TEMOIGNAGES. "Je saute un repas sur deux", "je demande juste un endroit où dormir", des bénéficiaires du Secours catholique racontent leur quotidien

Trois personnes bénéficiant d'un soutien du Secours catholique ont accepté de témoigner à l'occasion de la sortie du rapport sur la pauvreté en France 2022. La Marne et les Ardennes voient la pauvreté augmenter selon l'association.

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Dans les 30 lieux d'accueil du Secours catholique dans la Marne et les Ardennes le constat est unanime. "On sent dans les demandes qu'il y a des personnes qui ne sont jamais venus", explique Jean Louis Milhau, le président de la délégation Marne et Ardennes du Secours catholique.

Alors que les années précédentes, les premières demandes des bénéficiaires étaient l'écoute, désormais ceux qui poussent la porte du Secours catholique cherchent en priorité une aide pécuniaire. 

Trois bénéficiaires d'un accompagnement de l'association, nous ont livré leur témoignage.

Marie, retraitée, une vie à l'euro près 

Cette retraitée travaillait dans une boutique de prêt-à-porter haut de gamme lorsqu'elle était encore en activité. Désormais, chaque mois, chaque dépense est réfléchie et parfois repoussée. "Je touche 1 100 euros par mois. Comme j'étais mariée, je n'avais pris qu'un 28 heures par semaine parce que c'était pratique pour les enfants. Mais mon mari s'est sauvé et je ne me retrouve avec rien", soupire Marie. 

Une fois les charges prélevées, la survie commence pour cette retraitée. "Cela devient de plus en plus difficile. Les charges ne font qu'augmenter", lance-t-elle. Pour cette dernière, la seule solution est de compter chaque dépense et de se restreindre. "Je fais un repas sur deux pour économiser, je mange de la viande un jour sur deux", explique-t-elle. Son seul plaisir : essayer de gâter ses trois petits enfants. "En décembre, il y a les fêtes et l'anniversaire de ma petite fille, ça va me faire quatre cadeaux. Je ne peux plus faire de cadeaux à mes enfants", regrette-t-elle. Elle précise ne plus rien s'acheter. "Je m'étais dit, je vais aller chez le coiffeur avant Noël, mais avec tout ça, non. Ça attendra 2023", ajoute-t-elle. 

"Vous savez quand vous avez passé votre vie dans une boutique, que vous aimiez vous apprêter et que vous aviez l'habitude d'aller souvent chez le coiffeur, c'est dur de ne plus pouvoir", s'émeut-elle. Même si Marie est attentive, en février dernier, elle n'a pas pu faire face. "J'avais reçu une régulation du chauffage et du gaz, quand j'ai eu la facture, on me réclamait 289 euros. Comment voulez-vous que je les sorte, je ne peux pas", précise-t-elle les larmes aux yeux. 

C'est alors qu'elle a contacté des organismes, mais sans succès. "Quand je suis arrivée au Secours catholique, en dernier recours, ils m'ont écoutée et soutenue." Sa régulation a pu être payée par l'association. C'est désormais avec une boule au ventre que Marie attend le mois de février. "Je vais encore avoir une augmentation vu le prix des énergies, mais cette fois, je ne sais pas si cela pourra être pris en charge", conclut-elle la voix tremblante. 

Christophe, privé de salaire pendant plus d'un an

Christophe, 54 ans, est plaquiste du bâtiment, du jour au lendemain, il s'est retrouvé sans salaire. "Le dernier que j'ai touché, c'est en avril 2021. J'ai travaillé jusqu'en juillet sans être payé, mon patron disait que les sous allaient arriver, mais ça ne s'est jamais produit", raconte-t-il. Christophe engage alors une longue procédure judiciaire. "Je n'avais pas reçu mes fiches de paie, ni mes papiers donc je ne pouvais pas régulariser ma situation, continue-t-il. Heureusement, j'avais de l'argent de côté. J'ai pu vivre grâce à cela pendant un peu plus d'un an."

A force de piocher dans ses économies, Christophe n'a pas pu payer son loyer depuis avril dernier. "Mon bailleur me demandait 2 500 euros de loyer, mais je ne les avais pas", déplore-t-il. Christophe est alors venu au Secours catholique. "Ils ont pu m'aider ! Ils ont payé mes loyers en retard, c'est un prêt, je leur rendrai quand ma situation sera régulée." 

La situation est en train de s'arranger pour cet employé du bâtiment. "Je passe au tribunal donc je vais pouvoir avoir mes papiers et travailler, avant je ne pouvais pas tant que j'étais en procédure."

Jean-Michel, "je demande juste un endroit où dormir"

A 60 ans, les traits marqués par la fatigue, Jean Michel vit dans la rue depuis deux ans. "Je veux juste un endroit pour que je puisse me remettre, je ne demande rien de plus", raconte-t-il péniblement. Ses deux enfants ne sont pas au courant de sa situation, "je ne veux surtout pas qu'ils l'apprennent", lance-t-il.

Celui qui a travaillé pendant plus de 14 ans dans l'armée n'a plus de solutions. "Je vivais dans des logements sociaux à l'époque, se remémore-t-il. Mais je suis allée en détention pendant un certain nombre d'années et, à la sortie, ils m'ont dit c'est terminé. Pendant toutes ces années, vous n'avez pas payé, vous partez." Jean Michel décrit cet instant comme une cassure. "Je me suis retrouvé à la rue alors que je ne connaissais pas du tout ce monde-là et ça a été dur", soupire-t-il. 

A la rue, il touche toujours une petite somme de l'armée. "Tout part dans l'hôtel, j'y loge une dizaine de jours par mois et le reste du temps, je suis dehors." Il a essayé de contacter des organismes mais "un homme seul ce n'est pas leur priorité", lâche-t-il. 

Sans solution, il décide de franchir la porte du Secours catholique, il y a plus d'un an. "Je voulais surtout du soutien, ils nous écoutent ici, je ne demande pas plus", complète Jean-Michel. Il espère désormais trouver un endroit où loger dans les prochaines semaines. 

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