Déterminer les responsabilités, onze ans après l'explosion qui avait soufflé un immeuble de quatre étages, quartier Wilson à Reims, en avril 2013. C'est tout l'enjeu du procès qui aura lieu au tribunal judiciaire de Reims les 17, 18 et 19 juin 2024. Le drame avait couté la vie à trois personnes, 14 avaient été blessées et des centaines de familles traumatisées.
"J'ai entendu un gros boum et ça s'est écroulé d'un seul coup. Et c'est surtout les cris des enfants que l'on a entendus après et les gens qui couraient partout". "Les murs, les objets, les meubles qui bougent dans la maison et ça pendant deux-trois secondes, où l'on ressent les vibrations jusque dans le corps". Ces mots ont été prononcés le 28 avril 2013, quelques minutes après l'explosion au 8, allée Beethoven, dans le quartier Wilson à Reims.
"Il y a quelqu'un qui a aidé des voisins à passer d'un balcon à un autre parce que leur cage d'escalier était encombrée, ils ne pouvaient plus descendre", explique encore ce témoin. "Nous étions au terrain de foot, on a entendu l'explosion et on s'est précipités parce qu'on a vu l'immeuble tomber comme un jeu de cartes. Nous sommes arrivés les premiers. Le monsieur là, on l'a vu vivant. Il y a une demi-heure, il était vivant", raconte encore cet homme sous le choc.
Dimanche 28 avril 2013, il est 11h15, une explosion, due au gaz, fait basculer la vie de tout un quartier. Au 8, allée Beethoven à Reims, trois résidents meurent et 14 autres sont blessés. Onze années plus tard, revoir les images de ce drame reste un moment particulier. Un moment impressionnant.
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Partir pour oublier
Ce procès arrive sans doute bien tard pour les familles des victimes, leurs amis, leurs voisins. Il a fallu se reconstruire ou tenter de le faire.
Ce bâtiment éventré du quartier Wilson a été construit à la fin des années 50. Propriété du Foyer Rémois, l'un des bailleurs sociaux de la ville de Reims, il fait partie de ces grands ensembles construits à l'époque dans la périphérie des villes. Sur son site internet, le bailleur social apporte les éléments historiques liés à ce quartier. "Le quartier Wilson a constitué le premier ensemble d’habitat collectif périphérique de Reims. La construction de celui-ci a débuté en 1952, puis s’est poursuivie avec effet de masse entre 1958 et 1961. Le mode de construction du quartier fait à l’époque partie de dix opérations expérimentales en matière d’industrialisation pour la production de grands ensembles immobiliers sociaux".
C'est aussi le premier quartier de Reims à bénéficier d'une opération de renouvellement urbain. Elle débute en 2001, puis un autre programme de rénovation urbaine se poursuit en 2004. C'est donc en pleine transformation que le quartier Wilson vit ce drame. Après la peur et le stress, la colère et les rancœurs gagnent les habitants quelques heures après l'explosion. Personne n'est épargné, le logeur, l'équipe municipale et le préfet interpellé sur place. Ils habitent, disent-ils dans "des cages à poule". Ils reprochent le coup de propre sur les façades, "c'est à l'intérieur qu'ils devraient refaire tout, évoque en 2013 ce monsieur locataire au 2, allée Beethoven. C'est à l'intérieur que l'on habite".
De nombreux habitants ont quitté les lieux. Les propositions de relogement dans des bâtiments neufs n'ont pas suffi à dépasser le traumatisme. Ils sont partis pour oublier.
11 ans après
L'allée Beethoven est aujourd'hui méconnaissable. De 2013, il ne reste rien. L'immeuble en partie détruit a été totalement démonté en début d'année 2014 et une résidence toute neuve a pris place, entourée d'autres immeubles, eux aussi, neufs et modernes.
Cyndie Bricout, avocate au barreau de Reims, joint par téléphone, confirme bien les dates du procès. Elle sera le conseil d'une des parties civiles. "Nous avons la certitude d'une personne partie civile que nous représenterons. Il s'agit de la sœur d'une des victimes. C'est aujourd'hui une dame âgée qui à l'époque habitait en face du bâtiment qui s'est effondré. Elle a vu mourir sa sœur. Les seuls contacts que nous avions pu garder avec les autres personnes victimes se faisaient grâce à l'association des Travailleurs maghrébins de France. C'est elle qui nous permettait de les suivre. Aujourd'hui, la plupart sont reparties dans leur pays".
Après 11 ans d'instruction, ce procès risque d'être très technique. De nombreuses expertises ont été réalisées et d'après nos informations, elles seraient, pour certaines, contradictoires.
Les 17,18 et 19 juin 2024, les juges de la cour correctionnelle devront faire toute la lumière sur ce qui s'est passé ce 28 avril 2013, au 8, allée Beethoven.