La communauté des Amish vit aujourd’hui en Pennsylvanie aux Etats-Unis. Mais elle a vu le jour en Alsace en 1693 et y a vécu trois cents ans. Aujourd’hui, il reste encore des traces de leur passage et une communauté mennonite, où l'on retrouve des valeurs identiques à celles des Amish.

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Nombre d'entre nous ont découvert les Amish à travers le film « Witness » avec Harrison Ford, d'autres plus récemment avec une petite phrase du président Macron (il s'en est excusé par la suite) qui ne voulait pas revenir au temps des Amish. Mais en Alsace, presque tout le monde connait les Amish, parce qu’ils font partie de son histoire. Ils ont vécu là pendant trois siècles, avant de partir aux Etats-Unis pour continuer à y vivre selon leurs convictions.

Des agriculteurs à l'origine d'innovations majeures

Ce que presque tout le monde connait des Amish, c'est leurs chapeaux. Notamment celui que les hommes portaient aux champs, en été. Car ils étaient agriculteurs, et   apparemment ils avaient des connaissances et un savoir-faire qui ont grandement amélioré les rendements. Le meilleur spécialiste des Amish vit lui aussi en Alsace, il conserve d'ailleurs son chapeau, rapporté de Pennsylvanie. 

Mais revenons un instant au début de leur mouvement. Qui sont et d'où viennent ces Amish en Alsace ? Les Amish sont une branche issue de la grande famille des anabaptistes, qui à la différence des principales autres religions ne baptisent pas les enfants, mais des adultes qui ont décidé de rejoindre le mouvement. Entre 1680 et 1690, un important groupe d'anabaptistes conservateurs, venus de Berne en Suisse, s'est installé en Alsace, pour repeupler cette contrée décimée par la guerre de trente ans. II y a rencontré les anabaptistes alsaciens, mais a très vite fait scission avec eux, car jugés trop progressistes. C'est comme ça que sont nés les Amish. Leur nom vient de celui de Jacob Amann, né en 1644 à Erlenbach en Suisse. Il a été parmi les premiers à arriver en Alsace, en 1680. Il s'est trouvé face à des anabaptistes alsaciens qui vivaient de façon bien trop bourgeoise à ses yeux. C'est lui d'ailleurs qui a créé la mode vestimentaire amish. Il était tailleur, et voulait faire simple. Tout le contraire de l'ostentatoire : boutons remplacés par des crochets, vêtements sombres et efficaces pour travailler dur. Les autres sont devenus les Mennonites, du nom de Menno Simons, un moine hollandais, venu de Frise. 

Robert Baecher est historien et sans doute l'homme le mieux informé sur les Amish en Alsace. Il rassemble des éléments historiques à leur sujet depuis trente ans. Parmi les différents documents évoquant leur vie, il a déniché certains objets dans des brocantes. Il a par exemple trouvé un almanach, datant de 1836, dans le sud de la France. On y évoquait cette année-là, des techniques et outils importés par les anabaptistes suisses. Avant eux, on utilisait la faucille en Alsace, ils ont apporté la faux qui permettait de rester debout et de faucher de grandes surfaces. Ils ont instauré la rotation des cultures et amélioré les techniques d'utilisation de la charrue, d'irrigation des sols. Ils étaient reconnus pour leurs performances agricoles et les soins apportés aux animaux.

Trois livres fondamentaux dans chaque famille amish

"Toute famille Amish possédait trois ouvrages de références" explique Robert Baecher, l'historien spécialiste des Amish. Il y avait une bible, livre fondamental pour eux, qui valait le prix d'une vache, donc très cher pour eux. Ensuite ils avaient tous un martyrologue, qui retraçait les horreurs subies par les martyrs chrétiens. Un ouvrage énorme et lourd, illustré de gravures terrifiantes pour les enfants notamment, pour lesquels ce livre était en quelque sorte le livre d'histoire.

Et aujourd'hui en Alsace? 

Soyons clair, il n'existe plus d'Amish, au sens strict, comme aux Etats-Unis, en Alsace aujourd'hui. Ils sont partis au début du XIXe siècle, parce qu'ils voulaient vivre à leur façon. Ils refusaient par exemple de faire l'armée, pour ne pas porter d'arme, ni être amené à tuer. Ils ne voulaient pas non plus prêter serment ; une tape dans la main suffisait pour les engager. Il semblerait même que parmi les bûcherons de l'Est de la France ait existé jusque récemment une pratique qui remonte aux Amish. "Lorsque des forestiers étaient en forêt et devaient attribuer ou vendre des lots à des clients, il n'y avait pas de papiers signés au pied des arbres" raconte Robert Baecher, "le contrat était validé par une tape dans la main entre vendeur et acquéreur, accompagné de la formule : "Parole d'Anabaptiste!""

Plus d'Amish en Alsace donc, mais des Mennonites avec des valeurs qui rappellent celles des Amish. Ils sont les descendants de la branche progressiste des Anabaptistes. Une petite communauté vit encore dans la Haute vallée de la Bruche. Parmi eux, la famille Kreis, des agriculteurs et éleveurs à Bourg-Bruche. Autour de leur ferme, à 500 mètres d’altitude, les autres exploitations sont devenues des résidences secondaires. Mais chez eux, Nicolas a pris le relais de ses parents. Il est Mennonite et spécialisé dans l'élevage, notamment celui de juments qui donnent un lait spécialement adapté aux personnes allergiques aux autres laits. Il n’a appris que tardivement l’existence des Amish, qui ont vécu sur et autour de leurs terres, jusqu’au début du XIXe siècle.

"Je n'ai pas eu la chance de voir en vrai des communautés amish, mais j'ai trouvé ici dans mon enfance des traits de caractères et une façon de vivre simple des personnes âgées, qui me font penser aux Amish." reconnait Nicolas. D'ailleurs, même si la voiture, les tracteurs et le téléphone portable sont pour lui des outils quotidiens, auxquels il ne souhaiterait pas renoncer, il dit comprendre l'esprit de communauté des Amish : "En fait, quand on a un tracteur sur une ferme, ça remplace la main d'oeuvre familiale et permet de fonctionner avec seulement une ou deux personnes et les Amish ont identifié ça comme un risque pour la communauté. Les Mennonites en Europe ont un fonctionnement complètement différent, ils n'ont pas leurs propres écoles, leurs propres services de santé, comme aux Etats-Unis". 

Mais l’envie de vivre pacifiquement, en accord avec la nature, avec l’esprit de  communauté, joue toujours un rôle important chez eux. Leur petite église mennonite de Bourg-bruche en est un symbole. Wilfried Kreis y est prédicateur : "Nous sommes entre trente et quarante personnes des alentours, ça va jusqu'à Schirmeck et Saint-Dié des Vosges, nous nous réunissons tous les dimanches pour une heure et demie. Le fait d’appartenir et de vivre avec cette communauté me fait dire que nous ne sommes pas si éloignés des Amish, dans notre manière de vivre." 

Les derniers Amish ont donc quitté ces vallées en 1850, mais ils y ont laissé un savoir faire dans le domaine agricole et un esprit d’entraide dans la communauté. Aujourd’hui, les descendants de cette branche conservatrice vivent aux Etats-Unis, mais leurs origines se trouvent bel et bien en Alsace.

 

 

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