Les avocats du barreau de Châlons-en-Champagne sont en grève ces mardi 10 et mercredi 11 avril dans le cadre du mouvement "Justice morte". Une grève qu'ils reconduiront les 16, 17, 26 et 27 avril. Nous vous expliquons les raisons de leur colère.
Dans toute la France, les professionnels du droit manifestent leur colère contre le projet de loi de programmation de la justice. A Châlons-en-Champagne, les avocats sont particulièrement remontés.
Lors de leur dernière assemblée générale, le barreau de Châlons a voté la grève perlée. Pendant six jours (les mardi 10, mercredi 11, lundi 16, mardi 17, jeudi 26 et vendredi 27 avril), ils n'assisteront pas aux audiences, ni n'assureront les gardes à vue, présentations et désignations.
Les avocats châlonnais se rendront à Paris ce mercredi 11 avril pour la manifestation nationale.
Voici en cinq points les raisons de leur mobilisation massive. Les avocats dénoncent autant la méthode que le fond.
1/ Un manque de concertation
C'est un motif de frustration des robes noires. Les avocats ont le sentiment que la Garde des Sceaux ne les a pas inclus dans la préparation de cette réforme alors qu'ils sont parmi les premiers observateurs du système judiciaire et de ses dysfonctionnements. Simon Couvreur, bâtonnier de l'ordre des avocats de Châlons-en-Champagne, parlent d'une "concertation de façade".Dans un communiqué, le Syndicat des avocats de France regrette qu'à leur "mouvement suivi depuis plusieurs semaines sur l’ensemble du territoire, Nicole Belloubet ne répond que par une communication usée. Nous n’aurions pas compris ce texte, il faudrait nous l’expliquer".
2/ Une déshumanisation de la justice
Le projet de réforme proposée par la Garde des Sceaux prévoit la création d'une procédure en ligne visant à faciliter l'accès à la justice, notamment dans le civil. Une "dématérialisation" de la justice qui inquiète les avocats."Nous ne sommes pas contre le dépôt de plainte sur internet, ni le numérique en général, estime Simon Couvreur. Mais si le justiciable ne voit plus de juge, ça devient embêtant. En sachant en plus que tout le monde n'a pas accès à internet en haut débit."
3/ Une "déjudiciarisation"
Outre le numérique, le projet de réforme prévoit plusieurs mesures pour désengorger les tribunaux. Certaines sont particulièrement critiquées par les robes noires, car elles confient différentes tâches à des "personnes extérieures qui n'ont pas de compétences en matière de justice", selon Simon Couvreur.Ce ne serait, par exemple, plus un juge, mais le directeur de la CAF qui trancherait sur la revalorisation du montant des pensions familiales.
"La justice ferait davantage appel à des médiateurs extérieurs pour résoudre les petits litiges, regrette aussi le bâtonnier de Châlons. Nous avons peur de nous orienter vers une justice privée, délocalisée."
Autre exemple, en cas de divorce, l'audience de conciliation devant le juge des affaires familiales serait supprimée, "alors même qu’à ce stade, un dialogue entre le magistrat et les époux assistés de leurs avocats, est une nécessité reconnue de tous" affirme le Conseil National des Barreaux.
4/ Une justice à deux vitesses
Si certaines démarches devront se faire en ligne, d'autres litiges, où la demande d'indemnisation dépasse les 5 000 euros, devra forcément être défendue par un avocat. Une bonne nouvelle pour la profession ? Simon Couvreur y voit autre chose : "Cela va inciter les gens à moins saisir les tribunaux pour faire valoir leurs droits. Il y aura une justice à deux vitesses entre ceux qui ont les moyens de payer un avocat et les autres qui abandonneront".Jusqu'ici, plusieurs affaires permettaient un recours en justice sans forcément faire appel à un avocat. C'était le cas, par exemple, des litiges entre un assuré et sa caisse de Sécurité Sociale.