Les secrets du Bastberg, entre sciences et légendes

Insignifiant à première vue, le Bastberg, 326 mètres de haut, est une colline du pays de Hanau. La vue panoramique qu'il offre est époustouflante, sa faune, sa flore et sa géologie fascinent les scientifiques, et il passionne les amateurs de surnaturels. Nous lui donnons la parole.

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Oui, c'est moi, le Bastberg – "Bàschtbärri" (mont Saint-Sébastien, en alsacien). Je domine de peu le paysage vallonné des environs de Bouxwiller. C'est depuis les villages voisins d'Imbsheim et de Griesbach-le-Bastberg qu'on me distingue le mieux, grâce à mes repères visuels : la cabane et la croix sur mon sommet.

Gravir mes pentes, depuis l'un des deux parkings aménagés à ma base, ne prend qu'un quart d'heure. Mais ne me sous-estimez pas, car j'ai énormément à offrir. Je recèle d'innombrables richesses, et des mystères, que seul ceux qui savent voir et entendre peuvent déchiffrer.   

Vue panoramique et haut-lieu d'énergie

D'innombrables promeneurs viennent me trouver, pour prendre l'air et se ressourcer. Et ils ont mille fois raison. Car pour commencer, j'offre une vue imprenable à 360 degrés. Tous les villages des alentours, jusqu'à la ville de Saverne, sont à mes pieds. Au loin, la ligne des Vosges et la silhouette du château de Lichtenberg. De l'autre côté, la Forêt-Noire.

Mais surtout, je compte parmi les principaux hauts-lieux énergétiques d'Alsace. Une faille passe tout juste en contrebas. Il paraît donc que je procure un grand bien-être à ceux qui viennent jusqu'à moi.

Réserve naturelle régionale 

Je fais également le bonheur des membres du Conservatoire des espaces naturels d'Alsace. Selon eux, je suis "la plus au nord des collines calcaires sèches d'Alsace". Michaël Moock, chargé d'études scientifiques, vous l'expliquera mieux que moi : "C'est un espace naturel remarquable par la présence d'espèces et d'habitats rares et parfois menacés. Là, on est sur des pelouses sèches sur sol calcaire, des habitats qui se développent sur des sols pauvres en éléments nutritifs."

Lui-même et ses collègues viennent régulièrement me voir, observer et compter les plantes et les animaux que j'abrite. Et me bichonner. L'hiver, ils fauchent une partie de mon pré, et coupent les buissons trop envahissants. Ils ont même classé ma ligne de crête, ainsi que la prairie sur l'une de mes pentes, en réserve naturelle régionale.

C'est un espace naturel remarquable par la présence d'espèces et d'habitats rares.

Michaël Mook, chargé d'études scientifiques

Ils me protègent aussi des randonneurs peu scrupuleux. Ils ont installé des panneaux qui rappellent les règles à tenir, et n'hésitent pas à les répéter de vive-voix. Sarah Eddy, conservatrice bénévole, est ma protectrice.  Voici ce qu'elle dit aux indélicats : "On ne fait pas de feu. On ne circule pas en véhicule à moteur, on ne sort pas des sentiers. On ne ramasse et on n'emporte pas des végétaux." Bien résumé, non ?

Et puis, à force de me côtoyer, je soupçonne même Sarah d'être un peu amoureuse de moi. Vous ne me croyez pas ? Elle m'a consacré une page facebook, intitulée "Bastberg le magnifique". Je n'aurais pas trouvé mieux.

Des fossiles déjà admirés par Goethe

Car de magnifique, il y a plus que mon apparence. Mes beautés cachées sont encore plus grandioses. En cela, mon frère et voisin le Galgenberg qui, en hauteur, n'a pourtant qu'un mètre de moins que moi, ne m'arrive pas à la cheville. Car lui est mon aîné de 130 millions d'années. Et donc constitué de galets, résidus de la vaste mer qui, à l'époque, submergeait l'Alsace. Alors que moi, le jeunot, j'ai conservé d'incroyables fossiles du lac qui recouvrait la région de Bouxwiller il y a seulement 50 millions d'années : petits gastéropodes, ossements de divers animaux, dont le lophiodon (l'aïeul du tapir indonésien). Et même, œufs de crocodile.

