"Cela va permettre de remplacer des produits naturels", les gravats issus d’un chantier titanesque recyclés jusqu’à la dernière miette

Depuis le mois de mai se tient à Reims, dans la Marne, un chantier hors norme : celui de la démolition du pont Charles de Gaulle. Les engins de chantier grignotent semaine après semaine cette immense structure tentaculaire des années 1970, accumulant des gravats qui sont recyclés jusqu’à la dernière miette.

Voilà un métier qui, depuis toujours, fait rêver les enfants : conducteur d’engin. Perché dans une cabine, des boutons sous les doigts, un joystick dans la paume, Jérémy Jumeau actionne l’énorme mâchoire de son broyeur, avec une idée en tête, faire du pont Charles de Gaulle, pont emblématique du centre-ville de Reims, de tout petits morceaux : "On casse au marteau-piqueur pour émietter la structure, pour l’avoir plus facilement, explique-t-il. Après, on met un coup de broyeur pour mâcher le béton". 

Mâcher le béton, le dévorer presque, pour qu’il n’en reste pas une miette sur place, c’est tout l’objectif de ce chantier colossal qui a démarré dans la cité des Sacres, il y a maintenant trois mois. Structure tentaculaire qui enjambait une rivière, un canal, une rue sur berge et une autoroute, le pont de Gaulle représente 20 000 tonnes de béton. À titre de comparaison, son petit frère, le pont de Witry, effondré par explosion en 2022, représentait "seulement" 3 000 tonnes de béton. 

Olivier Bernard, qui est le gérant de la société de démolition Viellard, une des entreprises qui participent à la démolition, explique : "C’est un chantier extraordinaire par la qualité intrinsèque de l’ouvrage, avec un béton qui bénéficie d’une dureté particulièrement élevée, par rapport à des bétons classiques". L’entreprise a donc dû adapter les temps de démolition et les outils pour parvenir à ses fins.

Car pour le pont de Gaulle, point d’explosion, le choix a été fait dès le départ de grignoter la structure, morceau par morceau. "Il a fallu que l’on vérifie à chaque étape du chantier qu’il n’y ait aucun risque d’effondrement des ruines de l’ouvrage, poursuit le gérant de la société de démolition, notamment pour les usagers, les bateliers, et toutes les personnes qui auraient pu se trouver dessous". 

À la mi-août, une grue gigantesque a même été installée pour scier puis lever les énormes poutres de béton de 25 mètres de long, pesant chacune 180 tonnes, l’équivalent de 120 voitures, et les déposer sur la berge. Pas un caillou ne devait alors tomber dans l’eau, il était hors de question de risquer la pollution des deux cours d’eau enjambés.

Pour les gravats, direction le recyclage 

Au fur et à mesure des semaines qui se sont écoulées sur le chantier de démolition, les gravats passés par la mâchoire de fer de Jérémy Jumeau, se sont accumulés, formant de petits tas de cailloux sur l'immense parking bordant l'avenue Paul Doumer.

Pour ce béton, direction les Recycles du Fort, à Saint-Léonard dans la Marne, où va commencer sa nouvelle vie. "D’abord, tous les gravats passent dans un concasseur à percussion, détaille Olivier Bernard, puis dans un gros tamis, qui nous permet d’avoir différentes granulométries [différentes tailles, ndlr]".

Résultat, après toutes ces opérations, le béton du pont de Gaulle est devenu de la "grave de recyclage", une matière première utile à la construction des routes, que l’on va retrouver sous la chaussée.

Un savoir-faire maîtrisé par l’entreprise basée Bazancourt, dans la Marne, depuis 25 ans : "On a toujours fait le recyclage des produits béton ou des produits routiers pour des raisons économiques, poursuit Olivier Bernard. On le fait toujours pour ces raisons-là, mais il est vrai qu’aujourd’hui, on se le réapproprie aussi dans le cadre de la transition écologique". 

Car utiliser des miettes du pont de Gaulle pour construire des routes, c’est éviter d’aller chercher la matière première à des dizaines de kilomètres des chantiers : "Concrètement, la grave de recyclage va permettre de remplacer des produits naturels, que l’on pourrait trouver dans les roches qui sont à une heure et demie de Reims, conclut Olivier Bernard, puisque cela a les mêmes propriétés intrinsèques que de la grave naturelle".

Que les aficionados du célèbre pont des années 1970 se rassurent donc : comme la tour Eiffel dans les médailles olympiques et paralympiques, les débris du pont de Gaulle continueront à vivre dans les routes de notre région.

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