A Reims, dans la Marne, les ambulanciers ne décolèrent pas. Leurs apprentis ont été relégués au statut d'observateurs par l'Agence Régionale de Santé (ARS) au printemps et ils ne peuvent donc plus s'exercer à leur futur métier. Un non-sens pour les professionnels des transports sanitaires, qui craignent des problèmes de recrutement.
Vérifier le sac d'urgence, la bouteille d'oxygène, slalomer entre les voitures et surtout garder son sang-froid. Ces gestes et attitudes du quotidien ont été appris et répétés un nombre incalculable de fois par Armand Lebegue, ambulancier au sein de l'entreprise Roussel à Reims, dans la Marne, depuis plus de dix ans. Lui n'a pas fait d'apprentissage, mais il reconnaît l'importance de la filière dans un métier où le terrain est le meilleur des formateurs.
C'est toujours bien d'avoir un collègue qui est déjà opérationnel et compétent et sur qui on peut se reposer. C'est un métier qui reste dans le transport, mais on peut être aussi dans les gestes et soins d'urgence.
Armand Lebegue, ambulancier à Reims (Marne)
Pourtant, il n'y a aucun apprenti dans l'ambulance que conduit Armand Lebegue en direction des urgences psychiatriques. Ces étudiants, qui partagent leur temps entre les cours et les immersions en entreprise, ne sont plus les bienvenus depuis le printemps au sein des équipages de transport sanitaire. C'est une décision de l'Agence Régionale de Santé, après une réinterprétation des textes assimilant désormais les apprentis à des stagiaires observateurs.
"Il s'agit en quelques sortes d'un bug, commente Dominique Hunault, président de la Chambre Nationale des Services d'Ambulances, leur argumentation n'est pas très étayée, mais ça créée malgré tout un gros problème, car les effectifs sont diminués".
Des salariés qui ne peuvent pas travailler
Un apprenti ambulancier peut être en moyenne payé entre 470 et 1300 euros, en fonction de son âge et de son année d'étude. Pour les entreprises de transport sanitaire, payer un apprenti à observer est un non-sens, comme le confirme Willie Roussel, dirigeant des ambulances Roussel à Reims : "On ne peut pas avoir un salarié qui ne peut pas travailler dans l'entreprise. Pour nous, les apprentis étaient un vivier, surtout en ce moment où il est difficile de recruter. On se retrouve brutalement devant un frein".
Le transport sanitaire est un secteur en forte tension : plus de 20% des postes d'ambulanciers (soit près de 5800 postes) étaient vacants en octobre 2021 selon une enquête de la Fédération Nationale de la Mobilité Sanitaire.
Alors que l'été approche, les entreprises craignent ce manque d'apprenti et donc de main d'oeuvre. "La situation est vraiment très inquiétante pour nous", résume Dominique Hunault, président de la Chambre Nationale des Services d'Ambulances.
L'organisation professionnelle craint une généralisation de cette mesure, qui ne concerne pour le moment que quelques départements, dans le Nord et dans l'Est. "L'hémorragie a déjà commencé, assure Dominique Hunault, nous sommes partis d'un ou deux départements et à présent ça se répand sur l'ensemble du territoire".
La Chambre Nationale des Services d'Ambulances a alerté de le ministère de la santé sur cette situation. Les services juridiques de l'Etat disent se pencher sur le sujet.