président de la République Emmanuel Macron et la tension a été très vive.
"On n’a pas été tellement perturbé par les échauffourées. Moi, je n’ai pas aperçu le Président, ça s’est passé un peu plus loin, mais on a pu voir les forces de l’ordre. L’ambiance était très tendue, je m’attendais à ce que ça se finisse mal, les éleveurs étaient très remontés. D’habitude, c’est vrai qu’on est content de voir les politiques passer près de nos stands pour présenter nos animaux, mais là, c’était l’inverse. Beaucoup de gens ne voulaient pas que le Président rentre."
Ce n’est pas étonnant. Ça fait des années qu’on fait remonter nos revendications, qu’on nous écoute et qu’il ne se passe rien…
Philippe Barbier, éleveur bovin
Philippe Apert, lui, n’a pas vécu la même matinée samedi. Ce producteur de céréales venu d’Isômes dans le sud de la Haute-Marne se trouvait à l’extérieur du Parc des Expositions de la Porte de Versailles.
"L’entrée a été compliquée puisque tout a été bloqué jusqu’à 11 heures. On n’a pas pu rentrer, on attendait dehors avec le public. Bon, on a perdu deux heures, c’est un peu dommage, surtout pour les visiteurs qui ont perdu du temps sur leur journée. Une fois à l’intérieur, ça a été très festif, il n’y a pas eu de tension du tout." Cela fait plusieurs années que Philippe Apert participe au Salon à Paris sur le stand de la Haute-Marne. Depuis cinq ans, le Conseil départemental invite une trentaine de producteurs haut-marnais au Salon de l’Agriculture et Philippe n’a jamais raté cette occasion de venir à Paris. Un stand qui a une nouvelle fois connu un beau succès auprès des visiteurs pour ce week-end d’ouverture.
Pour Philippe Apert, ce séjour à Paris est l’occasion de présenter les deux productions de son exploitation les Cassis d’Alice et Céréales et Paradis.
"On a un site internet marchand donc le Salon nous permet de rencontrer nos clients parisiens. Pour les farines, ce sont souvent des gens passionnés de boulangerie ou de pâtisserie. Donc pouvoir rencontrer les producteurs qui leur permettent de faire du pain au levain ou des bons gâteaux, c’est toujours sympa, le contact humain, c’est important ! "
Le Salon sur fond de crise
Les visiteurs déambulent dans les allées et s’arrêtent au gré des envies, des odeurs et de leur curiosité pour découvrir des savoir-faire artisanaux et des spécialités locales. Mais cette année, la mobilisation des agriculteurs depuis plusieurs semaines a amené aussi des questions plus économiques et sociales. Simplification administrative, dépendance aux aides, juste rémunération… Tous les sujets sont sur la table.
"Nous par exemple, on a fait le choix de transformer une partie de notre blé en farine pour justement réussir à dégager une marge supérieure parce que les aléas font qu’une année sur l’autre, les prix passent de 300 € la tonne à 200 €. On ne peut pas le maîtriser. Donc la production de farine nous permet de dégager un peu de trésorerie pour passer des moments plus difficiles. On parle aussi de la dépendance aux aides de la PAC, car ça ne nous plaît pas. On voudrait pouvoir vivre de notre métier avec des prix rémunérateurs, pas avec des aides."
Les visiteurs au soutien des agriculteurs
Dans ce contexte difficile, les producteurs présents au Salon peuvent ainsi mesurer le soutien du grand public pour leurs revendications. Aux côtés des éleveurs de la race Simmental, Philippe Barbier n’a ressenti que des retours positifs.
"Les visiteurs sont toujours demandeurs de savoir comment ça marche, de découvrir l’agriculture. Ils posent des questions, on échange des sourires… On sent que la population nous soutient. En tout cas, je n'ai vu personne se plaindre qu’on avait manifesté, bloqué des routes ou quoi que ce soit."
Ce soutien est important, car le grand public détient, dans son porte-monnaie, un pouvoir considérable dans la résolution de la crise agricole.
"On sent le soutien des visiteurs, on a des vrais encouragements, confirme Philippe Apert. On sent qu’il y a une prise de conscience des consommateurs qui comprennent qu’il faut soutenir notre agriculture. Et c’est important parce que les consommateurs ont un rôle déterminant à jouer pour sortir de cette crise."
Acheter des productions locales à des prix rémunérateurs pour les producteurs et les éleveurs… Voilà un souhait partagé par les producteurs champardennais réunis au Salon de l'agriculture. Ils ont encore jusqu’à dimanche pour convaincre un maximum de visiteurs.