Depuis deux ans, l'orgue Callinet de Lutter est en réparation dans la manufacture d'orgues Hubert Brayé, à Mortzwiller. A présent, la restauration touche à sa fin. L'orgue retrouve peu à peu sa place au sein de la petite église.
"Là, je suis en train d'installer les postages de plomb, c'est-à-dire les conduits qui enverront de l'air dans les tuyaux, ce qui provoque le son", explique Jean-Bernard Dieterich. Le facteur d'orgues tente de vulgariser le jargon technique qu'il utilise d'habitude. En effet, l'orgue est un instrument tout à fait spécifique avec un fonctionnement plutôt complexe. Mais ce qui impressionne, c'est surtout la taille de l'instrument, ainsi que sa sonorité singulière. Ou plutôt SES sonorités. "On installe différents jeux. Lorsque l'oganiste sélectionne un jeu, comme par exemple la viole ou le bourdon, cela enclenche une série de tuyaux qui forment le même son. Ainsi, le musicien peut choisir un seul jeu ou plusieurs, en fonction du morceau qu'il joue ou de son humeur, tout simplement !", explique Hubert Brayé, facteur d'orgues.Pour le moment, deux jeux ont été remis en fonction sur l'orgue Callinet de l'église Saint-Léger. Bientôt, les tuyaux retrouveront chacun leur place. Cette nouvelle jeunesse, l'orgue Callinet la doit à un groupe d'habitants de Lutter. En 2005, ils ont créé une association pour sa rénovation. Depuis, ils organisent chaque année des repas et des concerts dans le but de lever des fonds. Ils ont même lancé un parrainage de tuyaux. "Sur les 1.200 tuyaux que compte l'orgue, 200 sont neufs. Nous proposons à ceux qui le souhaitent de donner entre 30€ et 300€, en fonction de la taille du tuyau qu'ils choisissent, et de graver leur nom dessus", énonce Patrick Kessler, bénévole de l'association.
Si l'association a tout mis en oeuvre pour sauver l'orgue de son village, c'est parce qu'elle a une histoire particiculière. En 1844, alors que Joseph Callinet était en pleine fabrication de son orgue, son confrère Aristide Cavaillé-Coll est venu jusqu'à Lutter pour le trouver. "Il faut bien s'imaginer qu'à l'époque, les routes étaient très mauvaises. Cavaillé-Coll s'est d'abord rendu de Paris à Colmar pour visiter Joseph Callinet. On lui a alors indiqué qu'il était à Lutter. Il a continué son périple jusqu'ici et s'est étonné du peu de maisons qui s'y trouvent. Comment Callinet pouvait-il bien vouloir construire un orgue dans un si petit village ? Il n'en croyait pas ses yeux !" raconte Bernadette Doll, bénévole.
L'orgue a été rénové par la manufacture Hubert Brayé, à Mortzwiller. Les facteurs d'orgues ont mis deux ans à effectuer sa restauration. Avec la Covid, les travaux ont pris du retard. Mais si dans cet atelier, de nombreux orgues sont restaurés, d'autres sont construits de toutes pièces. La dernière commande vient de la ville de Baillargues, près de Montpellier. L'orgue fait 5 mètres de haut et 6 de large. "La construction d'un tel orgue représente entre 7.000 et 10.000 heures de travail", estime Hubert Brayé. Un travail colossal, pour un secteur précis. En France, il n'existe qu'une centaine de manufactures d'orgues qui emploient au total 250 personnes.