Iris et pivoines, les belles fleurs de mai s'épanouissent en Alsace

Des centaines de variétés d'iris s'épanouissent à l'Iriseraie de Kuttolsheim. A Wintershouse, près de deux dizaines de milliers de pieds de pivoines croissent en plein champ. Deux lieux enchantés, même si les senteurs et les couleurs ont été un peu freinées par le froid.  

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Créée voici cinq ans, l'Iriseraie de Kuttolsheim (Bas-Rhin) est un petit paradis. Un jardin d'exposition, aménagé sur un ancien pâturage à chevaux. Un couple d'horticulteurs y cultive 700 variétés d'iris, pour permettre aux visiteurs de les découvrir sur pied avant d'en acheter pour leur propre jardin. A Wintershouse (Bas-Rhin), les 18.000 pieds de pivoines d'un autre couple d'horticulteurs sont destinés à fournir des fleurs coupées. Leur champ est également un endroit magique, où la nature offre le meilleur d'elle-même.

L'Iriseraie, "un jardin pour admirer"

L'Iriseraie est un lieu pour s'émerveiller, "un jardin pour s'asseoir et admirer", selon sa co-créatrice, l'horticultrice Nathalie Kacza, qui désigne les bancs posés de ci-de là. Dispersés près du sol, de petits panneaux en ardoise incitent à la méditation : "Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et d'éternité." – "Un jardin, même tout petit, c'est la porte du paradis."

Mais l'Iriseraie invite surtout à la promenade lente. A la rencontre avec des centaines de fleurs aux nuances infinies, aux motifs, aux galbes et aux tailles des plus variés. Les variétés naines ont à peine vingt centimètres de hauteur. "Les petits sont plus hâtifs, ils fleurissent plus tôt" explique Matthieu Riess, horticulteur et co-créateur du jardin. Et côté couleur, tout est possible, ou presque : "Le vrai rouge, on ne l'aura jamais, mais sinon, tous les coloris sont imaginables." De toutes les gammes de bleu violacé au pourpre sombre, de l'orange au saumoné et jusqu'au blanc.

Nathalie Kacza présente "Douce rêverie", une splendide fleur crème légèrement abricotée, "aux couleurs très subtiles, indéfinissables".  Puis "Noces de diamant", aux teintes chaudes, "une création récente de la famille des luminata, un coloris très particulier avec des zones claires sur le bord des pétales." Ou encore "Art déco", iris violet et blanc, "une fleur très graphique, assez ancienne, qui traverse les années avec succès."

L'iris est une fleur royale : "le lys de France reproduit la forme de l'iris sauvage des marais" précise l'horticultrice. La fleur est prisée et collectionnée en Europe depuis deux cents ans. Et la création de nouvelles variétés par hybridation a commencé il y a plus d'un siècle. "Dans la maison Cayeux, près de Giens, on en est déjà à la cinquième génération d'hybrideurs." 

Amoureux de cette fleur depuis une vingtaine d'années, Nathalie Kacza et Matthieu Riess ont décidé un jour d'en faire leur métier. Variétés anciennes comme créations les plus récentes, tout les passionne. Chaque nouveauté est inscrite sur un registre international, mais n'est pas protégée comme le sont les roses. Après avoir acheté une nouvelle variété, le couple de Kuttolsheim peut donc sans problème la reproduire en divisant ses rhizomes, et la revendre. 

"Ici, sur une rangée, nous avons planté les lauréats de la médaille Dykes donnée chaque année aux Etats-Unis. Ceci permet de voir l'évolution de l'iris depuis 1960" raconte Nathalie Kacza. A quelques mètres de là s'épanouissent les premiers prix du concours parisien Franciris. Parmi eux, "My red ramp" d'un créateur de Saint-Dié-des-Vosges.

Nathalie Kacza et Matthieu Riess, eux aussi, souhaitent de donner naissance à de nouveaux iris aux couleurs inédites, et aux motifs, taches, rayures, bordures ou dentelures toujours plus hardies. "On essaie d'imaginer : si je croise cette fleur violette avec cette autre, jaune, que vais-je obtenir ? C'est le côté artistique, peintre, du métier" sourit l'horticultrice.

Pour cela, elle réalise des hybridations, "joue à l'abeille" en cherchant le pollen d'une fleur à l'aide d'une pince, pour le déposer dans une autre. Si la pollinisation effectuée au printemps réussit, l'été, la plante va produire un fruit contenant une cinquantaine de graines. Semées à l'automne dans des pots gardés sous serre, ces graines donneront chacune un mini-iris, replanté en plein champ l'année suivante.

"Puis il faudra encore attendre deux à trois ans pour voir les premières fleurs s'épanouir." A partir de là, seuls les plants présentant des caractéristiques exceptionnelles seront conservés. "On va avoir des milliers de pieds cultivés, pour en garder peut-être cinq ou dix qui pourraient devenir lauréats d'un prix dans plusieurs années" explique Nathalie Kacza. "Il faut être très patient."    