Certains fossiles sont encore visibles, emprisonner dans des rochers, le long de mon sentier géologique. Et si vous êtes chanceux, vous pourrez peut-être encore en ramasser de ci, de là. Mais je me souviens d'une période pas si reculée, voici environ 250 ans, où on en trouvait à la pelle.

Seulement, à l'époque, les gens ignoraient de quoi il s'agissait. Un seul homme l'a compris, et j'en suis particulièrement flatté. C'était Johann Wolfgang von Goethe, le célèbre écrivain, poète et scientifique allemand. Il m'a découvert lors d'un séjour à Bouxwiller en 1770, et voici ce qu'il a écrit à mon sujet : "Cette cime, formée entièrement d'amas de coquillages différents les uns des autres, attira pour la première fois mon attention sur ces documents des temps préhistoriques. Je ne les avais jamais vus réunis en si grandes quantités."

J'avais vu au Bastberg que je me trouvais sur le fond desséché d'une ancienne mer.

Johann Wolfgang von Goethe, écrivain et scientifique, 1770

Elogieux, non ? Grâce à moi, par la suite, il s'est même opposé à Voltaire : "Je perdis toute confiance en lui (Voltaire) quand, pour combattre la tradition d'un déluge, il nia l'existence des coquillages pétrifiés. Car j'avais vu de mes propres yeux, au Bastberg, que je me trouvais sur le fond desséché d'une ancienne mer."

Sabbats de sorcières

Jusqu'au milieu du 17e siècle, les gens voyaient en mes fossiles des ossements d'animaux de leur temps, pétrifiés par des sorcières. Pour eux, Bastberg et sorcellerie allaient de pair. Ce qui, pour certains, est toujours le cas. Ecoutez Laure Lickel, médiatrice au musée du Pays de Hanau. Elle me ramène régulièrement des visiteurs, qu'elle guide durant une ou deux heures.

Et voici ce qu'elle leur dit : "Il règne une atmosphère particulière ici. Dès la tombée de la nuit, le Bastberg n'est plus un lieu sûr ("s'isch nimm kiehr uff em Bàschtbärri"). Marie Hart, l'écrivaine de Bouxwiller, le disait, et les gens le répètent encore : les sorcières se retrouvent ici. Elles arrivent par les airs depuis le mont Saint-Michel, près de Saverne."

Il règne une atmosphère particulière ici. Dès la tombée de la nuit, le Bastberg n'est plus un lieu sûr.

Laure Lickel, médiatrice au musée du Pays de Hanau

Elle leur raconte aussi diverses légendes, comme celle du pauvre instituteur, forcé à jouer du violon toute une nuit et griffé par un chat noir. En rappelant un arrière-fond historique plus tragique : "De 1578 à 1629, seize femmes et un homme ont été pendus à Bouxwiller", accusés de sorcellerie et dont "beaucoup connaissaient les plantes médicinales."

Ces plantes qui soignent poussent toujours sur mon sol. Laure Lickel elle-même en connaît un rayon, de même qu'elle sait mes recoins secrets où s'épanouissent les orchidées sauvages. Mais ces histoires de sabbat… véridiques ou non ? Ne comptez pas sur moi pour vous le révéler. Désolé, mais certains secrets, je préfère les garder pour moi.

"Ou bien n'est-ce qu'un rêve ?"

Mais je voudrais encore vous dire que je suis un excellent poste d'observation pour les astronomes, et une piste d'envol pour les amateurs d'aéromodélisme, et même de parapente. Que mes trois sentiers thématiques sont prêts à vous accueillir pour plusieurs heures de marche. Le géologique, jalonné de chörten (des pyramides de pierre tibétaines) vous fait découvrir les roches alsaciennes. Le sentier nature vous conduit vers mes magnifiques points de vue. Et le sentier patrimoine vous raconte mon univers poétique et féerique.

Et puis, pour vous reposer, vous pouvez comme Marie Hart vous asseoir à l'ombre du tilleul planté pour le centenaire de la naissance de Goethe. Un lieu où plane donc le souvenir de mes deux écrivains préférés. Mais c'est elle, la poétesse de Bouxwiller, que je vais laisser conclure : "Es steht a Bank gànz howe, àm Füess vum Lindebaum. Sin mir oft do g'sesse, han alles Leid vergesse. Oder isch's nuer e Traum ?" ("Là-haut se trouve un banc, au pied du tilleul. Nous y étions souvent assis, oubliant tous nos soucis. Ou bien n'est-ce qu'un rêve ?") 

 

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