Tout beau, tout neuf, le Code du droit local alsacien-mosellan vient de sortir de presse. Un livre de plus de mille pages, présentant l'intégralité des lois et règlements du droit local. Il a fallu 18 mois de travail de quatre juristes pour que cet ouvrage de référence voie le jour. 
 

Le droit local alsacien-mosellan est un ensemble très éclectique de lois et de règlements réservés aux trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, qui étaient allemands de 1871 à 1918. Ces lois et règlements concernent d'innombrables domaines, allant du salaire des ecclésiastiques à la sécurité sociale, en passant par les bouilleurs de cru, l'acidité du vinaigre ou des jours fériés spécifiques. "On imagine à peine combien le droit local est multiple", estime Jean-Marie Woehrling, président de l'Institut du droit local d'Alsace-Moselle (IDL) qui a codirigé la rédaction du nouveau code. En effet, il concerne à la fois "le droit civil, le droit professionnel, économique, public, le cadastre, etc."


Le droit local, une vraie bibliothèque


De fait, ce droit local consiste en… une véritable bibliothèque. Des dizaines de gros livres, dont une bonne partie en allemand, conservés à l'IDL et quotidiennement étudiés par des juristes. "On a travaillé depuis des années sur le droit local, ajoute Jean-Marie Woehrling, mais jusqu'à présent, on ne savait pas exactement combien il représentait de lois, ni de pages." D'où ce projet de tout regrouper en un seul livre.

Quatre juristes se sont attelés à la tâche de façon intensive durant 18 mois. Il s'agissait de traduire, ou retraduire, certains textes de l'allemand vers le français. Mais surtout, de reprendre chaque loi du code local pour en vérifier la compatibilité avec le droit français actuel. Un examen à la loupe, texte par texte. "Parfois, on tombe sur une loi locale, mais on ignore si elle est encore valable. Il se peut qu'elle ne soit plus appliquée, mais juridiquement toujours valable" explique Jean-Marie Woehrling.
 


Ce travail de titan a donc porté son fruit : un livre tout bleu – plutôt austère pour les non-juristes, avouons-le – mais qui fait à juste titre la grande fierté de ses auteurs. Il leur permet enfin de prendre véritablement conscience de l'ampleur et de l'importance du droit local. "Désormais, on peut dire : voici le droit local, il fait plus de mille pages (1080 avec la table des matières)", sourit Jean-Marie Woehrling.   


Le droit local est constitué de trois strates



Ce nouveau code est comme la bible : un ensemble de textes de différentes périodes. Première strate : des lois françaises d'avant 1870. "Ces lois françaises sont restées en vigueur en Alsace-Moselle après 1871, explique Eric Sander, Secrétaire général de l'IDL et co-directeur du code. Exemple le plus connu : le Concordat qui régit le culte catholique", signé en 1801 par Napoléon. Dans l'Alsace-Lorraine allemande, ces lois françaises sont restées valables, car à l'époque, "il n'y avait pas encore de droit allemand", précise Jean-Marie Woehrling. En effet, ce n'est qu'après la constitution du Reich, en 1871, que le droit allemand s'est développé peu à peu. "Dès qu'une loi allemande était créée, elle était aussi appliquée à l'Alsace-Moselle, mais il a fallu près de trente ans, donc jusqu'à la fin du 19e siècle, pour avoir une législation allemande complète."

La seconde strate de notre code local est donc constituée par ce droit allemand ("Reichsrecht"). Exemple : le droit associatif, particulier à l'Alsace-Moselle, nous vient de ce droit allemand. Mais dans cette seconde strate, on trouve aussi des lois allemandes régionales, élaborées exclusivement pour l'Alsace-Lorraine dès 1879 par le "Landtag des Reichslandes Elsass-Lothringen" (parlement régional de la terre d'empire d'Alsace-Lorraine), qui siégeait dans l'actuel bâtiment du Théâtre national de Strasbourg (TNS).
 


Après 1918, l'Alsace-Moselle est redevenue française, mais le parlement français a conservé toutes ces lois. Une troisième strate s'y est ajoutée, et non des moindres :  des lois françaises, édictées après 1918 et jusqu'à aujourd'hui, spécifiquement destinées aux trois départements. Exemples récents : une loi pour informatiser le cadastre et un règlement pour réorganiser les Eglises protestantes. En effet, à partir du moment où la France avait décidé de garder certains domaines sous loi locale, le parlement a dû moderniser ces lois, les adapter et les développer.


"Avec ce code, le droit local gagne en visibilité"


Voir enfin l'ensemble de ces textes législatifs réunis en un seul ouvrage est un véritable plus pour le droit local lui-même. "Il gagne en visibilité, et on peut mieux y réfléchir, en discuter et envisager son avenir", se réjouit Jean-Marie Woehrling. Et il peut apporter sa pierre aux discussions actuelles sur le besoin de plus de flexibilité dans la législation française. "La différenciation des lois s'est déjà développée ces dernières années, dans les domaines d'Outre-mer, en Corse et ailleurs, rappelle Jean-Marie Woehrling. Ne vaudrait-il pas mieux pour notre pays, trop centralisé (…) de permettre à certains territoires, certaines régions, de pouvoir adapter le droit à leurs préoccupations ?"  En cela, le droit local alsacien-mosellan est un excellent exemple, déjà en vigueur depuis... un siècle.
 
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