Pour découvrir l'Iriseraie, il faut se hâter, car la saison est extrêmement courte. Ouvert depuis le 13 mai, le jardin refermera ses portes au public le 30 mai au soir. Mais d'ici-là, il est ouvert tous les jours, et l'entrée est gratuite : lundi 24 de 10h30 à 18h, mardi 25, mercredi 26 et jeudi 27 de 13h à 18h, et jeudi 28, vendredi 29 et dimanche 30 de 10h30 à 18h. Après avoir fait leur choix, les visiteurs peuvent commander sur place leurs iris préférés. Et bien sûr, les achats restent ensuite possibles via le catalogue en ligne.  

Un immense champ de pivoines à couper

A une trentaine de kilomètres plus au Nord, un champ ondoie sous le vent. De belles plantes aux feuilles robustes, et des tiges solides surmontées de gros boutons. Certains sont encore fermés. D'autres s'entrouvrent, laissant apparaître une bande rouge, framboise, rose, blanche ou jaune.

La météo peu clémente de ces dernières semaines a quelque peu retardé la floraison. Mais jamais ce champ ne devrait ressembler à une mer aux couleurs chaudes, avec des milliers de fleurs épanouies. En effet, chaque fleur ouverte avant d'être coupée est une perte sèche pour le producteur.

"On la cueille toujours un jour avant l'éclosion" explique Jean-Marc Schneider, le producteur. "Chacune est coupée à la main, avec un couteau. A une certaine longueur afin de laisser des feuilles sur le pied. Et toutes les demi-heures, on désinfecte le couteau pour éviter les maladies."

Cueillies trop tôt, les pivoines ne s'ouvrent pas. Trop tard, elles fanent rapidement. Rien qu'à l'aspect du bouton, il s'agit donc de repérer le moment optimal. Une véritable science, puisque chaque variété réagit différemment. "Certaines entrouvrent leurs boutons dix jours avant la floraison, alors que d'autres s'ouvrent en une journée" raconte l'horticulteur. Pour cette raison, il préfère faire travailler chaque salariée sur une variété donnée, afin d'éviter les erreurs et le gaspillage.

Car le moment venu, il s'agit d'être rapide. Cinq cents fleurs en moyenne, par heure et par personne. Cinq mille par jour. Une période qu'Agnès Schneider, l'épouse de Jean-Marc, adore malgré le stress, la fatigue et le mal de dos : "S'il fait vraiment chaud, je pose ma joue contre une fleur déjà épanouie, et elle me rafraîchit. Rien n'est plus beau. Ce champ est un vrai bonheur."

Cette année, les pivoines ont une quinzaine de jours de retard. "L'année dernière, à cette époque, la plupart était déjà vendue" se souvient Agnès Schneider. "Le dimanche de la fête des mères, à midi, j'ai vendu notre tout dernier bouquet. Mais c'est la nature qui décide."

Dès le retour des beaux jours, de trop nombreuses fleurs risquent de s'ouvrir très rapidement. Il sera donc compliqué de suivre la cadence, pour réussir à les cueillir toutes avant la pleine maturité. D'ordinaire, le couple réussit à en écouler environ 20.000 par semaine, auprès de grossistes et directement en magasin. Sur leur production annuelle, c'est la fleur le plus demandée, principalement pour la fête des mères. "Certains clients repartent avec des brassées entières, dont ils remplissent le coffre de leur voiture", raconte Agnès Schneider. "La pivoine, c'et une vraie joie, c'est génial."

Jean-Marc Schneider s'est lancé dans cette culture en 1989. En trois décennies, il a largement étoffé sa production. Il propose quinze variétés à la vente, et en garde une quinzaine d'autres en petite quantité, "en collection". Bien soigné, le pied de pivoine est une vivace robuste, qui peut tenir une petite vingtaine d'années.

Originaire de Chine, la pivoine est connue en Alsace depuis des siècles, mais longtemps méprisée comme fleur de coupe. "Elle a été décriée, car les variétés européennes se gardaient seulement trois à quatre jours dans un vase" explique l'horticulteur. "On ne l'a donc jamais mise à l'honneur comme elle le mérite. Mais depuis que nous avons ces variétés qui tiennent jusqu'à dix, voire douze jours, la demande est grande."

Dès cette semaine, et exceptionnellement jusqu'au 15 juin, les pivoines des Schneider sont disponibles à la vente. Sur certains marchés de Strasbourg, dans le supermarché fermier Hop'la et directement dans la boutique de fleuriste d'Agnès, sur l'exploitation de Wintershouse. Et les personnes qui souhaiteraient replanter l'une ou l'autre variété dans leur propre jardin peuvent aussi commander des pieds de pivoine auprès de Jean-Marc Schneider. 

 

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