"Je retrouve du plaisir à travailler", comment cette équipe soutient les agriculteurs en détresse, du compte en banque à la santé mentale

Dans la Marne, le dispositif REAGIR propose aux agriculteurs qui connaissent des difficultés financières, sociales, psychologiques ou juridiques de les accompagner pour trouver ensemble des solutions. Un suivi global qui veut mettre l’humain au cœur de ses propres décisions.

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Lorsque Florent Herbin nous conduit devant le bâtiment qui a abrité pendant tant d’années son élevage de porcs, son regard se fait plus nostalgique. Mais il sait qu’il a pris la bonne décision. L’agriculteur de Saint-Souplet-sur-Py, dans la Marne, a dû arrêter cette activité il y a un an et demi, pour sauver le reste de son exploitation. Une décision difficile, qu’il a prise après un long parcours d’accompagnement et de remise en question.

En 2021, en effet, la situation financière de Florent Herbin est extrêmement compliquée. Les créances sur cet élevage de porcs, qui comprenait aussi 70 hectares de polyculture, sont de plus en plus nombreuses. "J’avais accumulé des dettes sur l’exploitation pendant plusieurs années, ce n’est pas arrivé en une seule fois, se souvient-il. Et à un moment donné, une personne m’a dit : « Vous ne pourrez plus payer ». Donc là, j’ai fait tilt, j’ai dit stop, il faut qu’on arrête là".

L’exploitant se décide alors à décrocher son téléphone et à contacter la cellule REAGIR. Ce dispositif, créé il y a 12 ans par l’ADASEA de la Marne, l’Association de développement, d'aménagement et de services en environnement et en agriculture, est une structure portée et mise en œuvre par des professionnels du secteur. Et si pour Florent Herbin, il n’a pas été facile de faire la démarche d’appeler à l’aide, il n’y avait, pour lui, plus d’autre choix.

"La réaction que j’ai eue, quand on m’a dit que je ne pourrai plus payer, c’est la peur de tout perdre. C’est là, que je me suis dit il faut réagir", explique-t-il.

Mettre l'humain au cœur de son propre parcours de vie

C’est donc comme ça que cet agriculteur, fils d’exploitants agricoles, marié et père de deux enfants a rencontré Marie Decovemacker, accompagnatrice au sein du dispositif REAGIR. Après plusieurs heures d’écoute, lors d’un premier entretien, elle a pu poser un diagnostic sur la santé financière de l’exploitation, mais aussi sur la situation sociale et psychologique de Florent Herbin. "Être accompagnatrice REAGIR, résume-t-elle, c’est apporter une écoute, une compréhension. C’est coordonner tous les partenaires d’exploitation autour de l’exploitation pour parler d’une voix commune, et chercher une solution tous ensemble à une situation de mal-être, qui peut être relative à l’économique, mais aussi à des problèmes de santé ou des problèmes d’entente, par exemple".

Pendant trois ans, Florent Herbin et Marie Decovemacker ont donc travaillé avec les banques, les conseillers de gestion, mais ont aussi exploré d’autres outils, comme ce groupe de parole composé d’agriculteurs qui vivaient, eux aussi, des difficultés. "Ça a été d’une grande aide pour moi, constate Florent Herbin, on a vraiment pu échanger sur beaucoup de sujets". Et l’agriculteur de se retourner, serein, sur ces trois ans d’accompagnement : "On ne se sent jamais seul. L’idée, ce n’est pas : on pose un diagnostic, on donne les solutions et débrouillez-vous. Non, on continue de suivre la situation, je ne me suis jamais senti lâché, je me suis senti aidé jusqu’au bout".

Pas de scénario tabou

Grâce au travail fait avec la cellule REAGIR, Florent Herbin s’est rendu compte que la solution la plus adaptée à sa situation était d’arrêter l’élevage de porcs qu'il aimait tant, pour se concentrer sur ses terres en polyculture. Avec la vente de ses truies, il a donc pu éponger ses dettes. Quant à sa passion pour l’élevage, il continue à l’exercer en allant prêter main-forte sur une autre exploitation.


"Tout était plutôt noir, mais c’est vrai qu’aujourd’hui, je retrouve du plaisir à travailler. Même si j’ai perdu l’élevage, ce n’est pas un problème. Aujourd’hui, j’ai réussi à passer le cap, à surmonter tout ça et ça va beaucoup mieux. J’ai retrouvé de la stabilité."  

Aujourd’hui, j’ai réussi à passer le cap, à surmonter tout ça et ça va beaucoup mieux

Florent Herbin, agriculteur

Ce nouveau chemin de vie, c’est donc bien Florent Herbin qui l’a choisi, c’est lui qui a été au centre de ses décisions. Marie Decovemacker l’a simplement accompagné dans l’analyse de sa situation, et a pu débloquer, grâce au vaste réseau professionnel de l’association, certaines étapes ou l’accès à certains interlocuteurs. Mais les choix, c’est Florent Herbin qui les a faits.

"On veut un accompagnement axé sur l’humain avant tout, souligne Marie Decovemacker. L’idée, c’est de travailler avec l’exploitant sur tous les scénarios possibles, en allant du moins pire au plus catastrophique, mais en les balayant tous au cœur, pour arriver à trouver celui qui correspond le mieux aux attentes de l’exploitant et aux possibilités liées à la situation. Il n’y a pas d’hypothèses taboues, l’idée, c'est de toutes les mettre sur la table, et après, c'est l’exploitant qui est au cœur de la décision".

De plus en plus de demandes d'accompagnement

Dans la Marne, 140 exploitants sont actuellement accompagnés par la cellule REAGIR. C’est 12 fois plus qu’il y a 12 ans. Une augmentation qui s’explique par le fait que le dispositif est mieux connu, mais aussi par le fait que les agriculteurs ressentent des pressions de plus en plus fortes sur leur quotidien.

Dans les bureaux de l’ADASEA 51, à Reims, la directrice de la cellule, Julie Portejoie, le constate entretien après entretien : "Il y a le poids administratif, le poids réglementaire, mais il y a aussi cette pression sociétale sur les agriculteurs, donc c’est encore un peu plus. Et quand c’est toujours un peu plus, on arrive à de l’épuisement mental qui fait que la dérive, elle arrive sur la technique, sur la perte de confiance ou sur le lâcher-prise au niveau de la gestion".

Et cette année, la météo peu clémente risque d’apporter de faibles récoltes. Une situation qui pourrait aggraver la détresse de certains agriculteurs déjà en difficulté. Les membres de la cellule REAGIR se tiennent prêts à les accueillir. Il suffit que, comme Florent Herbin, ils décrochent leur téléphone, et demandent un peu d’accompagnement.

Pour contacter le dispositif REAGIR : 03 26 04 74 09 ou contact@reagir-marne.fr

Toute l'équipe sera également présente pour une table ronde "Prévention mal-être" le 7 septembre à la Foire de Châlons, de 10h30 à 12h, salle Forni. 

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