Manger ou payer sa facture de chauffage, la précarité énergétique gagne du terrain

Un foyer alsacien sur quatre est en situation de précarité énergétique, soit 200 000 personnes qui n'arrivent pas à se chauffer correctement. Nous avons rencontré deux familles, à Strasbourg et à Schiltigheim, qui ont bien voulu nous raconter ce qu'elles vivent.

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En ce moment, parce que c’est l’hiver, certaines personnes vivent avec les volets fermés en permanence pour isoler au mieux leur logement et d’autres choisissent de restreindre leurs achats de nourriture pour pouvoir payer leur facture de chauffage.

Inès Kraut essaie de garder le sourire © F. Grandon
La famille Kraut habite au 1er étage d’un immeuble, à Schiltigheim. Il s’agit d’un logement social mais non conventionné, ce qui lui interdit de toucher les aides au logement. Quand la famille Kraut a emménagé ici, Inès avait un emploi stable et un revenu régulier, donc ils arrivaient à payer les 900 euros de loyer. Laurent travaille en intérim, donc il a des revenus irréguliers. Puis Inès a perdu son emploi et elle a maintenant beaucoup de mal à trouver des missions en intérim :

En étant une femme et en ayant plus de 50 ans, c’est quasi impossible de trouver un vrai travail, même en intérim.


Restos du Coeur et Epicerie solidaire

Dans les bons mois, ils arrivent à toucher 1300 euros, mais ce n’est pas souvent. Au minimum Laurent rapporte 900 euros, qui servent d’abord à payer le loyer. Et après ? Inès n’a pas fait de courses depuis le mois d’octobre. La famille ne dépense rien. Pour manger, Inès va une fois par semaine aux Restos du cœur faire provision de produits frais et de boîtes de conserve. Et pour les produits d’entretien et l’hygiène, elle va à l’épicerie solidaire. Et quand elle décroche un jour ou deux de travail en intérim, elle demande à sa banque de lui débloquer 15 ou 20 euros pour faire un plein d’essence pour pouvoir aller travailler.

La facture d'électricité continue d'augmenter

Du coup, l’augmentation de la facture d’électricité en hiver est impossible à envisager. Leur chauffage est électrique, donc c'est cette facture qu'Inès redoute le plus. Déjà en septembre dernier, elle a eu un nouveau calcul de ses mensualités, et elle n’a pas pu tout payer. Un arriéré de 500 euros la suit de mois en mois. Alors quand en plus la facture passe de 138 à 158 euros, la situation devient encore plus difficile. Du coup, les Kraut ont choisi de baisser le chauffage, quitte à avoir 16-17°C dans leur appartement. Quand la nuit tombe, vers 15h-16h en hiver, Inès baisse tous les volets et la famille se cache sous des couvertures. Parce qu’en plus de leurs problèmes de revenus, s’ajoute une très mauvaise isolation de leur logement. Les fenêtres laissent passer un filet d’air, le chauffage est sous-dimensionné par rapport au volume des pièces, la porte d’entrée laisse passer l’air de tous les côtés.

Vers 15h-16h, quand le froid commence à entrer dans l'appartement, Inès ferme tous les volets. Pour essayer de garder la chaleur à l'intérieur. © F. Grandon
Lucas, leur fils de 18 ans, va même parfois directement dans son lit en rentrant du travail, pour se réchauffer. Il a une formation de menuisier mais ne trouve pas de travail. Il participe en ce moment à un programme d’aide de la mairie pour les jeunes et travaille 10 heures par semaine comme livreur de pizza. Le soir, après avoir travaillé dans le froid, il a du mal à se réchauffer. Son petit salaire lui permet de ne plus dépendre de ses parents, sauf pour le logement. Lucas raconte :

Parfois je vais directement me coucher, sans manger, juste pour avoir bien chaud sous la couverture.

Quant à leur fille Justine, elle a 21 ans, elle est esthéticienne et elle vient de créer son entreprise, qui marche bien. Elle n’a pas de dette et elle fait bien tourner son entreprise, mais elle n’arrive pas encore à se payer. C’est pour ça qu’elle vit encore chez ses parents. Mais comme elle est asthmatique, le froid de l’appartement n’est pas idéal pour elle. Généralement en hiver, elle passe son temps à faire des bronchites et des crises d’asthmes. Alors sa mère met un chauffage d'apoint dans sa chambre, pour qu'elle puisse avoir un peu chaud dans sa chambre, même si le reste de l'appartement est dans le froid.

Inès Kraut (d.) n'arrive plus à payer sa facture d'électricité, Hafida Chabi (g.), employée à la mairie de Schiltigheim, en charge des questions d'énergie, essaie de l'aider. © A. Perreaut

Un chèque de chauffage

Un chèque de chauffage a été fait à la famille en 2016, pour l’aider à régler sa facture : 120 euros, qui pourront encore être versé une fois en 2017. Une aide ponctuelle, qui va leur permettre de réduire les arriérés de factures (qui s'élèvent actuellement à 500 euros). Mais aucune aide pour véritablement sortir cette famille de cette précarité. Une solution serait de la reloger dans un véritable logement social conventionné, pour baisser ses charges, son loyer et lui faire bénéficier des aides aux logements. Mais comme cette famille est déjà dans un logement social, elle n’est pas du tout prioritaire. Une situation ubuesque et intenable.

Quand les enfants sont là, je suis obligée de faire à manger. Mais si je suis seule une journée, je bois du café et je ne mange pas.

Voilà à quoi est réduite Inès, ancienne gérante de magasin. Elle met encore un point d’honneur à régler ses factures, avant même de penser à acheter à manger. Ce qu’elle n’a pas fait depuis le mois d’octobre.

Sara Ilhan ferme ses volets nuit et jour en hiver, et elle essaie de se chauffer avec une bougie sous un pot en terre cuite. © F. Grandon
La situation est difficile aussi pour la famille Ilhan, qui habite au 1er étage d'un logement social à Strasbourg. Sara demande depuis plusieurs années à son bailleur social d'isoler mieux son logement, sans succès. Dans la cage d'escalier, il faut aussi froid que dehors, les portes et les fenêtres sont très vétustes. Et elle a du colmater elle-même plusieurs fissures le long d'une fenêtre.

Reportage dans le journal de 19h de France 3 Alsace du 19.01.2017 :
Un foyer alsacien sur quatre est en situation de précarité énergétique, soit 200 000 personnes qui n'arrivent pas à se chauffer correctement. ©France 3 Alsace

 

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