Génocide au Rwanda : le combat d'un couple franco-rwandais pour la mémoire et la justice, à découvrir dans "Rwanda 94, année zéro"

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Dafrosa et Alain Gauthier continuent leur combat pour retrouver les responsables du génocide des Tutsi au Rwanda. Cette fois, ils cherchent à prouver la responsabilité de l'Etat français dans le massacre. ©Pyramide production / FTV

C'est le combat de leurs vies. Celle de Dafroza Gauthier. Et celle d'Alain Gauthier. Mariés en 1977, ce couple franco-rwandais a vu sa vie basculer en avril 1994, alors que commencent quatre mois d'enfer au Rwanda. Lorsque les extrémistes hutus lancent le génocide contre les Tutsis. Depuis, Dafroza et Alain n'ont de cesse de faire connaître la vérité pour lutter contre l'oubli et pour faire rendre la justice. 1994, c'est l'année zéro de leur lutte : "Rwanda 94, année zéro", un documentaire de Patrick Seraudie, incontournable.

Avril 1994 - avril 2024. Voilà 30 ans commençait le génocide des Tutsis par les extrémistes hutus au Rwanda. L'attentat du 6 avril 1994 sur l'avion du président Habyarimana, marque le point de départ d'un massacre qui durera quatre mois. Avec plus de 800.000 victimes, hommes, femmes et enfants. 

En ce mois d'avril 1994, la vie de Dafroza et d'Alain Gauthier bascule. Dafroza revient tout juste à Reims, dans l'urgence d'un séjour au Rwanda auprès de sa famille. La tension est palpable, son angoisse est grande. La suite tragique vient donner un coup d'arrêt à sa vie d'avant. En 1996, le couple repart au Rwanda pour retrouver les rescapés de leur famille. Ils sont peu nombreux. Mais ils parlent, ils racontent, ils témoignent. Naturellement, Alain et Dafroza recueillent ces témoignages dans des carnets. Ils ne le savent pas encore, mais ces récits vont devenir la matière du combat de leur vie. 

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1. Pour que le génocide ne tombe pas dans l'oubli

Ils ont noirci leurs carnets de notes à force d'écouter les victimes rescapées des massacres. Ils ont écouté des témoignages terribles. Pour qu'ils ne tombent pas dans l'oubli. Et puis ils ont décidé d'aller plus loin. Et comme Beate et Serge Klarsfeld l'ont fait contre les tortionnaires nazis, ils ont collecté des informations afin de retrouver les criminels hutus.

Année après année, ils sont retournés au Rwanda, pour collecter de plus en plus de témoignages. Comme ceux de Bernard Kayumba, de Jean-Pierre Sagahutu ou de Lambert Murunyi qu'on entend dans le documentaire. 

En 2001, ils créent l'association le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), qui, grâce aux preuves et témoignages réunis, porte plainte contre 32 personnes, présumées coupables — ou reconnues coupables depuis, par la justice française —.

Mais à quel prix pour ce couple ?

2. Parce que leurs vies, dédiées aux victimes, comptent aussi

Alain et Dafroza Gauthier sont conscients que leur vie bascule en 1994, en même temps que celles de tous les rescapés du génocide. La période de collecte de toutes ces souffrances, de toutes ces horreurs marque le début d'une autre face de leurs vies. Comme une année zéro, une étrange et difficile renaissance.

Dafroza Gauthier explique devant une commission au Parlement européen  : "nous ne sommes pas enquêteurs professionnels, ni juristes, ni avocats, mais des citoyens ordinaires qui essayent de prendre leurs responsabilités devant cette histoire lourde qui est la nôtre et que nous devons assumer". Elle a elle-même dû surmonter le chagrin de la perte de sa mère et d'une grande partie de sa famille restée sur place au pays. Elle détaille : "le retour de 1996, je m'en souviens presque comme hier. Je crois que c'est là où j'ai compris ce que ça veut dire le chagrin".

Alain, l'époux de Dafroza poursuit en évoquant le dernier séjour de sa femme, un mois avant le début du génocide : "ma femme est rentrée. Sa mère lui a dit de rentrer. Mais c'est là que part son sentiment de culpabilité. [Elle se dit] je les ai tous abandonnés en fait".

La suite, ce sont les rencontres avec les victimes rescapées et des heures d'écoute et de prises de notes. Des témoignages terribles à entendre, alors qu'elle l'explique bien, ils ne sont pas armés — comme les psychologues — pour encaisser tant de douleurs.

Avec les 32 procès obtenus, Alain estime "la mission accomplie, même si on a d'autres procès qui nous attendent en espérant qu'on ait la forme et la santé pour pouvoir poursuivre."

Leur cause, plus grande qu'eux, a submergé tout un pan de leur vie, au point qu'il ne se passe pas un jour sans évoquer le génocide, au point même d'envahir leurs nuits à travers leurs cauchemars.

3. Pour aller toujours plus loin

Et même si Alain estime que leur mission pour faire juger les meurtriers est accomplie, avec 32 procès à leur actif, une étape reste néanmoins indispensable à l'achèvement de leur charge : faire condamner l'État français.

Selon le rapport Duclert, l'État français est responsable "d'un ensemble de fautes lourdes et accablantes". Le président Macron finit par reconnaître en 2021 à Kigali la responsabilité de la France dans le génocide. Mais ce qu'il faut désormais obtenir, c'est réparation pour les victimes. Des victimes qui ont été abandonnées par les militaires français auprès de qui elles ont cherché à se réfugier.

Si vous nous quittez, ils vont nous exterminer. (...) Ils sont repartis.

Bernard Kayumba, victime rescapée du génocide rwandais

Alors, malgré le poids des années, Dafroza et Alain retournent à Bisesero, au mémorial des victimes du génocide, pour y rencontrer Bernard Kayumba. Pour reprendre en détail son témoignage sur un point précis : le rôle des militaires français lors d'une attaque de Tutsis par des Hutus en juin 1994. Bernard Kayumba raconte : "le 27 juin, on avait des gens qui surveillaient sur les collines, des guetteurs. Ils ont vu des camions monter. C'étaient les camions d'unités françaises. Nous croyions qu'ils allaient nous sauver. (...) Ils ont dit, nous n'allons pas rester, mais on va revenir dans trois jours. (...) On leur a dit, si vous nous quittez, ils vont nous exterminer. (...) Ils sont repartis". Un témoignage glaçant.

D'autres témoins, comme Jean-Pierre Sagahutu racontent à leur tour ce que les soldats français ont fait ou n'ont pas fait. Alain Gauthier explique les démarches qu'ils ont entamées avec l'association : "ça va durer des années avant que ça n'aille devant le Conseil d'état. Ce rôle de la France devrait amener à des compensations financières au profit des rescapés. Si personne ne fait cette démarche, dans 20 ans, il y aura très peu de rescapés, de tueurs. On a décidé de partir dans ce sens-là. On verra où ça nous amène.

"Rwanda 94, année zéro", un documentaire de Patrick Seraudie, à voir sur france.tv.

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