Jean-Jacques, vannier depuis soixante-dix ans

Depuis près de 70 ans, Jean-Jacques Riedinger occupe son temps libre à faire des paniers d'osier. Cet habitant de Hoerdt a appris l'art de la vannerie par un voisin, durant l'hiver 1949-50. Et tandis que ses doigts créent, les souvenirs affluent.
 

Le geste est précis, et le regard vif. Pour préparer ses fonds de paniers, ou trier ses brins d'osier par épaisseur et par longueur, Jean-Jacques Riedinger n'a pas besoin de les mesurer. "Tout est dans les doigts et dans l'œil", explique cet homme de presque 85 printemps. Fils d'agriculteur, il a travaillé dès les années 1950 pour le syndicat de l'eau, tout en continuant à s'occuper de la ferme familiale. La production de paniers était une occupation accessoire, mais indispensable à la vie quotidienne : "Ma mère se plaignait constamment de manquer de paniers, se souvient Jean-Jacques. En effet, ils s'usent, ils ne sont pas éternels."


Un panier pour chaque usage

Jusqu'à l'orée des années 1960, de nombreux habitants de Hoerdt savaient tresser des paniers pour leurs besoins domestiques et agricoles. Des paniers ovales à une anse centrale, pour aller chercher les asperges. Grands et ronds pour les pommes. Plus petits pour les pommes de terre. "Trois de ces paniers bien remplis, ça faisait cinquante kilos" précise Jean-Jacques. Petits et bas, ils étaient destinés aux épluchures, aux oignons ou aux œufs. "Ou à chercher les salades." Le panier de cerises était plus étroit et haut, "avec deux poignées qui permettent de l'attacher à sa ceinture, pour le maintenir devant soi." Et les bouteilles de vin ou de schnaps étaient revêtues d'un habit d'osier tressé, parfois doublé de paille, qui les protégeait des chocs.
 


Jean-Jacques n'a rien oublié de ce passé aujourd'hui révolu. Tous ces types de paniers, quelle que soit leur forme ou leur taille, il sait toujours les tresser pour ainsi dire les yeux fermés. Il en a même créé, pour le plaisir, quelques exemplaires totalement surdimensionnés. Car le mode de fabrication reste toujours le même : une base en brins d'osier bien épais, en croix, fixés entre eux par quelques rangs de tressage bien serré. Puis la création du fond, légèrement bombé, l'ajout des brins bien solides pour l'armature verticale, et la suite du tressage, à raison de 24 brins à la fois.
 


Son art, Jean-Jacques Riedinger l'a appris à 15 ans, d'un voisin. "Durant l'hiver 1949-50, je suis allé plusieurs après-midi chez cet homme", se souvient-il. C'était fin janvier, début février, on travaillait dans la stubb, au premier étage. Il m'a tout montré et expliqué." Le reste, Jean-Jacques l'a acquis au fil du temps, en essayant, en testant, en apprenant de ses erreurs.
 


Son activité professionnelle l'a conduit à effectuer les relevés des compteurs d'eau de tout le secteur. "J'étais chez moi partout, sourit-il. A Weyersheim, il y avait un quartier de vanniers qui, eux, vivaient de leur activité." C'est d'eux qu'il a appris comment éplucher les brins d'osier, "pour qu'ils deviennent blancs. Un gros travail, car il faut d'abord les cuire dans une grande casserole. Mais si on les laisse reposer durant l'hiver, vers le 10 avril ils se laissent peler facilement."
 


Au fil des ans, Jean-Jacques Riedinger a découvert les haies de saules sauvages, et "trouvé une variété bonne à travailler." Il a aussi planté ses propres saules sur les terrains humides où la nappe phréatique est proche de la surface du sol. Depuis sa retraite, il continue de tresser une centaine de paniers par an, même si les clients se font rares. Car il n'a jamais considéré la vannerie comme une activité lucrative. D'ailleurs, il se souvient qu'un ancien de Hoerdt se plaisait à dire : "En faisant un panier, je réduis le franc à un centime." Par panier, il faut compter quatre à cinq heures de travail et environ 120 brins d'osier à couper, trier et préparer, ce n'est donc pas un travail très rémunérateur.
 


Pourtant, Jean-Jacques n'arrive pas à s'arrêter. Depuis cet automne, comme tous les ans, il récolte régulièrement son osier, qu'il trie à son retour. Il peut le laisser tout l'hiver à l'air libre dans sa cour, et l'utiliser au fur et à mesure de ses besoins. Lorsqu'au printemps les brins deviendront trop secs, il suffira de les laisser tremper une dizaine de jours pour leur rendre leur souplesse.
 


Aujourd'hui, Jean-Jacques Riedinger est l'un des derniers habitants de Hoerdt à détenir ce savoir. Riche de ses souvenirs, il se sent le témoin d'un passé révolu, mais pas si lointain, où le plastique n'existait pas encore.   
 
 
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