Une vingtaine de départements volontaires, dont le Bas-Rhin, expérimenteront dès la rentrée 2016 de nouveaux outils, en concertation avec les parents et l'Education nationale, afin d'améliorer la mixité sociale dans leurs collèges.
"Je ne prépare pas le grand soir et je ne veux surtout pas faire le bonheur des gens malgré eux", a pris soin de préciser la ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem, consciente du caractère explosif de tout ce qui touche à la carte scolaire en France. Ces expérimentations se dérouleront au sein d'un "territoire pilote" par département: il doit compter plusieurs collèges suffisamment proches pour que les enfants puissent se rendre facilement dans l'un ou l'autre, et les établissements être peu mixtes, a précisé la ministre mardi.
Les familles d'un secteur multi-collèges pourront classer par ordre de préférence les établissements de leur zone d'affectation. Si les capacités d'accueil ne permettent pas de répondre au premier choix des familles, l'affectation se fera en fonction de critères décidés "avec le département et en associant pleinement" les parents. Parmi ces critères à disposition et choisis à l'issue de réunions publiques entre parents d'élèves et départements, figurent: élèves boursiers ou susceptibles de l'être (critère social), distance entre le domicile et le collège, choix pédagogiques (langues étrangères proposées, classes à horaires aménagés...), affectation en fonction de l'école primaire d'origine, maintien des liens amicaux entre élèves, etc.
Chaque établissement pourra faire valoir ses atouts et son originalité auprès des parents, grâce à l'autonomie accrue dont il bénéficiera avec la réforme du collège, prévue pour la rentrée 2016. "Loin de certaines caricatures, on n'est pas là pour couper tout ce qui dépasse, mais au contraire pour inciter tous les établissements à renforcer leur attractivité", plaide Najat Vallaud-Belkacem. Deux critères resteront prioritaires: élève handicapé ou bénéficiant d'un traitement médical à proximité d'un collège donné. Sinon, chaque territoire pourra décider de ses critères et de leur ordre de priorité.
Actuellement, l'enfant est affecté par le département dans un collège en fonction de son lieu de résidence, un système qui accepte quelques dérogations.
Associer les parents, construire avec eux les critères d'affectation et les convaincre des bienfaits de la mixité scolaire sont indispensables à la réussite de ces expérimentations, souligne le ministère. "On ne doit pas imposer d'en haut la mixité sociale", estime Mme Vallaud-Belkacem.
Quant au secteur privé, vers lequel peuvent se rabattre les parents mécontents des collèges publics, "il souhaite s'engager davantage sur les questions de mixité sociale", selon elle.
L'efficacité de chacune des expériences menées sera évaluée à peine quelques mois plus tard: y a-t-il eu réduction de la ségrégation sociale? Quelles ont été les conséquences pour les résultats des élèves et le climat scolaire?
Des chercheurs se sont penchés sur les effets de la mixité sociale à l'école. La ségrégation sociale est nuisible pour les apprentissages des élèves les plus en difficulté (souvent issus des catégories les moins favorisées). Les meilleurs (cette fois souvent issus des catégories les plus favorisées) peuvent en revanche bénéficier, scolairement, de ne côtoyer que d'autres élèves eux aussi excellents. Mais la mixité sociale à l'école est bénéfique à tous en termes de cohésion sociale, soulignent les chercheurs. Aucun enfant n'a intérêt à grandir dans une société fracturée, indique-t-on au ministère. "Actuellement, on est à un niveau de ségrégation scolaire tel qu'on peut craindre que le pays en pâtisse à l'avenir", résume Julien Grenet, chercheur
au CNRS et à l'Ecole d'économie de Paris. Convaincre des parents de plus en plus angoissés des bienfaits de la mixité sociale est cependant difficile. Il faut donc leur prouver qu'un collège mixte peut tendre vers l'excellence scolaire et que côtoyer des jeunes différents leur permettra d'être plus à l'aise dans leur vie professionnelle future.
Les départements concernés à ce stade par l'expérimentation sont: Doubs, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Seine-Saint-Denis, Haute-Savoie, Loire, Hérault, Meurthe-et-Moselle, Maine-et-Loire, Eure-et-Loir, Indre-et-Loire, Paris, Charente-Maritime, Ille-et-Vilaine, Bas-Rhin, Tarn et Haute-Garonne.
Pour en savoir plus sur la mixité sociale dans les établissements scolaires.