Le marché du Canal couvert de Mulhouse espère le retour de sa clientèle d'avant la crise

Lors du premier confinement, le marché du Canal couvert de Mulhouse était entièrement à l'arrêt. Dès le début de ce second confinement, les stands alimentaires ont pu rester ouverts, mais l'ambiance reste particulière.

Le marché du Canal couvert de Mulhouse est le plus grand de toute la région Grand Est, avec plus de 300 stands. Totalement fermé lors du premier confinement, il a pu maintenir une activité réduite dès le début de ce second confinement, puisque les commerces alimentaires étaient cette fois autorisés. En revanche, les deux tiers des stands, qui vendent des produits non essentiels, principalement de la mercerie (vêtements, tissus, etc…) n'ont pu revenir qu'à partir du 28 novembre, après un mois d'absence. Et même si les clients les plus fidèles sont au rendez-vous, les commerçants ont du mal à rattraper leur manque à gagner de cette année si particulière.

A l'extérieur, devant la grande halle du marché, se trouvent les maraîchers. Installés avant l'aube, et prêts à servir les clients dès 7 heures du matin. Une ambiance d'apparente normalité. Sauf que chaque commerçant a dû entourer son stand d'une barrière improvisée (tabourets ou piles de cagettes reliés de cordes ou de rubans de chantier) afin d'empêcher les clients de toucher aux légumes, alors que d'ordinaire, beaucoup ont l'habitude de se servir eux-mêmes.  
 

Vu que les clients doivent remplir un bulletin de sortie pour aller dans les grands magasins, ils n'en signent pas un deuxième pour venir chez nous.

Bertrand Lutz, maraîcher

Le marché est ouvert trois jours par semaine. Les samedis, une clientèle nombreuse répond à nouveau présent, mais ce n'est pas le cas des deux autres jours, les mardis et jeudis. Bertrand Lutz, un maraîcher de Biltzheim (Haut-Rhin), a une explication : "Vu que les clients doivent remplir un bulletin de sortie, ils font tous leurs achats en une seule fois (…) Ils le remplissent pour aller dans un grand magasin, et n'en signent donc pas un deuxième pour venir jusqu'ici."
 

Ce maraîcher a d'autres canaux de distribution pour tenter d'écouler sa marchandise, "en gros et en demi-gros", et en partie directement à la ferme. Mais ce n'est pas suffisant car "la production est là. Tous nos frigos sont pleins."

A quelques mètres de là, son collègue Jean-Luc Goepfert, maraîcher à Schlierbach (Haut-Rhin) estime avoir perdu 30% de ses clients. Lui invoque une autre raison : "Les gens qui ont peur (d'être contaminés) ne viennent pas." Pourtant, en parallèle, il constate que la crise sanitaire a eu un certain effet bénéfique pour les maraîchers : "Les gens nous estiment de nouveau, ce qui n'était plus le cas. Ils s'intéressent à nouveau aux légumes (…) et les 50% de personnes qui ont vraiment compris essaient d'acheter des produits de saison."
 

J'ai mes commerçants préférés. Madame, ça fait 40 ans que je vais chez elle.

Un client du marché

En ce début de matinée pluvieux, les clients sont rares. Mais ceux qui sont déjà arrivés savent pourquoi. "J'apprécie beaucoup que le marché soit resté ouvert" explique un homme au panier déjà bien rempli. "Durant le premier confinement, j'ai dû me rendre dans un grand magasin, ce n'était pas du tout pareil." "Je viens une ou deux fois par semaine" renchérit un autre, équipé de son petit chariot de courses. "J'ai mes commerçants préférés. Madame, ça fait 40 ans que je vais chez elle."

Madame, c'est Marie-Jeanne Bittner, une "petite productrice" principalement présente les jeudis, avec ses quelques cagettes de légumes regroupés sur  une petite table. Elle tend à son client attitré un cabas déjà plein. "Vous voyez, tout est préparé, je n'ai qu'à venir le chercher" sourit ce dernier. "Durant le premier confinement, on s'est arrangés. Comme je ne pouvais pas sortir, Madame est venue chez moi, m'apporter mes légumes." Mais lui aussi préfère de loin que le marché soit à nouveau ouvert, pour voir du monde. Et il s'inquiète déjà du jour plus ou moins lointain où sa commerçante préférée prendra une retraite bien méritée.  
 


Dans la grande halle, les habitués trouvent toujours leur viande, leur volaille, leur pain, leurs épices, leur fromage et leur poisson. Mais même ici, du moins en semaine, ce n'est de loin pas l'affluence d'avant la crise. Un mois entier d'absence des 200 stands de mercerie et de vêtements, et le flou quant à la venue autorisée ou non des clients de l'étranger ont aussi eu des répercussions sur les ventes des denrées alimentaires. "Beaucoup de clients viennent de loin, d'Allemagne et de Suisse, pour acheter des vêtements" explique Marc Wurtz, volailler et président de l'association des commerçants du marché. "Tant que leurs stands n'étaient pas là, ces clients, on ne les voyait plus." Heureusement, selon lui, "les clients réguliers achètent davantage et certains font aussi des courses pour leurs voisins."

Mais tout au fond de la halle, à l'étage, le restaurant reste désespérément vide. La salle qui d'ordinaire ne désemplit pas doit rester fermée jusqu'à nouvel ordre. Pour  survivre, les gérants ont donc proposé des repas à emporter. Et la clientèle, principalement des personnes âgées qui avaient ici leurs habitudes, a suivi. Près de 70 repas à emporter sont donc préparés en cuisine chaque jour de marché. Des plats faciles à transporter, et appréciés de tous : "Pflute" (quenelles de pommes de terre), Fleischschnacka, choucroute, pot au feu, bouchées à la reine... "Nos clients sont fidèles, ils savent que c'est dur et on les remercie" s'exclame Françoise Pericas-Litzler, la gérante. "Cela nous aide, et ils savent qu'on pense à eux et eux à nous."
 


Au rez-de-chaussée de la halle, un autre espace reste désert, délimité par du ruban de chantier : la moitié du stand de Christian Gerhard, le vendeur de café et de thé. En temps normal, cet espace sert de bar, un lieu convivial où clients et commerçants se retrouvent pour savourer un expresso et refaire le monde. Mais depuis un mois et pour encore de nombreuses semaines, les sièges sont recouverts de couvertures pour empêcher quiconque de s'asseoir. Seule est autorisée la vente de café à emporter… que les rares clients dégustent debout, au milieu de l'allée.
 

C'est triste de voir ça. On vient le soutenir un peu, parce qu'on adore son café.

Michèle Frey, cliente

"C'est triste de voir ça" soupire Michèle Frey, une cliente, gobelet à la main. "On vient le soutenir un peu, parce qu'on adore son café, et puis, normalement, ce bar, c'est le meilleur moment du marché." Même si seule une partie de son stand est ouverte, Christian Gerhard se dit pourtant "heureux de pouvoir travailler", lui qui durant le premier confinement a vu son activité totalement à l'arrêt. Mais il reconnaît que "les temps sont durs", particulièrement en semaine, où il pense avoir perdu la moitié de sa clientèle. D'où son appel : "Venez, venez, venez, notre marché est aussi ouvert le mardi et le jeudi, comme le samedi. Venez."
 
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