Arthur, 23 ans et Vincent 33 ans, avaient trouvé la mort le 13 mars 2012, dans un silo de Cristal Union à Bazancourt. En appel, la justice a une nouvelle fois reconnu la responsabilité de la sucrerie et du prestataire Carrard, qui avaient fait appel à eux. Ils sont condamnés ainsi à 100 000 € d'amende, mais le placement sous surveillance judiciaire n'a pas été retenu.
La cour d'appel de Reims a tranché : la société Cristal Union et l'entreprise de nettoyage Carrard ont été condamnés à 100 000 € d'amende dans l'affaire de la mort de deux cordistes en intervention dans un silo de la sucrerie de Bazancourt en 2012. Le délibéré a été rendu ce mercredi 24 novembre 2021. Le tribunal a ainsi reconnu les responsabilités pénales des entreprises et suivi en partie les réquisitions de l'avocate générale qui, elle-même, avait souhaité que soient confirmées les peines prononcées en première instance.
Le tribunal n'a toutefois pas retenu le placement sous surveillance judiciaire pendant 2 ans qui avait été prononcé en première instance, comme le regrette maître Buzy, l'avocat des familles de victimes: "De prime abord, il y a une certaine satisfaction car il y enfin des responsables pénaux à ces homicides involontaires et à ces blessures, mais la sanction prononcée n'est qu'une amende et elle fait disparaitre les obligations sur la sécurité et le suivi de la sécurité par des personnes extérieures aux entreprises. C'est là que le bât blesse, car ils ont pêché finalement à cause de la défaillance de la sécurité, et on ne leur impose pas de suivi à cet égard. C'est dommage et je peux concevoir la déception et la frustration des familles de victimes. Pour moi, c'était la peine qui avait le plus de sens". Selon lui, les sanctions financières n’auront pas d’impact, alors que la mise sous surveillance aurait été nécessaire pour empêcher un nouvel accident.
Une peine que ne comprend pas non plus Eric Louis, président de l'association "Cordistes en colère, cordistes solidaires": "Il y a une demi satisfaction, car les entreprises sont reconnues coupables, mais l'absence de placement sous surveillance judiciaire, c'est tout de même une grosse carence de la justice. Depuis 2010, 6 ouvriers sont morts sur les sites de Cristal Union. Il y en a eut en 2010, en 2012, en 2017, en 2018 et en 2019. Il y a une grosse déficience de la gestion de la sécurité chez Cristal Union et là, la justice nous dit : "ben non il ne faut pas les mettre sous surveillance parce finalement, ils font bien leur boulot".
De son côté, Michel Mangion, chef d’établissement de Cristal Union écope à nouveau de 6 mois de prison avec sursis et de 15 000 euros d'amende, mais David Duval, chef d’établissement de Carrard Services ressort de la cour d'appel, sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui.
"Violation d'une obligation de sécurité"
Les deux victimes, Arthur, 23 ans, originaire de l'Aveyron et Vincent, 33 ans, originaire de Sommes-Vesle dans la Marne, étaient employés par la société de nettoyage industriel Carrard pour Cristal Union. Ils ont été retrouvés morts le 13 mars 2012, ensevelis et asphyxiés sous des tonnes de sucre. Un accident lié à l'ouverture d'une trappe, en plein nettoyage d'un silo. Un troisième cordiste présent le jour de l'accident, s'en est sorti de justesse. Avec les familles des deux victimes décédées, il s'était donc constitué partie civile lors du procès. L'association "Cordistes en colère, cordistes solidaires" demandait, elle aussi, réparation.
Le premier procès s'est ouvert devant le tribunal correctionnel de Reims le 1er mars 2019, sept ans après les faits. A ce moment-là, les sociétés ont été déclarées coupables d'homicides et blessures involontaires, commis par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité. Elles ont été condamnées à 100 000 euros d'amende et un placement sous surveillance judiciaire pendant deux ans. Les deux dirigeants avaient été condamnés, eux, à 6 mois de prison avec sursis et 15 000 euros d'amende.
En première instance, comme en appel, la même stratégie de défense
Ces peines ont donc été confirmées pour les deux sociétés, lors du procès en appel, qui s'est tenu le 21 septembre 2021 à Reims. La stratégie de défense des deux compagnies est restée la même lors des deux audiences. Eric Louis, président de l'association "Cordistes en colère, cordistes solidaires" racontait alors à notre journaliste : "C'est conforme à ce qui s'est passé en première instance : les représentants de Cristal Union rejettent la faute sur Carrad services et le représentant de Carrad services se dédouane et rejette la faute sur les représentants de Cristal Union. J'ai peur qu'à la fin, comme en première audience, ils finissent tous les deux par rejeter la faute sur les travailleurs".
Pour les condamnés, entreprises comme dirigeant, un pourvoi en cassation reste possible. Depuis 2006, 26 accidents mortels ont eu lieu en France, selon l'association "Cordistes en colère, cordistes solidaires".