Après la perte de contrats avec Dassault et Airbus, Reims Aerospace s'oriente vers la liquidation. Le carnet de commandes de l'entreprise de sous-traitance aéronautique est pratiquement vide et aucun repreneur ne s'est montré intéressé. Sans espoir, les 75 salariés envisagent de se mobiliser, comme un baroud d'honneur.
Selon l’Union Locale CGT, la liquidation judiciaire de l’entreprise Reims Aerospace sera prononcée jeudi 14 novembre 2024 par le tribunal de commerce. Aucun repreneur n’a accepté de racheter l’entreprise qui se trouve actuellement en grande difficulté. Le carnet de commandes est vide, et tout le personnel subit du chômage technique depuis un an et demi, faute d'activité.
La fin de l'un des fleurons de l’aéronautique
Depuis plus de 60 ans, l’entreprise de sous-traitance aéronautique était implantée à Reims. Alors connue sous le nom de Reims Aviation, elle a employé jusqu’à 500 salariés. Entreprise d’excellence, elle était la seule en France à fabriquer des bords d’attaque d'ailes mobile des avions de la gamme Falcon. Elle a même construit le F406 Caravan II, un avion qu’elle produisait de bout en bout dans ses ateliers, qui pouvait assurer des missions civiles ou militaires.
Aujourd’hui, c’est la fin d’une histoire. Lâchée par ses principaux clients, Airbus l’an dernier, et Dassault à la fin de cette année, elle n’a pratiquement plus d’activité. Jérôme Jesson, délégué syndical CGT, est entré chez Reims Aerospace il y a 11 ans. Il est aujourd’hui contrôleur qualité. Il précise : « La liquidation sera prononcée jeudi par le tribunal de commerce. L’un des directeurs du groupe ACI est venu nous l’annoncer en CSE extraordinaire jeudi dernier. Il a parlé puis il est reparti sans même dire au revoir ».
Reynald Debeve est lui aussi contrôleur qualité chez Reims Aerospace, où il travaille depuis 34 ans. Il a 53 ans. Il a occupé tous les postes, de chaudronnier à responsable des traitements thermiques. Il est amer : « Tout le monde reconnaît notre savoir-faire en aéronautique mais on nous retire des marchés. J’ai traversé beaucoup de crises dans cette entreprise mais aujourd’hui c’est la fin, il faut se rendre à l’évidence. L’analyse est simple, aujourd’hui on est géré par des financiers qui vont dans les pays low cost ".
La disparition d’un savoir-faire d'excellence
La liquidation judiciaire n'est pas une surprise. Depuis le rachat de l'entreprise par le groupe ACI il y a trois ans, tous s’attendaient à une fermeture. Aucuns travaux n’avaient été faits pour améliorer le bâtiment. Et l'activité a ralenti progressivement.
Au départ, l’entreprise a continué à travailler pour ses deux clients principaux mais l’année dernière, Airbus l'a lâchée : « Nous fabriquions des planchers pour l’A320. Ils étaient montés dans les Hauts de France ce qui nous permettait d’être très réactifs. En deux heures nous pouvions répondre à une demande du client et livrer directement. Mais ça n’a pas suffi. Airbus nous a retiré le contrat déplacer l'activité dans le Sud puis à terme en Inde », déplore Jérôme Jesson.
Reims Aerospace s'est alors retrouvé avec un seul client, Dassault Aviation. Mais lui aussi a annoncé sa volonté de rompre le contrat avec le sous-traitant de Reims. « Au début, on fabriquait des gouvernes, des dérives, et des bords d’attaque mobiles, placés sur le devant des ailes des Falcon, explique le délégué syndical. Mais Dassault a arrêté les gouvernes et dérives qu’il a transférées dans le Sud. Ils nous ont laissé les planchers pour nous laisser le temps de nous diversifier. Ils attendaient nos propositions. Mais rien n’est venu de notre direction ».
Les salariés comptaient sur la direction pour trouver de nouveaux clients et de nouveaux contrats mais les attentes ont été déçues, Le contrat de Dassault prendra fin en décembre.
Quel avenir pour les 75 salariés ?
Les salariés se disent résignés, dégoûtés. Ils ont traversé plusieurs redressements judiciaires, plusieurs plans de licenciements successifs, qui n'ont pas permis de redresser les finances de l'entreprise. Ils savent que beaucoup d'entre eux vont perdre leur emploi.
Sur les 75 salariés, 20 ont plus de 57 ans. Dans le cadre du plan social, le Plan de Sauvegarde de l'Emploi, quelques-uns, les plus jeunes et les plus mobiles, accepteront peut-être de partir dans d'autres entreprises du groupe, mais les autres seront licenciés et devront, comme Reynald, chercher un autre emploi. « Personnellement je vais essayer de tourner la page, faire un bilan de compétences. Je ne peux pas partir. J’ai des enfants en garde alternée et ils sont ma priorité ».
Les salariés se retrouveront jeudi devant tribunal de commerce qui doit acter la liquidation judiciaire de Reims Aerospace. Ils n’attendent rien. Ils veulent juste rappeler qu’ils existent et rappeler leur savoir-faire. Une manifestation comme un baroud d’honneur